Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ En ces temps de profusion éditoriale (il faut dire ce qui est), où des livres sont produits, « marketés », formatés pour séduire des lecteurs (et « trices », surtout, car ce sont des femmes qui lisent en majorité des romans) pour qui la lecture n'est qu'un loisir de plus, l'initiative d'Aude Volpihac (Scène de lectures : de Saint-Augustin à Proust), est à prendre comme un acte de résistance culturelle.
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans les poches de Serge Bressan, ce mois-ci...
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans les poches de Serge Bressan en ce mois de novembre 2019...
L’amour des fantômes » de Christian Bobin
Dès les premières lignes, on est prévenu : pour « L’amour des fantômes », Christian Bobin s’est déchargé de l’écriture du début de son « petit livre ». Il nous glisse : « Un papillon noir vole au-dessus du pré, devant ma fenêtre. Je le charge d’écrire pour moi les premières lignes de ce petit livre. Je reprendrai la main ensuite ». Ainsi, romancier et poète, pour cette collection « Carnets », il raconte sa ville natale, Le Creusot- ville minière de Saône-et-Loire. En à peine 80 pages, il bouscule le genre de la littérature du souvenir. Avec Bobin qui, depuis une quarantaine d’années, construit sans tapage une belle œuvre littéraire, disparaissent l’appartenance, les racines, l’identité… Avec une élégance et une économie de mots, il dessine les rues du Creusot, évoque ses maisons préférées et ce ciel qui roule. Il écrit aussi que « l'âme a un besoin vital d'herbes folles et de vieilles choses ». Et n’oublie ces fantômes, dont celui de son père, dans des pages magnifiques.
L’amour des fantômes
de Christian Bobin
Editions: L’Herne
Parution : 18 septembre 2019
Prix : 8 €
« De la musique. Conversations » de Haruki Murakami et Seiji Ozawa
Star internationale à qui chaque année on promet le Nobel de littérature, Haruki Murakami est aussi connu pour sa passion pour le marathon et le jazz. On le sait moins mais il est également un grand amateur de musique classique. Un de ses amis de longue date s’appelle Seiji Ozawa, chef d’orchestre à la réputation mondiale. Tous deux se sont souvent rencontrés- Murakami précise que, longtemps, ils parlaient de tout sauf de musique. Puis, entre novembre 2010 et juillet 2011, ils se sont posés, il en est sorti un livre de six entretiens : « De la musique. Conversations ». Ainsi, au fil des pages d’un livre passionnant, d’une non-fiction captivante, surgissent les coulisses du travail quotidien de l’écrivain qui résonne parfaitement avec celui du maestro. Mieux : les deux ne devisent pas seulement pour les initiés de la chose écrite ou de la musique. Avec leurs mots, ils s’adressent à tous, aux initiés certes mais aussi à tous les autres.
De la musique. Conversations
de Haruki Murakami et Seiji Ozawa
Editions : 10/18
Parution : 3 octobre 2019
Prix : 8,10 €
« Scènes de lecture »
En cent textes, le plaisir de lire. « Scènes de lecture » (sous-titre : « De saint Augustin à Proust »), c’est une belle anthologie imaginée et compilé par Aude Volpilhac, enseignante chercheuse à l’Université Catholique de Lyon. Dans sa préface, elle glisse des mots du chevalier de Méré, extraits de ses « Lettres » publiées en 1682 : « Il y a plus de mystère à lire qu’on ne pense ». Lire, voilà une action qui diffère de l’un à l’autre- ainsi, dans cette anthologie, défilent les rapports à l’objet-livre, l’activité de lecture avec la concentration, la solitude,… sans oublier le corps du lecteur. Lire est un plaisir- intellectuel et aussi sensuel. L’érotisme couve, si souvent, à chaque coin de page. La rêverie est là ; la réflexion, jamais bien loin. Tout comme la méditation ou encore la spiritualité. Lire peut être aussi un plaisir collectif- ce qui rend floue la frontière entre l’écrit et l’oral. Et maintenant, plongez dans « Scènes de lecture ». Lisez sans modération…
Scènes de lecture
Editions: Folio classique / Gallimard
Parution : 7 novembre 2019
Prix : 9 €
« La vie au cœur de la forêt » de Peter Wohlleben
Pendant plus de vingt ans, il a été garde-forestier en Allemagne avant de diriger, à présent, une forêt écologique. Peter Wohlleben s’est fait connaître dans le monde avec un best-seller titré « La vie secrète des arbres », décliné ensuite en un documentaire. On le retrouve avec un nouveau livre, « La vie au cœur de la forêt ». Avec des illustrations pour chaque thème, pour chaque chapitre, il raconte les arbres, les plantes, les insectes, les oiseaux, les mammifères,… bref, tout ce qui fait une forêt. Il répond aussi à de nombreuses questions, telles : comment les animaux et les végétaux communiquent entre eux ? pourquoi certains champignons poussent dans le voisinage de certains arbres et pas des autres ? quels sont les dégâts sur une extinction (végétale ou animale) sur l’écosystème ? Avec « La vie au cœur de la forêt » et la présentation de 250 espèces, Peter Wohlleben suggère une perspective nouvelle pour appréhender la biodiversité. Donc, promenons-nous dans les bois !
