Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / En cette rentrée où paraissent pas moins de 490 romans d’ici la fin octobre, une quatrième et dernière sélection de cinq romans indispensables, dont un texte éblouissant avec la Britannique Rachel Cusk. Bonne lecture !
RACHEL CUSK : « La dépendance »
Depuis bientôt trente ans, elle se glisse en librairies. Rachel Cusk est née au Canada en 1967 et s’est installée, avec ses parents, en Grande-Bretagne sept ans plus tard. Devenue romancière remarquée, elle nous revient avec « La Dépendance » dont la version originelle a été saluée par le « New York Magazine » et le « Wall Street Journal ». Après « L’œuvre d’une vie : devenir mère » (2021), voici donc « La Dépendance ». Certains, outre-Manche, y ont vu des airs de famille avec « Mrs Dalloway », un roman de Virginia Woolf paru en 1925. Belle parentèle mais on a là surtout un roman de Rachel Cusk- et c’est impeccable. Une fois encore, la romancière qui ne craint pas de se présenter féministe s’intéresse au quotidien d’une femme. M est romancière (elle n’écrit plus vraiment), elle est comme on dit « entre deux âges », un premier mariage sans émerveillement entre conjugalité et maternité, et le départ avec son deuxième mari pour vivre dans les marais, en bord de côte. Avec la maison, une dépendance délicatement transformée en résidence d’artistes. Le rêve de M : y accueillir L, un peintre qu’elle tient parmi les plus grands. Celui-ci accepte mais, déception de M, il débarque avec une créature tout autant de rêve qu’irritante. On y ajoute la fille de M et son mari qui se pointent… Dans ce cadre idyllique en bord de côte, des tensions ne tardent pas à surgir. La Dépendance, ce sont les lettres qu’a écrites M à Jeffers… elle y dit tout, par exemple : « Je t’ai déjà raconté, Jeffers, la fois où j’ai rencontré le diable dans un train au départ de Paris… » Roman épistolaire, voilà une forme littéraire que Rachel Cusk manie à la perfection. Tout y est : les désirs, l’orgueil, la désillusion d’une femme pour qui, selon l’auteure, la seule solution pour sortir de l’aliénation conséquente des traditions, des mœurs et des religions est politique…
La dépendance
Auteure : Rachel Cusk
Editions : Gallimard
210 pages
Prix : 20 €
MIGUEL BONNEFOY : « L’inventeur »
Né à Semur-en-Auxois (Côte-d’Or) dans les premières années du 19ème siècle, il fut surnommé « Prométhée ». Homme de science, il a mis au point l’héliopompe- ce réflecteur parabolique flanqué d’une chaudière en verre cylindrique alimentant une machine à vapeur, il l’appellera Octave. En tout temps, cet inventeur serait une star, sauf que la machine n’a pas pu lutter contre l’industrie du charbon. Et Augustin Mouchot mourut en 1912 dans la misère, oublié, retourné à cette ombre qu’il n’aurait jamais dû quitter… Jusqu’à ce que, après « Sucre Noir » (2017) et « Héritage » (2020), l’écrivain franco-vénézuelien Miguel Bonnefoy, avec « L’inventeur », le remette avec son habituelle élégance d’écriture dans la lumière. Gloire à Augustin Mouchot, l’inventeur qui a cru, bien avant tant d’autres, à l’énergie solaire !
L’inventeur
Auteur : Miguel Bonnefoy
Editions : Rivages
210 pages
Prix : 19,50 €
JOSEPH INCARDONA : « Les corps solides »
Une vie de peu. De presque rien. Anna vend des poulets rôtis sur les marchés. Pour améliorer l’ordinaire et la vie dans son mobil-home en bord d’Atlantique, pour que son fils Léo vive dignement en ne manquant de presque rien… Début d’histoire rapportée par l’écrivain Joseph Incardona, 53 ans, natif de Lausanne et auteur d’une douzaine de livres dont un très remarqué, « La Soustraction des possibles » (2020). On le retrouve donc avec « Les corps solides », un grand roman sur la société contemporaine et son cynisme. A l’image de la Rome antique, le pouvoir donne au peuple des jeux (beaucoup) et du pain (un peu). Ainsi, quand dans un accident elle perd son camion- outil de travail, Anna va-t-elle avoir un autre choix que celui de participer à un jeu télé qui lui assurerait un chèque de 50 000 euros- synonyme de la fin des ennuis ?
