Par Félix Brun - Lagrandeparade .com / L’Etat de Caroline…l’esclavage des populations noires est un élément essentiel dans l’activité économique de l’Amérique.

Annis, encore enfant, voit sa mère vendue par son maître qui a abusé d’elle. On l’appelle Annis mais son prénom est Arèse, "celle qui vient au bon moment". Quelques années plus tard, Annis est à son tour cédée à un marchand d’esclaves qui va les conduire jusqu’à la Nouvelle-Orléans…une longue marche à travers les forêts, les terres arides, les marécages… Parquée dans un enclos dans l’attente d’être négociée une nouvelle fois : "Je me retourne et souffle sur la terre, mais c’est un mauvais sol, imprégné de sueur, de pisse, de vomi et d’excréments, de désespoir et de peurs acides."  La souffrance, la malnutrition, les brimades à coup de fouet ou de gourdins, les viols, les internements sous terre, enchaînés, sont les conditions de vie quotidienne de ces forçats venus d’Afrique, serviles à merci dans les champs de canne à sucre ; "Ils ployaient et cédaient, ployaient et cédaient, capitulaient face à la terre, y laissaient des flocons de peau, des ruisseaux de sueur, le sang de leurs coupures et le vomi de leur bouche."  Afin de survivre, Annis va perpétrer la mémoire de sa mère et de sa grand-mère qui fût une guerrière des princes du Dahomey…et quand le désespoir va prendre le dessus, Annis implore Aza, l’esprit de sa grand-mère qui peut déclencher la pluie et le vent… "La première arme que j’ai tenue a été la main de ma mère."
Un roman puissant, d’une rare densité, d’un réalisme dérangeant, le magique et l’empathie, le sordide et l’amitié se mêlent dans ce combat pour la liberté des femmes esclaves. L’écriture est émouvante, empreinte de poésie et de magnifiques métaphores : « L’éveil du jour crépite comme les braises d’un feu neuf. »

Un excellent et remarquable moment de lecture.

Nous serons tempête
Auteure : Jesmyn Ward
Traduction : traduit de l’anglais (USA) par Charles Recoursé
Editions : Belfond
Date de parution : 21/08/2025
Prix : 22€