La vie au cœur de la forêt
de Peter Wohlleben
Editions : J’ai Lu
Parution : 9 octobre 2019
Prix : 7,90 €
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ Nous avons la chance, en France, d'avoir de superbes collections de poche qui rééditent des auteurs chevronnés, disparus, et des auteurs vivants à découvrir. Parmi ceux-ci, Jérôme Chantreau, qui avait fait son entrée en littérature avec un roman métaphorique surprenant : Avant que naisse la forêt . Il y racontait l'histoire d'Albert, père d'un enfant fait avec une belle rousse, qui vit paisiblement au bout du RER parisien, lorsqu'on lui apprend la mort de sa mère. Albert se déplace dans la maison de cette dernière, pour faire le deuil et le point, en tête à tête avec l'urne dans laquelle il y a les cendres de sa génitrice. La maison se situe en Mayenne, au milieu d'une forêt. Sa femme lui demande quand il rentre... bientôt. Mais une nuit, il est réveillé par des bruits étranges. Dans une aile de la propriété, les murs chantent... Ces échos font ressurgir le passé. Une légende familiale lui revient : un ermite erre dans les bois. Commence alors la lente remontée des secrets familiaux. Albert n'arrive pas à quitter la maison, la forêt en fait... sa mère, quoi. La fin devrait vous surprendre.
Avant que naisse la forêt
Auteur : Jérôme Chantreau
300 pages
Editions : Pockett
Prix : 8€
Son deuxième roman, Les enfants de ma mère, tourne une fois encore autour du personnage féminin qu'est – ou devrait être – la maman... Jérôme Chantreau y dresse le portrait d'une femme en quête d'elle-même. C'est les années 70-80, la gauche prend (enfin ?!) le pouvoir. Le jour où Mitterrand est élu (10 mai 1981), une femme s'émancipe, mais sa libération provoque un séisme dans la cellule familiale. La porte du 26, rue de Naples, est ouverte aux quatre vents. Son fils, Laurent, crée un groupe de rock dans les caves parisiennes, Françoise recueille chez elle des gamins fracassés par la drogue et les mauvais coups. Ils mangent quand ils peuvent, si les courses ont été faites. Laurent morfle, l'air de rien. Sa mère a eu le mérite de se libérer du patriarcat mais la cellule familiale n'existe plus. Bohème, naïve, légère, fantasque, voire irresponsable, elle laisse ses enfant s'élever seuls, surtout Laurent, qui trouve refuge auprès d'amis, tout aussi à la marge que lui pour X-raisons, mais pas de père, pas de repères. Toutes sortes d'artistes et de marginaux défilent, parfois aussi des gamins perdus. Surtout des gamins perdus... Heureusement qu'il y a Victor, le plus beau, le plus brillant de sa bande de potes mais dont les ailes seront vite brûlées. Ces années d'adolescence et d'apprentissage vont marquer Laurent à jamais. Avoir 20 ans, à Paris, dans les années 80, ce n'était pas si cool que peut le laisser croire la nostalgie d'une jeunesse perdue. La France mitterrandienne camouflait une grande sauvagerie nihiliste : c'était aussi les années Action Direct, rock alternatif et du Sida. L'espoir a vite laissé place à la désillusion. Dans ce roman tourmenté, Jérôme Chantreau le rappelle avec une grande sensibilité.