Les corps solides
Auteur : Joseph Incardona
Editions : Finitude
274 pages
Prix : 22 €
NICOLAS REY : « Crédit illimité »
Bonheur et joie de retrouver, avec son « Crédit illimité », Nicolas Rey, écrivain qui s’était perdu dans des contrées peu fréquentables. Le voilà donc de retour avec un roman délicatement amoral, un roman qu’on ne peut qu’apprécier avec son personnage principal, Diego Lambert, la petite cinquantaine, à la ramasse financièrement. Alors, tout aussi humble qu’humilié avec un besoin urgent d’argent, il va voir son père, PDG d’une multinationale. Celui-ci lui met le marché en main : OK pour t’aider, voici un chèque de 50 000 euros- à une condition, tu remplaces la DRH d’une de mes boîtes en province et tu licencies quinze ouvriers… A la découverte du monde ouvrier, s’ajoute l’idée de tuer chez Diego Lambert. Au pays de la loose, Nicolas Rey tricote, en rangs bien serrés, une farce oedipienne virevoltante et allégrement incorrecte !
Crédit illimité
Auteur : Nicolas Rey
Editions : Au Diable Vauvert
224 pages
Prix : 18 €
BLANDINE RINKEL : « Vers la violence »
En Vendée, une fille et son père. Lou et Gérard Meynier, un patronyme qui signifie « robuste guerrier ». Le père illumine la vie de sa fille, tout en trimbalant des fantômes et de lourds secrets. Il est grande gueule, rit fort, son credo et son école : « la sensation du couteau, ces moments où l’on se sent un peu plus que vivant ». De Lou, il veut faire une femme féroce. C’est « Vers la violence », le cinquième livre de Blandine Rinkel, après les très remarqués « L’abandon des prétentions » (2017) ou encore « Le nom secret des choses » (2019). Au fil du roman, on apprend que le père est idéaliste et diablement égocentré, qu’il a été un temps marin puis flic et qu’il demeure un sacré affabulateur. A ses côtés, Lou se construit, rebelle, et sera danseuse- elle dit : « Danser, c’est nager sans eau ». Un roman troublant et puissant.
Vers la violence
Auteure : Blandine Rinkel
Editions : Fayard
380 pages
Prix : 20 €
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans « Villa triste », Patrick Modiano évoquait en 1975 ces « êtres mystérieux, toujours les mêmes, qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de votre vie ».
Lire la suite : « Paris de ma jeunesse » de Pierre Le-Tan : mystère et nostalgie…
Par Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Tel un compagnon pour son chef-d’œuvre, Philippe Delerm est l’inventeur d’un style très particulier dont il est le seul artisan. Il fait penser aux grands auteurs des 17ème et 18ème siècles qui, avec lucidité, cynisme et désillusion, caricature le portrait des courtisans, bourgeois et autres nobles : La Bruyère, La Rochefoucauld, Chamfort.
Lire la suite : Et vous avez eu beau temps ? : Philippe Delerm , maître-compagnon des bons mots !
Par Philippe Delhumeau - Lagrandeparade.fr/ Stéphane Reynaud, auteur de "Un couteau un plat une cocotte", propose aux cuisinières en tablier des recettes concoctées avec des ingrédients de tous les jours. Des recettes faciles à réaliser en 20 minutes sans être un top chef des fourneaux et plaques de cuisson high tech.
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / C’est la rentrée ! Au programme et sur les rayons des librairies, d’ici la fin février, pas moins de 507 romans et récits. Dans une quatrième et dernière sélection, en toute subjectivité, lagrandeparade.com en a retenu sept aussi sensationnels qu’indispensables… Bonne lecture à toutes et tous !
