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Denali : une pièce conçue à la manière d'une série Netflix qui séduit par sa brillante originalité

  • Écrit par : Xavier Paquet

denaliPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Depuis de nombreuses années, la vidéo s’immisce dans les créations théâtrales et installe de nouveaux codes issus souvent du monde du cinéma, délaissant parfois le côté vivant du théâtre. Cinéma mais jamais série dont l’émergence bouscule la manière de concevoir le septième art. Jamais jusqu’à « Denali », une pièce conçue à la manière d’une série Netflix dont elle emprunte le style narratif et l’esprit visuel.

Inspirée d’une histoire réelle, l’histoire se vit dans le village d’Anchorage en Alaska où Denali et Kayden, jeunes adolescents un peu paumés, sont les derniers à avoir vu leur amie Cynthia en vie. Celle-ci retrouvée morte dans une rivière en bordure de forêt, ils sont vite suspectés du meurtre et se rejettent mutuellement la faute jusqu’à être pris dans un terrible engrenage. Denali, une jeune mère adolescente, désœuvrée et désociabilisée, est comme toute jeune très présente sur les réseaux sociaux : elle en devient addict quand, à la suite d’un post, elle est contactée et tombe sous le charme d’un certain Tyler, adulte beau gosse et fortuné avec qui les échanges deviennent plus récurrents. Le début d’une longue descente aux enfers. Et d’une enquête sous forme de thriller qui nous emmène dans les tréfonds de l’âme humaine et de la solitude adolescente.

Pensée comme une série policière, « Denali » est construite sous forme d’épisodes avec l’ensemble des codes visuels que l’on attend : générique, résumé d’introduction, alternance de présent et de flashbacks mais aussi cliffhanger en fin d’épisode. L’originalité est renforcée par la présence vidéo de ces effets et par le jeu en live des épisodes concernés : effet miroir d’un univers où virtuel et réel se confondent.

La scénographie sépare le plateau en deux espaces de jeu : un écran au premier plan où sont diffusées certaines scènes et derrière lequel se joue ensuite l’action ; un bureau d’enquête de police aux tons gris. La vidéo est certes très présente mais reste utilisée avec choix et style comme dans ces montages de SMS et tchats sur les réseaux et moments de vie qui défilent au gré des semaines.
L’esthétisme est renforcé à travers les lumières parfois blafardes d’une salle d’interrogatoire, parfois en clair-obscur dans la forêt ou dans l’intérieur d’une chambre d’ado tourmenté. Elles créent une atmosphère de thriller.
L’ensemble est agrémenté de musique jouée en direct et qui nous plonge dans une ambiance angoissante, tantôt glaçante tantôt mystérieuse et suit la montée dramatique de l’intrigue.

Même si le jeu manque parfois de justesse ou de puissance, « Denali » nous embarque sans ménagement, parfois avec violence, dans la dérive d’adolescents désœuvrés qui se construisent par les réseaux sociaux et voient le monde uniquement à travers ce prisme. Sans morale, sans réflexion, sans recul. C’est une dérive de notre société qui nous est contée par ce fait-divers tragique.

Brillante dans sa conception et ingénieuse dans sa mise en scène unique, elle met en lumière l’emprise que peuvent avoir des êtres mal intentionnés par écran interposé dans un monde virtuel où rien n’a plus d’importance qu’un like ou un smiley.
On en ressortira brassé et choqué mais séduit par la brillante originalité de la scénographie. Avant de revenir dans le monde réel, le vrai, avec joie mais aussi interrogation sur ce qui nous entoure.

DENALI
De : NICOLAS LE BRICQUIR
Avec Rose Noël, Sarah Cavalli, Caroline Fouilhoux, Marine Barbarit, Romain Bouillaguet, Pierre de Barncion, Tom Boutry, Léa Millet
Production : Jean-Marc Dumontet
Assistante à la mise en scène : Charlotte Levy
Scénographie : Juliette Desproges
Musiciens : 
Yamée Couture, 
Pauline Drand, 
Thomas Guené, 
Louise Guillaume

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu'au 23 novembre 2025 au Théâtre Juliette Récamier ( 3 rue Juliette Récamier, 75007 Paris) 

 

 


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