Les enfants de ma mère
Auteur : Jérôme Chantreau
450 pages
Editions : Pockett
Prix : 8 €
Une autre histoire de « famille de fous » a été adaptée au cinéma par Yvan Attal, qui fait quasiment jouer toute la sienne, de famille, dans l'adaptation de Mon chien Stupide, de John Fante. Celui qui fut le modèle de Charles Bukowski y raconte comment l'irruption d'un énorme chien à tête d'ours débarque un soir dans sa vie d'auteur désabusé. Il n'a qu'une envie : s'envoler loin de sa famille qui le rend dingue. Sa femme Harriet et ses quatre enfants ne peuvent qu'accepter la présence de ce canidé très mal élevé qui finit par prendre leur place dans cette coquette banlieue californienne de Point Dume, au bord du Pacifique. Evidemment, c'est drôle, loufoque mais ça en dit beaucoup sur la vie d'un écrivain qui se bat pour (re)gagner sa liberté de créer.
Mon chien stupide
Auteur : John Fante, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent
Editions : 10/18
187 pages
Prix : 8 €
Et puisqu'on y est, dans la loufoquerie la plus grotesque et ironique, les éditions 10/18 ont l'heureuse idée de rééditer La Conjuration des Imbéciles, roman devenu culte de John Kennedy Toole, alors qu'il avait été refusé par toutes les grandes maisons. À trente ans passés, Ignatius vit encore cloîtré chez sa mère, à La Nouvelle-Orléans. Harassée par ses frasques, celle-ci le somme de trouver du travail. C'est sans compter avec sa silhouette éléphantesque et son arrogance bizarre... Ou Bartelby en Louisianne ! Chef d'œuvre de la littérature américaine, La conjuration des imbéciles offre le génial portrait d'un Don Quichotte yankee inclassable et culte. L'un des plus drôles de l'histoire littéraire américaine, avec Catch 22, de Joseph Heller, dans un tout autre genre (le thème de la guerre) mais qui en dit autant sur la bêtise et l'absurdité d'une grande partie du genre humain. La preuve, après son suicide, à la fin des années 70, la mère de John Kennedy Toole est à nouveau allé frapper aux portes des éditeurs, Walket Percy daigne la recevoir et lit le pavé de son fils : il est subjugué par cette histoire hors norme, à la fois drôle et triste. Il le publie en 1980 et... Toole reçoit le Prix Pulitzer en 1981 : « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on le peut reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui », a écrit Jonathan Swift. C'est cet exergue qu'avait choisi l'apprenti écrivain, sûr de son talent, de sa différence, avant de tirer sa révérence. C'est sa mère qui l'a sorti de l'oubli. On appelle ça une tragédie.
La Conjuration des Imbéciles
Auteur : John Kennedy Toole, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Pierre Carasso
Editions : 10 / 18
Préface de Walker Percy
533 pages
Prix : 10,60 €
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans les poches de Serge Bressan...
Lire la suite : Dans les poches : Gilles Legardinier, Henning Mankell, Edgar Morin et Evelyn Waugh
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans les poches de Serge Bressan...