LA SENSATION
« Ootlin » de Jenni Fagan
La sensation de cette rentrée littéraire d’hiver 2025 vient d’Ecosse. C’est « Ootlin », le quatrième et nouveau roman de Jenni Fagan, déjà remarquée pour « Les Buveurs de lumière » (2017) ou encore « La Fille du diable » (2022). Un roman implacable, cinglant, incandescent et plein de vie pour l’histoire de Jenni Fagan- elle est née d’une mère psychotique, alors les services sociaux l’ont placée dans pas moins de quatorze maisons d’accueil et, dès l’âge de 7 ans, elle changera de nom à plusieurs reprises. Adulte, elle a essayé de mettre en mots sur papier son histoire- en vain. Elle y est revenue, « il y a toujours une histoire avant l’histoire ». Evoquant « Ootlin », cet aveu dans un journal britannique : « Ce livre m’a sauvé la vie ». Au hasard des pages, on lit : « J’apprends à quitter mon corps » ou encore : « Les mots sont véritablement magiques. Ils m’emmènent dans le seul endroit où je me sens à ma place sans avoir à m’excuser ». En ouverture du roman, l’auteure a dédié son livre à « tous ceux qui traversent les enfers sur rien de plus qu’une plume » et rappelé les mots de Louise Bourgeois : « Racontez votre histoire et vous serez intéressant ». Avec « Ootlin », Jenni Fagan est bien plus qu’intéressante, rapportant cette histoire d’une enfance rythmée par les abandons, les adoptions, les errances, le refuse dans la délinquance et la drogue. Et ouvrant un avenir d’espoir après qu’elle a découvert l’art, la musique, les livres glissé une citation…
« Ootlin »
Auteure : Jenni Fagan
Editions : Métailié
ET AUSSI…
« Les Indignes » d’Agustina Bazterrica
On lit : « Quelqu’un crie dans l’obscurité. J’espère que c’est Lourdes. J’ai mis des cafards dans son oreiller et j’ai cousu la taie pour qu’ils aient du mal à en sortir (…). J’ai laissé de minuscules ouvertures pour qu’ils s’échappent progressivement ». Ouverture du deuxième roman de l’écrivaine argentine Agustina Bazterrica pour une plongée dystopique dans la Maison de la Sororité Sacrée, simplement titré « Les Indignes ». Après « Cadavre exquis » (2019) qui avait révélé l’auteure, voici donc un texte implacable sur le quotidien de ces « indignes ». Pour elles, tout y est réglé sous la haute surveillance de la redoutable Sœur Supérieure. Entre elles, aucun cadeau, surtout qu’il existe la possibilité de rejoindre les « Illuminées » comme l’espère l’une d’entre elles…
« Les Indignes »
Auteure : Agustina Bazterrica
Editions : Flammarion
« Chien des Ozarks » d’Eli Cranor
Dans le genre roman noir, existe une catégorie nommée « rural noir »- l’un des maîtres s’appelle Eli Cranor, et nous arrive en VF sa récente production acclamée par Ron Rash, David Joy ou encore Megan Abbott. C’est titré « Chien des Ozarks », c’est empli de bains et de dettes de sang. Au cœur de l’histoire : Jeremiah Fitzjurls, vétéran du Vietnam qui vit à Taggard (Arkansas), petite ville des monts Ozarks bouffée par le chômage et la récession, vit seul avec sa petite-fille Joanna qu’il élève au milieu de sa casse automobile. Pour assurer sa protection, il lui apprend le maniement des armes et l’autodéfense. Un jour, débarquent les Ledford, une famille de suprémacistes blancs qui dealent du meth et s’en prennent à la jeune fille. Dès lors, Jeremiah sait que rien n’arrêtera la violence…
« Chien des Ozarks »
Auteur : Eli Cranor
Editions : Sonatine
« Des loups ordinaires » de Seth Kantner
A peine paru en 2004 et aussitôt devenu culte… Deux décennies plus tard, arrive la VF du premier roman de l’Américain Seth Kantner : « Des loups solitaires ». Cutk Hawley, un jeune garçon blanc, est élevé dans le nord de l’Alaska en territoire inuit. Avec sa famille, il vit selon les règles traditionnelles. Il y a le froid extrême, le gamin apprend à chasser, à pêcher, il connait le chant du loup et aussi le prix de sa fourrure, il parle l’inupiak… N’empêche ! dans cet univers, Cutuk est un intrus, « l’Eskimo blanc ». Il quittera ce monde du grand blanc, direction la ville pour l’université. Dès son arrivée, le choc, la découverte d’un monde aussi, si ce n’est plus hostile que la nature sauvage. Avec une élégance rare, Kantner évoque un monde, une nature en voie de disparition.
