Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Il y a peu, nous vous avons dit tout le bien que nous pensions de Tamanoir, du même auteur. Nous avons donc choisi de poursuivre notre découverte de Jean-Luc A. D’Asciano, avec ce recueil de nouvelles.

Enfin, recueil de nouvelles... Oui, sans doute, et, non, par vraiment, tant les liens sont forts entre différents récits – parce qu’un personnage s’y balade, parce qu’une scène est vue par différents protagonistes, parce qu’un rêve, un fantasme, ouvre la porte à une autre histoire, une autre vérité.

Chaque texte flirte avec le fantastique, qu’il évoque des frères siamois à la voix extraordinaire, ou un SDF un peu fou, une ado en rébellion, un père amoureux des oiseaux qui se prend d’amour pour une cigogne, des parents complètement perdus face à la maladie de leur enfant ou un gamin qui dialogue avec ses animaux, dont il préfère la compagnie à celle de sa famille. Étant donné la famille en question, c’est très compréhensible !

Les dix nouvelles qui composent ce recueil sont autant de perles qui portent une vision du monde cruelle et tendre, drôle et désespérée. Ce sont aussi des chroniques qui se répondent parfois, lorsque la jeune fille en mobylette avec la cigogne dans son dos se révèle la narratrice d’une autre aventure, ou quand le nom du Docteur Loizeau se retrouve dans différentes histoires. La tétralogie chamane parle de la même voix, ce narrateur enfant qui vit dans son propre univers. Au bout de sa rue, il y a un terrain vague, où survit un vieux fou, et où s’installe un cirque, autant d’images de la différence, de la marginalité qui traversent les récits. Le réel et l’imaginaire sont intimement liés et la plume de l’auteur rend à merveille ces ambiances entre chien et loup. Chaque histoire nous emmène dans la tête des protagonistes, au plus près des émotions, grâce à un style chirurgical, qui parle humour, rage, sensibilité, amusement, sentiments, découvertes, amour et haine, douceur et violence...

Lire L’enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux, c’est une aventure. Une aventure déstabilisante souvent, mais d’une richesse magnifique. L’originalité de cet univers, qui tire le quotidien vers le fantastique a quelque chose d’hypnotique. La monstruosité n’est jamais loin, la tendresse non plus. C’est cet étrange jeu d’équilibriste qui fascine à la lecture, un jeu porté par une écriture ciselée, qui se permet des audaces, pour évoquer le bizarre et l’absurde. Mais qui, au final, parle aussi de beauté et surtout, d’humanité. L’auteur nous amène, sans en avoir l’air, à aimer tous ces personnages marginaux, brisés, violents, comme autant de nos frères humains, malgré tout. Parce que se devinent en filigrane l’espoir et la possibilité d’une rédemption pour l’humanité.

Le texte qui clôt le recueil, Le Premier arbre de la forêt, est le seul à appartenir clairement au registre de la science-fiction, un monde dystopique où le dernier survivant de l’humanité croise les fantômes des animaux massacrés, où le souvenir de la brutalité le hante, mais que parcourt une poésie rare.

L'enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils, et à peaux
Auteur : Jean-Luc A. D’Asciano
Éditions : Aux Forges de Vulcain
Date de sortie : 19 janvier 2024
Prix : 20 €