Dans les poches de Serge Bressan - Lagrandeparade.fr /Trancher d’Amélie Cordonnier
Un premier roman paru originellement en 2018. Son auteure ? Amélie Cordonnier, journaliste. Avec « Trancher », elle pose une question définitive : partir ou rester ? Oui, on a là le roman de la survie. La narratrice va avoir 40 ans le 3 janvier. Cette date, elle l’obsède. Une idée fixe. Parce que, depuis des années, Aurélien semblait guéri de ses accès de violence, de ses mots et paroles aussi tranchants que des lames de couteau fraîchement affûté. Et puis, soudain un matin, il replonge. « C’est revenu sans prévenir. C’était un de ces week-ends de septembre que tu préfères », lit-on. Week-end à Cabourg dans « la bicoque », surnom donné à la petite maison héritée de Josette, la grand-mère. Les enfants sont abasourdis, ne comprennent pas ce qui arrive à Aurélien. Il insulte sa femme, la narratrice. Assure que c’est malgré lui. Va-t-elle encore supporter longtemps la violence, les insultes ? Le pourra-t-elle ? Oui, le 3 janvier au plus tard, elle aura tranché…
Trancher
Auteure : Amélie Cordonnier
Editions : J’ai Lu
Parution : 4 septembre 2019
Prix : 6,50 €
Un chemin de tables de Maylis de Kerangal
On est prévenu : « La plus grande violence de ce métier tu sais, c’est que la cuisine exige qu’on lui sacrifie tout, qu’on lui donne sa vie ». Et on ouvre avec un döner kebab à Berlin- on continuera à Aulnay avec gâteaux, carbonara et pizza maison. Il y aura aussi, au aussi des pages et des pérégrinations, un tournedos Rossini, une blanquette de veau à l’ancienne, des gnocchis au beurre et à la sauge ou encore des fèves vertes et même un cochon de lait. Tout ça au programme d’« Un chemin de tables », délicieux texte de Maylis de Kerangal qui, en 2014, avait signé un magnifique roman, « Réparer les vivants ». Cette fois, pour la collection « Raconter la vie », la romancière a plongé dans le monde de la cuisine. Et raconte les jours de Mauro, jeune chef en vogue qui se fait un point d’honneur pour maintenir un certain héritage. Celui de la cuisine, de la vraie, toute en passion et solidarité, en violence et fatigue. Et ainsi, on passe de page en page, de table en table…
Un chemin de tables
Auteure : Maylis de Kerangal
Editions : Folio / Gallimard
Parution : 22 août 2019
Prix : 6,20 €
Fassbinder, la mort en fanfare d’Alban Lefranc
Né à Bad Worishofen (Bavière) le 31 mai 1945, Rainer Werner Fassbinder est considéré comme l’un des maîtres du « nouveau cinéma allemand » dans les années 1960-70. Il est le personnage principal d’un livre frénétique d’Alban Lefranc, titré « Fassbinder, la mort en fanfare ». Ainsi, on retrouve le cinéaste durant la soirée du 31 mai 1982. Il fête son 37ème anniversaire, ignore qu’il ne lui reste plus que dix jours à vivre ; il laissera pour l’Histoire quarante-trois films, dont « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) ou encore « Le Secret de Veronika Voss » (1982, Ours d’or du Festival de Berlin). Durant cette soirée-anniversaire, fête vertigineuse, le cinéaste (qui fut aussi acteur et homme de théâtre) voit sa vie défiler. Par saccades et à-coups, le temps se rembobine. Défilent les premiers tournages, la fresque Berlin Alexanderplatz, le terrorisme, la Fraction armée rouge, le corps de ses acteurs… et puis, il y a la mort. Elle rode, fait fanfare.
Fassbinder, la mort en fanfare
Auteur :Alban Lefranc
Editions : Rivages poche
Parution : 21 août 2019
Prix : 6,50 €
A la mort de don Quichotte d’Andrés Trapiello
Il est certains défis qui dépassent l’impossible. Ainsi, par exemple en littérature, quand un auteur se met en tête d’imaginer et écrire une suite à un chef-d’œuvre de la chose écrite et du patrimoine mondial. En 2004, le poète et romancier espagnol Andrés Trapiello a tenté l’inimaginable avec « A la mort de don Quichotte ». Avec Cervantes, le héros meurt juste après avoir rédigé son testament. Avec Trapiello, ce n’est pas à proprement parler la suite du chef-d’œuvre de Cervantes mais plutôt un récit complémentaire. En effet, dans ce récit aussi vif que débordant d’humour, on croise la gouvernante de don Quichotte, le curé don Pedro, le bachelier Samson Carrasco et aussi Sancho Panza et sa nièce Antonia. Tous ont entre les mains le livre de Cervantes, en prennent connaissance, découvrent de nouvelles aventures et se mettent en tête de réhabiliter celui qui fut leur maître. « A la mort de don Quichotte », c’est aussi une magnifique oraison funèbre…
A la mort de don Quichotte
Auteur : Andrés Trapiello
Editions : La Petite Vermillon / La Table Ronde
Parution : 5 septembre 2019
Prix : 8,90 €
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans les poches de Serge Bressan....