« Des loups ordinaires »
Auteur : Seth Kantner
Editions : Buchet-Chastel
« Carcoma » de Layla Martinez
En Castille, aux abords d’un village. Là, dans une maison modeste, vivent deux femmes : la grand-mère et sa petite-fille. « Quand j’ai franchi le seuil, la maison s’est jetée sur moi. C’est toujours pareil avec ce tas de briques et de crasse. Il se rue sur tous ceux qui passent la porte… » C’est là, décor de « Carcoma », le premier roman de Layla Martinez, que la grand-mère parle avec les saints et voit les morts tandis que sa petite-fille ne lui montre aucun signe de tendresse. Il se dit que la maison réagit au moindre mouvement de l’une ou l’autre femme… Une ambiance étrange pour un texte aussi réaliste que déroutant, avec des mystères qui surgissent, l’air de rien au fil des pages : un homme emmuré, une jeune mère disparue, un enfant jamais retrouvé…
« Carcoma »
Auteure : Layla Martinez
Editions : Seuil
« Une femme sur le fil » d’Olivia Rosenthal
Dramaturge et performeuse, Olivia Rosenthal est aussi écrivaine- de belle réputation. A preuve, son nouveau livre, « Une femme sur le fil », texte qui flotte entre récit, essai et aussi making of avec une enfant, Zoé, et un oncle pour le moins insistant. La gamine va imaginer divers stratagèmes pour éviter, fuir l’oncle, ayant compris qu’il n’y a qu’une solution : ne pas marcher droit, contrairement aux funambules sur leur fil. Alors, Olivia Rosenthal déroule un texte parfaitement maîtrisé avec le récit de Zoé et des paroles de funambules évoquant leur métier. Mieux : l’auteure, elle aussi, avance dans son récit sur un fil- risquant à tout moment de tomber dans le vide… Aller jusqu’au bout du fil, du câble, marcher droit pour se défaire de l’emprise, quelle qu’elle soit…
« Une femme sur le fil »
Auteure : Olivia Rosenthal
Editions : Verticales
« Mauvais élève » de Philippe Vilain
Un des livres qui, dans cette rentrée d’hiver 2025, fait matière à discussions dans le monde littéraire francophone. Signé Philippe Vilain- auteur hautement fréquentable et enseignant à l’université Federico II de Naples, « Mauvais élève » évoque différents épisodes d’une vie (celle de l’auteur) d’un transfuge de classe. Jeunesse en milieu défavorisé, échec scolaire, passage du lycée technique à l’université, de l’horreur de la lecture à la passion pour la littérature… et puis un épisode de vie intime avec, jeune homme dans la vingtaine, sa relation avec une femme d’une trentaine d’années plus âgée que lui. Cette femme, c’est la romancière Annie Ernaux nobélisée de littérature en 2022. Et Vilain raconte une écrivaine toute en contradictions, en paradoxes, voire même en mépris et dédain.
« Mauvais élève »
Auteur : Philippe Vilain
Editions : Robert Laffont
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / C’est la rentrée ! Au programme et sur les rayons des librairies, d’ici la fin février, pas moins de 507 romans et récits. Dans une troisième et nouvelle sélection, en toute subjectivité, lagrandeparade.com en a retenu sept aussi sensationnels qu’indispensables… Bonne lecture à toutes et tous !
LE COUP DE COEUR
« Mère à l’horizon » de Jacques Gamblin
Il est né à Granville, en bord de Manche. On le connaît acteur au cinéma et au théâtre, avec un Ours d’argent à Berlin et deux Molière à Paris. Jacques Gamblin est aussi réputé lecteur magnifique au service de grands textes. Il a également écrit quelques livres fameux, dont le formidable « Toucher de la hanche » (1997). A 67 ans, il nous revient en primo-romancier avec l’impeccable « Mère à l’horizon ». L’auteur arrive par le train de 16h37, envoie un SMS, demande si elle sera « à la gare malgré tout pour m’accueillir ? » Deux pages plus loin : « Je ne sais rien de ma mère, de son enfance, quelques photos jaunies, avec sa bouée sur la plage… » Au fil des pages, Gamblin pratique l’alternance- le passé recomposé de sa mère qui, ayant perdu l’audition et la mémoire, est « tombée dans le silence », et des réflexions de sa vie artistique à lui. Avec une élégance rare, il déroule une « lettre à mère » qui prend, de temps à autre, des touches de lettre amère… De toutes ces pages, transpire une immense tendresse, un bel amour. Jamais de condescendance du fils face à cette mère grandement diminuée. Granville- Paris et retour, « le bocage défile. La pluie commence à tomber, tranquillement, sans excès, normal quoi », constate le fils-narrateur. Il y a dans ce texte aussi délicieux qu’émouvant l’odeur de la mer, la rumeur d’un théâtre vide, l’enfance et la poésie… et aussi ces corps vulnérables, cette légèreté des êtres- cette légèreté qui nous fait promettre : « l’année prochaine sur la grève »…
« Mère à l’horizon »
Auteur : Jacques Gamblin
Editions : Robert Laffont
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Jacques Gamblin : la fraternité des vagues en partage
ET AUSSI…
« Le vent passe et la nuit aussi » de Milena Agus
Comme un mot d’ordre : « Littératurez votre existence ! » Parce que rêver est un droit, comme le suggère l’écrivaine italienne (plus précisément, sarde) Milena Agus dans son nouveau roman au titre superbe : « Le vent passe et la nuit aussi ». Soit Cosima, une jeune fille qiu vit la semaine à Cagliari et rejoint en fin de semaine le village où vit sa grand-mère. En chemin, elle croise Constantino Sole, son voisin berger. Lui invente une vie comme Heathcliff, le héros des « Hauts de Hurlevent ». L’imagine montant à cheval dans un roman où elle vibre de passion pour lui… Dans « Le vent passe… », grandement inspirée, Milena Agus ne manque pas de rendre également hommage à Grazia Deledda, prix Nobel de littérature 1926… Résultat : un roman entre rêve et poésie.
