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« Le livre de Kells » : …la liberté à fleur de peau, l’illusion en bandoulière !

  • Écrit par : Félix Brun

kellsPar Félix Brun - Lagrandeparade.com/ 1970 : il a 17 ans, il ne va plus au lycée, il quitte sa famille et sa ville. "J’ai regardé Lyon comme on quitte une aimée. […] Je ne savais pas quand je reviendrais, je ne savais pas si je revendrais."…l’idéal ce serait "Katmandou, Ibiza : là où les jeunes existaient "…Il prend le pseudo de Kells, en référence à un ecclésiaste irlandais figurant sur une carte postale reçue d’un ami.

"Je partais. Je voulais que tout de moi s’évapore. Que mon souvenir déserte ma chambre d’enfant. Ne rien laisser ni souffle ni trace". Une fuite sans appel d’un père méprisé et méprisant, raciste, antisémite, violent, mythomane, d’une mère dépitée, insignifiante, battue, glaciale… Il se retrouve à Paris dans la rue, sans argent ni moyens de subsistance : "J’ai marché le jour, la nuit, sous le vent du nord et dans le froid…Je n’étais plus un homme, j’étais une défaite." Une rencontre singulière avec les Maos, ceux qui vendent La Cause du Peuple au nez et à la barbe des autorités, alors que leur journal est interdit. La Gauche Prolétarienne va l’accueillir, le sortir de son isolement, de cette solitude, de cette spirale infernale et lui apprendre les combats, la solidarité, la fraternité… "Nous étions jeunes et coupables de l’être"…
Un très bel ouvrage, un récit initiatique puissant sur la construction d’un être qui va trouver sa voie, ses voies, entre dormir sur les trottoirs ou sous le Pont Neuf, chaparder pour survivre, mendier, croiser de faux amis, les petits boulots, les premières étreintes, la saleté, les douches publiques, le déprime et l’errance, le LSD camarade d’infortune, La Nausée de Sartre pour bréviaire. Et puis de ce dépouillement où « j’ai compris que je passerais ma vie à repousser la rue et ses fantômes », il va se construire, s’engager, comprendre et nous invite dans cette jeunesse des années 70, héritière des soixante-huitards aux engagements politiques et aux luttes faites d’espoir, de dérives et d’égarements. Et l’assassinat du militant Pierre Overney le 25 février 1972 va bouleverser et contribuer à la disparition de la Gauche Prolétarienne. Mais la cause demeure en intégrant « Libération » : "Et que rejoindre ce journal pouvait être une façon de continuer le combat. Tant pis si je devais passer des poings dans la gueule aux points d’exclamation, ça valait la peine d’essayer."
Un récit émouvant, bouleversant, percutant. L’écriture est tranchante, des phrases courtes, un style tendu, puissant, des mots pesants, des silences dérangeants.

Un remarquable et fort moment de lecture. Sorj Chalandon frappe avec détermination et sans complaisance, et démontre une nouvelle fois qu’il est un des meilleurs romanciers contemporain. A lire, relire et partager sans hésiter.

Le livre de Kells
Auteur : Sorj Chalandon
Editions : Bernard Grasset
Date de parution : 13/08/2025
Prix : 23€ 


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