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Camus Casarès. Une géographie amoureuse : la passion de deux êtres d’exception en une époque troublée

  • Écrit par : Christian Kazandjian

camusPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Le sous-titre de la pièce Camus Casarès Une géographie amoureuse, pourrait servir de guide pour qui se penche sur la relation que nouèrent Albert Camus, prix Nobel de littérature en 1957 et la comédienne Maria Casarès.

Géographie ? Lui est né en Algérie, elle en Espagne. Ils se rencontreront en 1944, à Paris, lors d’une répétition du Malentendu qu’il avait écrit en dans laquelle elle jouait, âgée alors de 22 ans ; lui en a neuf de plus : coup de foudre, pour une liaison qui durera jusqu’à la mort accidentelle de l’écrivain en 1960. Quinze années, d’amours orageuses parfois, passionnées toujours qu’atteste une correspondance de 800 lettres que la célèbre tragédienne a conservées. C’est dans ces écrits qu’ont plongé Jean-Marie Galey et Teresa Ovidio pour écrire la pièce. Camus Casarès est, pour le spectateur, comme un périple à travers le monde ( Europe, Amériques, Afrique) : les deux amants voyagent beaucoup dans leur office et ne manquent jamais de s’écrire. Géographie corporelle : ils crient leur amour à travers la description de leurs étreintes et du manque de chaleur que leur impose l’éloignement. Ces échanges, passionnés chez elle («  A vrai dire, je n'ai pas d'autre pensée ni désir que toi, ton rire, ton beau visage de soleil, ton corps qui plie. Alors, je viens ici, près de toi, tromper un peu ma faim »), plus cérébraux chez lui, écrivent les pages les plus intimes d’un amour partagé.

Passion exclusive

Pour Maria, il n’est d’amour que celui d’Albert, tiraillé par son statut d’amant multiple, d’époux et de père ( sa fille Catherine rapporta les propos de sa mère Francien affirmant « qu'ils s'étaient toujours aimés, et que cela n'avait jamais été médiocre »). La situation difficile de leur relation se lit à travers les mots : elle vit une passion exclusive et le lui crie, lui, tente d’analyser, parfois, avec froideur, ses sentiments : mariage de l’eau et d’un feu qui brûlera Maria Casarès au-delà de la disparition d’Albert Camus. Les lettres plantent des jalons sur la période 1944-1960. La correspondance esquisse le portrait d’une époque troublée, ponctuée de conflits internationaux (guerre d’Algérie, du Vietnam), au regard de laquelle les réflexions d’Albert Camus sur son travail, sur les autres ( Gérard Philipe, Jean Vilar, Gallimard, etc.) agissent en contre-point : toute une époque nous est ainsi dévoilée, en filigrane, aussi sûrement que dans une thèse d’histoire. N’y manquent ni la poésie, ni la passion, ni l’humour, ni les colères : anatomie d’un amour vrai.

Monstres sacrés

Pour incarner deux monstres sacrés de la culture, il fallait deux immenses comédiens. Jean-Marie Galey offre un Camus, cérébral, tout de retenue, désenchanté, agaçant dans son apparente froideur, fragile au demeurant. Teresa Ovidio, avec une délicieuse pointe d’accent ibérique, est cette Maria Casarès, passionnée, juvénile, virevoltante, forte pour deux. La mise en scène d’Elisabeth Chailloux donne à la liaison de ces deux êtres d’exception toute la lumière. Le décor est minimaliste (deux sièges, des postes de radio) afin de dégager le flamboiement du texte. Les amants, séparés par la vie, tendent l’un vers l’autre, des mains qui ne se joignent pas. Quelques étreintes, un pas de danse, corps enlacés, signifient la rencontre tant désirée, tandis que discours enregistrés et chansons jalonnent le temps écoulé, marqué par la Guerre froide et l’effondrement du colonialisme. Une pièce qui éclaire sur la face en partie cachée (jusqu’en 1997 avec la publication de la Correspondance) de deux vies qui avaient rêvé n’en faire qu’une. Un hymne à l’amour, à la passion, à la difficulté d’être. Une belle réussite.

Camus Casarès. Une géographie amoureuse

De et avec : Jean-Marie Galey et Teresa Ovidio
Mise en scène : Elisabeth Chailloux
Lumières : Franck Thévenon
Son : Thomas Gauder
Chorégraphie réglée par Sophie Mayer

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu’au 31 mars 2026 au Théâtre EssaÏon, Paris 4e, tél. : 01.42.78.46.42., les lundis et mardis à 20h50.

 


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