Lire la suite : Dans les poches : Anders Fager, Alain René Lesage, Primo Levi et FM Santucci
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Lire la suite : Dans les poches : Kei Miller, Sylvia Plath, François Taillandier et Naomi Wood
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« Hippie » de Paulo Coelho
De nombreux maitres en philosophie « coelhienne » expliquent doctement que « L’Alchimiste » (1988) est le fruit, la conséquence de l’expérience hippie de Paulo Coelho. Lequel écrit simplement : « Quand on a confiance en soi, on fait confiance aux autres. Parce qu'on sait intimement que le jour où on sera trahi- et cela arrivera, c'est dans la nature du monde-, on aura les moyens de se défendre. Courir des risques fait partie des choses qui donnent du sel à la vie », ou encore « Qui veut apprendre à se connaître commence par explorer le monde ». Quelques grincheux même pas nés au temps du « flower power » et du « peace and love » trouvent tous les défauts du monde à ce « Hippie », dénoncent un ton mielleux et une pensée aussi extatique qu’infantilisante. Paulo Coelho, qui se cache derrière le narrateur, se souvient, lui, du « Brésilien maigrichon portant le bouc » qu’il fut. Et se présente en anti-héros dans un roman qui transpire, à toutes les pages, la sincérité. C’est déjà ça…
« Hippie » de Paulo Coelho. J’ai Lu. Parution : 1er mai 2019. Prix : 7,90 €.
« Sartre » d’Annie Cohen-Solal
Pour bon nombre, il fut « l’intellectuel le plus représentatif du 20ème siècle ». En 1940, à 35 ans, il lance : « C’est le monde entier que je veux posséder ». En près de mille pages, l’historienne française Annie Cohen-Solal est donc partie en exploration dans l’œuvre du philosophe, romancier, dramaturge et journaliste. Titré simplement « Sartre », le livre est paru en 1985. On le retrouve en format poche avec une préface inédite : « Parce que vous avez raison, parce que vous cherchez… » Au fil des pages, l’auteure a écrit non pas la biographie d’un écrivain qui ne fut vraisemblablement pas « le plus grand de son temps » comme l’affirmaient ses admirateurs, mais « l’histoire globale » d’un homme qui, sciemment ou non, a voulu toute sa vie être « retentissant »- ce qui l’amena à refuser le prix Nobel de littérature ou à se fourvoyer dans des combats politiques qui se révélèrent peu brillants. Ce qui n’enlève rien, aujourd’hui encore, à la légende…
« Sartre » d’Annie Cohen-Solal. Folio Essais / Gallimard. Parution : 11 avril 2019. Prix : 14,20 €.
« Le Soleil des rebelles » de Luca Di Fulvio
On le surnomme « le Dickens italien ». Luca Di Fulvio est romancier et dramaturge, et a écrit à ce jour huit romans dont « Le Gang des rêves » (2016) et « Le Soleil des rebelles » (2018). Auteur de best-sellers internationaux, le romancier transalpin livre là une fresque tant romanesque qu’historique qui emmène le lecteur au Moyen Âge. Habile dans l’art de mener un récit, il mêle un roman d’apprentissage avec Marcus, un jeune prince héritier dont toute la famille a été massacrée par le cruel Ojsternik- seigneur cruel, il a décidé de faire main basse sur le territoire de la famille du jeune prince. Celui-ci est sauvé par la fille d'Agnete la sage-femme et va grandir dans un monde d’ultra-violence et d’injustice. Au quotidien, il vit comme un serf. Une vie d’esclave pour ce Marcus qui doit trouver le soleil la nuit. Y parviendra-t-il ? Roman de l’âpreté et de la rudesse, « Le Soleil des rebelles » n’en est pas moins empli d’espoir…
« Le soleil des rebelles » de Luca Di Fulvio. Pocket. Parution : 9 mai 2019. Prix : 9,40 €.