« Le vent passe et la nuit aussi »
Auteure : Milena Agus
Editions : Liana Levi
« Nation cannibale » d’In Koli Jean Bofane
Il y a un scandale- conséquence : en mal d’inspiration, le romancier médiocre congolais Faust Losikiya doit fuir la France. Il file vers Haïti, arrive à l’aéroport de Port-au-Prince, ne comprend pas qu’il n’y a pas le soleil comme en son Congo. Début du formidable « Nation cannibale », quatrième roman d’In Koli Jean Bofane, né en République démocratique du Congo et vivant en Belgique. Le romancier médiocre s’est mis en tête de comprendre comment au XIXe siècle, le soulèvement de captifs déportés d’Afrique a installé une république démocratique. Dans sa quête, il va retrouver de vieux amis. De sacrés personnages- un écrivain-journaliste, un sculpteur… Il va aussi croiser un prêtre vodou, une climatologue inquiète, un ancien combattant congolais de 140 ans…
« Nation cannibale »
Auteur : In Koli Jean Bofane
Editions : Denoël
« La loi du moins fort » de David Ducreux Sincey
Ce pourrait être le roman de l’emprise. Ou celui de la mère à mort. Ce pourrait, et c’est aussi le grand roman d’une liberté. Très certainement un des meilleurs premiers romans de cette rentrée d’hiver 2025, « La loi du moins fort » est signé David Ducreux Sincey, longtemps attaché de presse littéraire à Paris. Le narrateur se rappelle, il devait « avoir 6 ou 7 ans à ce moment-là et mon ambition n’était pas de me faire des copains ou de m’amuser ». Il cherchait avant tout celui qui aurait le courage du « seul dénouement possible : la mise à mort de ma mère ». Il le trouve en la personne de Romain Poisson qui lui enseigne tant et tant de la vie. Dans des pages épicées à l’humour, transpire une écriture âpre et amorale. C’est follement vertigineux et monstrueux !
« La loi du moins fort »
Auteur : David Ducreux Sincey
Editons : Gallimard
« Ravagés de splendeur » de Guillaume Lebrun
Après une version queer et hallucinée de l’histoire de Jeanne d’Arc dans « Fantaisies guérillères » (2022), Guillaume Lebrun est de retour. Lui qui élève des insectes dans le sud de la France revient avec un nouveau texte aussi audacieux que transgressif : « Ravagés de splendeur ». Soit Héliogable, empereur roman au début du IIIe siècle. Son règne, court, va déborder de rage et de fureur. Il fait entrer les femmes au Sénat, épouse la grande Vestale Aquila et tombe amoureux un ancien esclave grec- avec les deux, il forme un trouple. Il demande également qu’on l’appelle non pas Empereur mais Impératrice. Et jusqu’à sa mort, il instaure la liberté totale : sexuelle, de culte et d’être. Allègrement déjanté, « Ravagés de splendeur » réussit le grand mix entre « Astérix » et Madonna.
« Ravagés de splendeur »
Auteur : Guillaume Lebrun
Editions : Christian Bourgois
« Les Grands Bruits » de Marente de Moor
Tenue pour l’une des plus remarquables écrivains contemporains des Pays-Bas, après « La Vierge néerlandaise » (2023), Marente de Moor revient en VF avec un deuxième roman, « Les Grands Bruits ». Direction l’ouest de la Russie, dans un village abandonné. Là, la nature envahit de plus en plus l’espace ; là, vivent Nadia et Lev- entre eux, c’est tendu. Depuis quelque temps, d’étranges bruits dans le ciel et la forêt, « comme si Dieu poussait les meubles » tandis que Nadia raconte son histoire, surgit de l’Ouest une femme, Esther, qu’elle voudrait tant oublier. D’une écriture aussi mystérieuse que sauvage, Marente de Moor (traduite en seize langues) esquisse le portrait d’une femme face à différents choix, d’une conscience féminine en colère.
