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« Quand dansent les oiseaux » : les mamys plongeuses du Japon

  • Écrit par : Guillaume Chérel

Quand dansent les oiseauxPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Plusieurs documentaires et reportages ont déjà porté sur ces grand-mères japonaises qui pratiquent la chasse sous-marine en apnée, à leurs risques et périls, non pas pour leurs loisirs, mais pour vivre de leur pêche et s’affranchir de la domination masculine.

Il manquait un roman sur le sujet. Murata Kioko a écrit ce livre, titré : « Quand dansent les oiseaux », traduit du japonais par Catherine Ancelot, aux éditions Picquier, spécialisées dans la littérature asiatique, créées par Philippe (Picquier) en 1988. L’occasion de mettre en exergue l’excellent travail de fond de cette maison discrète mais solide.

Or donc, mesdames Io, 92 ans, et Someko, 88 ans, sont les dernières habitantes d'une petite île isolée. Umiko, la fille d'Io, veut emmener sa mère sur le continent. Mais la vie des deux plongeuses est si intimement liée à leur île natale qu'Umiko comprend qu'elles ne partiront pas, car elles gardent le souvenir de leurs maris pêcheurs devenus oiseaux après avoir disparu en mer. Ça c’est le pitch. Sur le fond, il est question des relations parfois houleuses, comme la mer, entre ces super mamys, simples mais fortes, pleine de bon sens, et non seulement leurs familles respectives, qui ne comprennent pas leur attachement à cette activité dangereuse – surtout à leur âge avancé -, mais également avec les hommes de l’île, à la fois envieux et moqueurs.

Au large du Japon, depuis toujours les hommes y sont pêcheurs et les femmes « plongeuses ». Elles en dessous de la mer. Eux au-dessus. Dans l’eau, même si le travail est dur, elles ont la paix. Sur terre, la vie est rude et on y parle trop, pour ces taiseuses, pour qui l’essentiel est d’agir, même si les îles se dépeuplent, comme à a campagne. Tous les jeunes partent, forcément. En quête de travail moins pénible et d’une connexion Wi-Fi. Entre l'immensité du ciel et la mer mouvante, ces deux vieilles amies (survivantes, car elles étaient une bonne dizaine) résistent aux intempéries et aux commentaires ironiques des pêcheurs narquois, mais sans doute admiratifs. A l’aube, elles grimpent sur les hauteurs de l’île pour cultiver quelques légumes, dans sur terre balayée par la pluie et les embruns. L'après-midi, elles descendent pêcher, elles aussi, mais sur la jetée. Pas en bateau. Ensemble elles se lancent dans une danse ancestrale réputée libérer leur âme d'oiseau… La fille d'Io-san a beau essayer de convaincre sa mère de repartir avec elle, rien n’y fait. La magie de l'île, et les conversations avec les esprits de la nature, et des eaux, sont trop fortes. Elles font corps avec l’île, ces deux grand-mères, fières de ce qu’elles sont. C’est leur volonté de vivre, forgée par des années de tempêtes, de naufrages, et de plongées en apnée dans les profondeurs, qui a noué ces liens aussi puissants que les éléments. Leur existence ne fut pas confortable mais c’était leur vie. Elles semblent aussi immuables que les rochers qui affrontent les vagues, le froid et l’humidité. Quand elles mourront, alors seulement elles s’abandonneront à la terre. Mais leur vraie mère, c’était la mer, à la fois sauvage et enchanteresse. Leur histoire est déjà légendaire. Murata Kioko vient de l’écrire à jamais, dans un style direct, sans fioritures ni effets de plumes. Elle va droit au but, comme ces mamys nageuses en apnée, qui ne parlent pas pour ne rien dire.

Quand dansent les oiseaux
Editions : Picquier
Autrice : Murata Kioko
Traduit du japonais par Catherine Ancelot
220 pages
Prix : 19 €
Parution : 2 septembre 2025


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