« En camping-car » d’Ivan Jablonka
Historien et écrivain, Ivan Jablonka s’était fait remarqué (en bien !) avec deux ouvrages impeccables : « Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus » (2012) et « Laëtitia ou la fin des hommes » (2016, prix Médicis). Il est revenu en 2018 avec « En camping-car » (prix France TV essai)- qu’on retrouve ce printemps en format poche. Et nous glisse : « Le camping-car nous a emmenés au Portugal, en Grèce, au Maroc, à Tolède, à Venise. Il était pratique, génialement conçu. Il m’a appris à être libre, tout en restant fidèle aux chemins de l’exil… » En famille, des voyages par chemin de traverse. Puis, le souvenir des voyages de l’enfance. Une vie alors tout aussi bringuebalante qu’émerveillée. Il n’y avait ni horaires ni impératifs... bref, la vie « En camping-car » ! Au fil des pages, bien plus qu’un texte de souvenirs personnels ou une socio-histoire d’une enfance, Ivan Jablonka dessine avec élégance le portrait d’une époque. Et n’est jamais loin de l’essai de moraliste…
« En camping-car » d’Ivan Jablonka. Points / Seuil. Parution : 2 mai 2019. Prix : 6,50 €.
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« Pactum salis » d’Olivier Bourdeaut
Le roman d’une amitié improbable. Après l’énorme succès d’« En attendant Bojangles » (plus de 500 000 exemplaires vendus), le deuxième livre d’Olivier Bourdeaut : « Pactum salis »- titre emprunté à un proverbe médiéval : « Amicitia pactum salis »- l’amitié est un pacte de sel. Avertissement de l’éditeur : « L’auteur connaît très bien les univers qu’il décrit… » Donc, direction les marais salants de Guérande, en bord d’océan Atlantique. Deux personnages. Il y a Jean d’un côté et Michel, de l’autre. Le premier, la trentaine, vivait à Paris où il était étudiant ondoyant. Il se savait promis à une vie médiocre, au mieux ordinaire. Un jour, il regarde la télé, tombe sur un reportage sur les marais salants. Le second, Michel donc, c’est tout le contraire. Lui aussi la trentaine, il est agent immobilier. Son moteur de vie : gagner du fric. La famille, les amis, il n’en a rien à faire. Il a pratiquement réussi… Les deux hommes vont se croiser- et ça va chauffer.
Pactum salis
Auteur : Olivier Bourdeaut
Editions : Folio / Gallimard
Parution : 4 avril 2019
Prix : 7,40 €
« Treize jours » de Roxane Gay
Une des stars de la contre-culture aux Etats-Unis, Roxane Gay est née en 1974 au Nebraska dans une famille haïtienne. « Treize jours » est son premier roman, et dès sa parution en 2014, ce fut le choc. Littéraire et humain. Avec son mari Michael et leur bébé, Mireille Duval Jameson est en vacances à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Elle est kidnappée, les ravisseurs vont réclamer un million de dollars à son père, l’une des personnalités les plus fortunées de l’île. Il bosse dans le bâtiment et les travaux publics, il refuse de payer la rançon. Le cauchemar commence pour Mireille qui s’en sortira presque morte et se souvient : « Ils m’ont détenue treize jours. Ils voulaient me briser. Cela n’avait rien de personnel. Je n’ai pas été brisée »… Après une telle épreuve, les questions surgissent. Comment retrouver les siens ? Comment se reconstruire ? Comment pardonner à ce père qui n’a pas voulu payer la rançon ? Et si la rédemption prenait une forme des plus inattendues ?
Treize jours
Auteure : Roxane Gay
Editions : Points / Seuil
Parution : 21mars 2019
Prix : 8,20 €
« Dieu, le temps, les hommes et les anges » d’Olga Tokarczuk
Soit Antan, village de Pologne. Entre quelque part et nulle part. Comme ponctuation, le temps : le temps d’aimer. Celui de souffrir puis de mourir… En 1996, Olga Tokarczuk- la romancière polonaise contemporaine la plus traduite dans le monde, signait « Dieu, le temps, les hommes et les anges »- son premier grand texte qu’on découvrira en VF en 1998. Depuis, elle s’est illustrée avec des textes impeccables comme « Les Pérégrins » (2010) ou encore « Les Livres de Jakob » (2018) et a reçu de nombreux prix dont l’international Man Booker l’an passé. Avec « Dieu, le temps, les hommes et les anges », elle plaçait le village d’Antan au centre de l’univers. Un village au cœur du monde, des hommes et de l’histoire dirigé de l’au delà par Dieu. Ce Dieu qui, vraisemblablement, ne se gêne pas pour y envoyer maux et bonheurs. Magnifiquement inspirée, Olga Tokarczuk déroule un conte empli de gestes du quotidien, de bouts de vie, d’émotions, de fraîcheur et d’originalité.