« Les Grands Bruits »
Auteure : Marente de Moor
Editions : Les Argonautes
« J’emporterai le feu » de Leïla Slimani
Le voici donc enfin le tant attendu troisième volume de la trilogie à succès, « Le pays des autres ». En cette rentrée d’hiver, Leïla Slimani (prix Goncourt 2016 pour « Chanson douce ») met donc un terme à sa saga avec « J’emporterai le feu. » Dans cet ultime volet, en personnages principaux, Mia et Inès, enfants de la troisième génération de la famille Belhaj, nées dans les années 1980. A l’exemple de leur grand-mère Mathilde, de leur mère Aïcha ou de leur tante Selma, pour la liberté, elles sont prêtes à la solitude ou à l’exil- ainsi, Mia, étudiante à Paris, va son homosexualité sans se cacher… Une liberté qui, toutefois, a un prix : il faut apprendre les codes, passer outre les préjugés, combattre parfois le racisme… Confidence de l’auteure : « raconter l’histoire récente de mon pays, mais pas d’un seul point de vue ».
« J’emporterai le feu »
Auteure : Leïla Slimani
Editions : Gallimard
De la même auteure:
Le parfum des fleurs la nuit : Leïla Slimani à l’isolement au musée…
« Le Pays des autres » de Leïla Slimani : amour et guerre…
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / C’est la rentrée ! Au programme et sur les rayons des librairies, d’ici la fin février, pas moins de 507 romans et récits. Dans une deuxième sélection, en toute subjectivité, lagrandeparade.com en a retenu sept aussi sensationnels qu’indispensables… Bonne lecture à toutes et tous !
L’ÈVÈNEMENT
« La Cité aux murs incertains » de Haruki Murakami
Au tout commencement, il y a une nouvelle écrite en 1980- jusqu’alors, jamais publiée parce qu’elle ne satisfaisait pas son auteur, le grand écrivain japonais Haruki Murakami. Un bon quart de siècle plus tard, il la reprend- elle était « comme une petite arête coincée dans la gorge ». Résultat : « La Cité aux murs incertains », un livre en trois parties pour 560 pages. Le nouveau Murakami, dont le nom revient chaque année pour le prix Nobel de littérature. Aussi, l’événement de cette rentrée littéraire d’hiver 2025. En ouverture, on lit : « C’est toi qui m’as parlé de la Cité. Ce soir d’été, respirant les effluves de l’herbe tendre, nous avons marché vers l’amont de la rivière. Nous avons traversé une succession de gradins formant de petites cascades, et nous nous sommes arrêtés de temps en temps pour observer des poissons argentés… » Le garçon a 17 ans, la jeune fille 16, ils sont amoureux. Ensemble, ils se réfugient, en imaginaire, dans une cité entourée de hauts murs. Elle disparaît, il devient alors incapable d’aimer. Plus tard, dans cette même Cité, il y a aussi le narrateur, un homme d’une quarantaine d’années dont la profession est « liseur de rêves » et qui, de temps à autre, visite son ombre confiée à un gardien peu avenant. Il a cherché la jeune fille évaporée, en vain… Dans toutes ces pages, on est plongé dans l’univers unique de Haruki Murakami, avec rêves, dédoublement des personnages, mystères et métaphores. Du grand art, encore et toujours !
