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"Vendredi" : le monde rêvé d’un naufragé sur les planches

  • Écrit par : Christian Kazandjian

vendrediPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/  Vendredi, une approche artistique hybride entre un clown et son public.

Des voiles en lambeaux, une hutte de bric et de broc, le chant de la houle. Nous sommes bien en présence d’une île de naufragés. Des borborygmes enflent soudain qu’accompagne une lueur errante et bientôt apparait un homme, un être couvert de haillons, hirsute, pouilleux. Mais, son visage est blanc et affublé d’un long nez rouge en son extrémité. A ses pieds des chaussures de tissu en charpie, longs : image décalée de clown. Ce naufragé, ce compagnon que la mort de Robinson a laissé seul, c’est Vendredi. Et ce clown, blanc, auguste, ici uni dans un seul pitre, évolue comme dans un cirque. Alors, ce Vendredi-là s’adresse, comme d’usage, au public. Sa longue solitude l’a-t-elle fait fantasmer au point, que sa recherche d’autrui, l’ait fait échouer sur une scène de théâtre ? Que ce soit dans son rêve ou dans le monde réel, il trouve enfin des interlocuteurs qu’il a longtemps cherchés. Ils les interpellent, tentent de lier des dialogues avec eux, y échoue et retourne dans son île, à son isolement : drame de la solitude qui a fait du roman, Robinson Crusoé de Daniel Defoe un classique de la littérature mondiale..

Un destin tragi-comique

Mais, avec ce Vendredi-ci, c’est au destin tragi-comique des humains auquel on assiste. Le clown -c’est sa fonction- dévoile les côtés occultes de l’individu, entre rires et larmes, entre réalité et fantaisie. On rit donc beaucoup, à l’écoute des cuirs de langage et autres pataquès débités par notre semblable, pourtant si différent. Et l’humour émerge lors des dialogues échangés avec les spectateurs. Cette logorrhée accouche de perles.
Librement adapté, par le comédien, de Robinson Crusoé, Vendredi nous projette dans un univers imaginaire, faits de préceptes, de morale, d’interdits, inculqués par Robinson, symbole de la « civilisation », au « bon sauvage » dont il a fait son serviteur. La quête nécessaire de l’amitié, à tout le moins de l’empathie, du respect de l’autre surligne les échanges, sans que soit absente l’ironie. Et qui mieux que le clown pour établir ce lien ? Le clown sait s’adresser à notre âme d’enfant, et faire ressurgir le souvenir de nos rêves et nos jeux.
Nicolas Verdier, seul en scène comme il se doit, habite totalement le personnage. De sa voix gutturale, il dévide des récits, sans queue ni tête, entrecoupés de séquences musicales, et pourtant empreints de sagesse. On semble entendre parfois Raymond Devos, autre clown céleste. Les dialogues avec la salle, sont pour le comédien, autant d’occasions d’improvisations, de saillies, déclenchant le rire. En bon clown, Nicolas Verdier sait jouer de son corps, en danse, en musique. La musique, tirée d’un transistor, symbolise le lien qui unit, au-delà des frontières, les cultures : une sorte de balalaïka-ukulele accompagne une chanson russe (?), avant qu’un air de clarinette –un des instruments préférés des clown- ne close le spectacle. La pièce offre une belle performance de comédien. Une spectacle à voir, seul ou en famille. Un moment où s’opère la magie du cirque et de la scène.

Vendredi
De et par : Nicolas Verdier
Avec la complicité de Serge Bagdassarian et Carole Allemand

Dates et lieux des représentations:

- Jusqu’au 12 décembre 2025 au Théâtre La Flèche, Paris 11e (01.40.09.70.40.), les vendredis à 19 heures.


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