Dieu, le temps, les hommes et les anges
Auteure : Olga Tokarczuk
Editions : Pavillons Poche / Robert Laffont
Parution : 21 mars 2019
Prix : 9,50 €
« Incident à Twenty-Mile » de Trevanian
Le 19ème siècle court à sa fin. On est au cœur des montagnes du Wyoming. Un gros village, Twenty-Mile, périclite- logique, sa mine d’argent s’épuise. Il ne reste plus que quinze habitants. Quinze personnes qui ne savent comment regarder ce nouvel arrivant. Tout juste 18 ans, Matthew débarque on ne sait trop d’où, est bien décidé à se faire une place dans cette mini-communauté, lui dont le héros est Ringo Kid. C’est « Incident à Twenty-Mile », un roman de Trevanian. De cet auteur américain, on sait qu’il se nomme pour l’état-civil Rodney Whitaker, a tourné des courts métrages, écrit des essais et des nouvelles, a vécu au Pays basque et en Angleterre, n’a publié que six romans noirs dont le cultissime « Shibumi » (paru en VF en 2008) et serait mort en 2005. Avec « Incident à Twenty-Mile », il s’aventure dans le genre du western type. Comme personne, Trevanian joue avec tous les codes du western. C’est furieusement romanesque, délicieusement violent et ironique !
Auteur : Trevanian
Editions: Gallmeister
Parution : 7 mars 2019
Prix : 10,50 €
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une série de poches à emporter partout...pour célèbrer la Nuit!
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Des poches à lire et à emporter partout!
"Un certain M. Piekielny" de François-Henri Désérable
Pour décor, Vilnius, la capitale de la Lituanie. Hier et aujourd’hui… Un auteur se lance sur les traces de Romain Gary, c’est « Un certain M. Piekielny » de François-Henri Désérable qui, à 30 ans, signait là en 2017 son troisième roman. Et nous voilà, lecteurs, avec Roman Kacew, un gamin à qui son voisin, M. Piekielny, dit : « Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilmo, habitait M. Piekielny ». Adulte, Roman Kacew devenu Romain Gary sera résistant, diplomate, écrivain et évoquera toujours ce voisin. Les grands écrivains russes ne sont jamais bien loin, tout comme Raymond Aron et Jean Seberg. Se glissant dans le costume d’un Rouletabille du 21ème siècle, François-Henri Désérable a fait le voyage en Lituanie- et ainsi, rendu hommage à tous les Piekielny du monde, les humbles, les persécutés. En y ajoutant, au fil de belles pages, un hymne vibrant à la littérature.
Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable. Folio / Gallimard. Parution : 14 février 2019. Prix : 7,40 €.
"La belle n’a pas sommeil" d’Eric Holder
Il est parti à jamais le 23 janvier 2019. Eric Holder avait 58 ans et signait des romans certes brefs mais toujours délicatement ouvragés. Avec cet auteur, c’était une ode permanente à la belle langue. Ce fut le cas avec, entre autres, « Mademoiselle Chambon » (1996) ou « Bienvenue parmi nous » (1998), ce l’était encore avec « La belle n’a pas sommeil », quatrième roman avec le Sud-ouest français pour décor. Un texte tout en sensibilité, avec Antoine- il a la soixantaine, a décidé de vivre à la campagne et d’y ouvrir une boutique. Une « bouquinerie » - « Les livres m’ont sauvé la vie, depuis je sauve la leur », dit-il. Mais il n’avait pas prévu qu’il n’aurait pas de clients. Des clients qu’il attend tout au long de la journée, en vain… Un jour, surgit Lorraine, la trentaine. Elle est sa nouvelle voisine. Elle est conteuse professionnelle, belle et n’a pas sommeil alors qu’Antoine se couche tôt... Avec une élégance rare, Eric Holder racontait les vies solitaires.