« La Cité aux murs incertains »
Auteur : Haruki Murakami
Editions : Belfond
ET AUSSI…
« Dans le jardin de l’hôtel Dean’s » de Céline Debayle
Le livre est présenté comme roman. Son auteure précise également : « En Asie dans les années 1970, Charles Sobhraj droguait, volait et tuait des jeunes voyageurs étrangers. J’ai eu la malchance de le croiser et de le subir. Ce livre est une histoire vraie, inspirée de cette rencontre ». Avec son compagnon photographe, Céline Debayle filaient vers l’Orient. Direction le mystérieux Bhoutan. Ils font escale à Peshawar au Pakistan, et vont donc y rencontrer Charles Sobhraj, surnommé le Serpent. Ils se retrouvent dans le jardin de l’hôtel, sympathisent- c’est le cœur du roman « Dans le jardin de l’hôtel Dean’s ». Sobhraj propose son aide au couple qui veut continuer son périple. En fait, à la psychologie diabolique, l’homme drogue, vole et même tue les jeunes voyageurs…
« Dans le jardin de l’hôtel Dean’s »
Auteure : Céline Debayle
Editions : Arléa
« Les terres indomptées » de Lauren Groff
On la tient pour l’une des écrivains états-uniens les plus doués du moment. A 46 ans, Lauren Groff est de retour avec « Les terres indomptées », deuxième volet d’un triptyque initié en 2023 avec « Matrix », dont l’héroïne était « la bâtarde au sang royal » Marie de France poussée à l'exil par Aliénor d'Aquitaine. Dans ce nouveau roman daté au XVIIe siècle, l’auteure revient en un pays qui deviendra les Etats-Unis. Une fois encore, le texte est habité par une jeune héroïne. Elle s’échappe, court, se perd dans une forêt obscure. Elle fut servante et brimée, à présent il lui faut survivre. La faim, le froid, la terreur conséquente à cette « chasse à la femme » lancée par les hommes… La traversée de l’océan. La vie sauvage que l’héroïne préfère à la société dévastée par la maladie et la violence.
« Les terres indomptées »
Auteure : Lauren Groff
Editions : L’Olivier
« Fracassé » de Hanif Kureishi
Très certainement le texte le plus bouleversant de cette rentrée littéraire de cet hiver 2025. Scénariste (entre autres, « My Beautiful Laundrette »), dramaturge et écrivain britannique, après une perte de connaissance et une chute le 26 décembre 2022 à Rome, Hanif Kureishi est définitivement, irrémédiablement paralysé. Entre autres conséquences, il ne peut plus écrire. Retour à Londres, l’évidfence s’impose : il est dépendant. Il lui faut trouver des sources de motivation. Ainsi, il décide non pas d’écrire mais de dicter à sa femme et ses proches son quotidien de tétraplégique. C’est l’écriture en temps réel. Le livre qui en résulte, « Fracassé », raconte son état de santé, et aussi la parentalité, l’amour, l’amitié avec Rushdie, l’immigration, le sexe, l’écriture.
« Fracassé »
Auteur : Hanif Kureishi
Editions : Christian Bourgois
« L’ours ! L’ours ! » de Julia Phillips
A l’approche de la trentaine, Sam et Elena- deux sœurs, vivent petitement depuis toujours sur une île dans l’Etat de Washington. La première travaille à bord du ferry qui transportent les riches du continent vers leurs résidences secondaires, la seconde au bar du club de golf. Il faut payer les frais médicaux de leur mère gravement malade. Les deux sœurs se font une promesse : un jour, quitter l’île ensemble. Sauf que, un soir, un ours apparaît dans les eaux du chenal, puis réapparaît près de leur maison. Sam veut partir, Elena est envoûtée par l’ours. Leur projet commun est en suspens, l’animal crée une fracture entre les deux sœurs. Deuxième roman de l’auteure américaine Julia Phillips, « L’ours ! L’ours ! » est un texte envoûtant, une fable magnétique.
« L’ours ! L’ours ! »
Auteure : Julia Phillips
Editions : Autrement
« Le testament de Sully » de Richard Russo
Il s’appelait Donald Sullivan, on le surnommait « Sully ». Dix ans après sa mort, son souvenir planait sur la petite ville de North Bath, annexée depuis peu par la voisine Schuyler Springs. Il fréquentait le bar du Horse, y avait son tabouret à présent réservé à son fils Peter, professeur d’université, qui voit son fils Thomas ressurgir après des années de séparation. Au Horse, il y a aussi l’ancien chef de la police Doug Raymer et celle qui lui a succédé Charice Bond, et quelques autres personnages dont une ancienne liaison de Sully. Dans « Le testament de Sully », troisième et dernier volet de la trilogie du romancier américain Richard Russo, va apparaître un cadavre en décomposition dans la salle de bal de l’hôtel Sans Souci. Tous se demandent qui était le mort du Sans Souci…
« Le testament de Sully »
Auteur : Richard Russo
Editions : Quai Voltaire
« Cet étrange dérangement » de François Vallejo
Soit Blaise Astor. Son quotidien, c’est chauffeur de VTC. Un matin qu’il est appelé à Paris pour une course, il voit une femme nue marchant sur un toit. Elle s’appelle Iris Bila- chanteuse lyrique sans contrat, elle fait la standardiste dans un hôpital. Blaise tend sa veste matelassée pour la réceptionner, la scène est fixée par de nombreux vidéastes présents. Avec « Cet étrange dérangement », une nouvelle fois, François Vallejo- écrivain de belle réputation, raconte la vie de deux personnages gentiment désaxés qui refusent l’ordinaire. Ainsi, héros magnifiques, ils partent ensemble dans un road trip, direction la Normandie malgré les tentatives de leurs familles pour un retour au quotidien de la vie qui va. C’est follement tendre, tendrement fou, doucement émouvant…
« Cet étrange dérangement »
Auteur : François Vallejo
Editions : Viviane Hamy
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / C’est la rentrée ! Au programme et sur les rayons des librairies, d’ici la fin février, pas moins de 507 romans et récits. Dans une première sélection, en toute subjectivité, lagrandeparade.com en a retenu sept aussi sensationnels qu’indispensables… Bonne lecture à toutes et tous !