La belle n’a pas sommeil d’Eric Holder. Points / Seuil. Parution : 21 février 2019. Prix : 6,50 €.
"Jours brûlants à Key West" de Brigitte Kernel
En avril 1955, Françoise Sagan, tout juste 19 ans, est invitée par le grand Tennessee Williams dans sa villa en Floride. Pendant deux semaines, ça va être torride. C’est « Jours brûlants à Key West », l’impeccable roman de Brigitte Kernel. Immédiatement, on est prévenu : « Cette histoire est vraie sauf ce que j’ai inventé ». Et voilà, en avril 1955, c’est parti pour quinze jours brûlants et tumultueux dans Key West, Floride. On se glisse dans le sillage de Françoise Sagan, forte d’un succès mondial avec son premier roman, Bonjour tristesse. « Adorable petit monstre » de 19 ans, elle est en promotion outre-Atlantique, fait étape à New York où elle s’ennuie (c’est peu dire !). Elle déclare sa passion littéraire pour Tennessee Williams, l’auteur de « La Chatte sur un toit brûlant ». Il l’invite dans sa villa. Il y a aussi Frank Merlo, son amant, et Carson McCullers, l’auteure du roman « Le Cœur est un chasseur solitaire »… C’est très chaud, formidablement envoûtant…
Jours brûlants à Key West de Brigitte Kernel. J’ai Lu. Parution : 13 février 2019. Prix : 7,10 €.
"Cartes postales" de Henry Jean-Marie Levet
Dans une belle préface à « Cartes postales », Michel Bulteau rappelle qu’Henry Jean-Marie Levet est né le 13 janvier 1874, à Montbrison, « sous-préfecture de la Loire, au pied des monts de Forez ». Il y grandit « dans la plus grosse maison ». Jeune homme, il va à Paris, y mène une vie de dandy avant de devenir diplomate. Il vit en Inde, en Indochine, aux Philippines, aux Canaries… Il écrit aussi. Des poèmes- une douzaine de textes écrites entre 1900 et 1902 pour ce recueil publié en 1920, tout autant cartes postales que photos littéraires de « son » monde. C’est délicieusement empli de comtesses et de plaisirs. Ça a ébloui Valéry Larbaud, Léon-Paul Fargue ou encore Jean Cocteau. Sûrement parce qu’Henry Jean-Marie Levet ne s’est jamais contenté d’évoquer les paysages de « cartes postales »- il y glissait encore et toujours l’humain. « Cartes postales », c’est un recueil où flottent de délicats nuages d’opium mais surtout la douceur et la solitude des hommes…
Cartes postales de Henry Jean-Marie Levet. La Petite Vermillon / La Table Ronde. Parution : 14 février 2019. Prix : 6,10 €.
Dans les poches de Serge Bressan - Lagrandeparade.fr
Peleliu de Jean Rolin
Ecrivain et journaliste d’excellence, Jean Rolin prend pour un terrain d’observation le monde qu’il traverse en piéton. Il y eut « La Ligne de front » (1988), « La Frontière belge » (1989) ou encore « Un chien mort après lui » (2009). Et aussi « Peleliu »- paru initialement en 2016, un livre magique qui emmène le lecteur sur l’île de Peleliu dans l’archipel des Palaos, dans l’ouest de l’Océan Pacifique. De septembre à novembre 1944, sur cette île, a eu lieu une des batailles les plus meurtrières de la guerre du Pacifique. Par la grâce de l’écriture de Rolin, on oublie l’exotisme touristique- l’auteur y a séjourné plusieurs semaines, s’y est promené en vélo, à pied, y a écouté le glougloutement de créatures aquatiques. Y a retrouvé l’enfer de cette bataille « inutile, ou d’une utilité discutable ». S’y est même mué en guide pour touristes russes et tchèques. « Peleliu », c’est le grand roman d’un magnifique styliste et d’un observateur à l’affût en permanence.
Lire la suite : Dans les poches : Jean Rolin, Jean-Noël Schifano, Bertrand Visage...
Un bon bouquin, ça ne périme pas! Et après, ça passe en poche et c'est encore mieux parce qu'on peut l'emporter partout!
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