LE COUP DE COEUR
« Quand la terre était plate » de Jean-Claude Grumberg
Dans une récente interview, il confiait : « Ma mère, elle, n’a jamais rien réclamé. Alors, j’ai voulu lui rendre hommage ». Ainsi, conteur, auteur dramatique et scénariste, rassemblant les rares souvenirs de sa mère, les siens d’enfant et les récits de son frère, Jean-Claude Grumberg a écrit « Quand la terre était plate », un texte magnifique consacré à Suzanne, femme forte et libre. Certes, tant et tant de livres ont été écrits sur la mère, mais là, on est avec Grumberg et ça change tout. Une autre confidence de l’auteur : « Je m’aperçois à quel point il est difficile de raconter une histoire vraie, surtout quand on ne la connaît pas ». Ce que connaît Grumberg de sa mère : elle est née à Paris en 1907 de parents originaires de Galicie (aujourd’hui Ukraine). Mariée à Zacharie qui ne reviendra jamais d’« on ne sait où », elle a élevé seule ses deux fils, Maxime l’aîné et Jean-Claude, travaillé, appris à lire. Dans cet hommage aussi à son frère Maxime, Grumberg raconte deux guerres mondiales, le temps des soupçons et de l’horreur, l’exil forcé de sa famille juive originaire d’Europe de l’Est, les pogroms, la Shoah… Un aveu signé Jean-Claude Grumberg : « Dans le conte, on invente pour dire la vérité » qui écrit aussi : « Quand tu ne sais pas commencer, commence par le commencement ». Et c’est ainsi que « Quand la terre était plate », titre faisant référence à des mots de Yahweh à Moïse, est le coup de cœur de cette rentrée littéraire d’hiver 2025 !
« Quand la terre était plate »
Auteur : Jean-Claude Grumberg
Editions : La Librairie du XXIe siècle / Seuil
Du même auteur:
« De Pitchik à Pitchouk » : Jean-Claude Grumberg, maître-conteur…
ET AUSSI
« Vivre tout bas » de Jeanne Benameur
En bord de mer, apparaît une femme, Marie. Son fils, parti à jamais après la traversée de « la grande souffrance », l’a confiée à son ami fidèle Jean. Celui-ci l’accompagne, toujours à distance respectueuse, au village. Elle y rencontre un enfant- ce qui se révélera rencontre cruciale et fait tout le charme et la magie de « Vivre tout bas », le nouveau roman de Jeanne Benameur. Dans ces pages toutes en sensibilité, il y a la tragédie, l’amour, la transmission avec cette fillette muette. Le roman de toutes ces vies sans bruit, de Marie, cette femme « mère et sainte » qui va à la rencontre d’une autre version d’elle-même, pour une liturgie qui ne restera que dans la mémoire des autres. Un texte bouleversant d’émotion(s) et d’élégance.
« Vivre tout bas »
Auteure : Jeanne Benameur
Editions : Actes Sud
« Pas d’ici » d’Espérance Garçonnat
On lit : « J’ai longtemps porté un nom dont je n’ai plus le souvenir ». Ou encore : « Je suis tombé de ma vie comme d’autres tombent en se tordant la cheville. Je ne saurais dire ce qui m’a mené si loin de tout ». L’homme qui dit ces mots s’est choisi l’exil à Fermagina, un village reculé sur une île italienne. Il ne veut plus être qu’une présence. Héros et narrateur de « Pas d’ici », le premier roman d’Espérance Garçonnat, 26 ans et née à Nancy- elle y rapporte le quotidien de cet homme qui s’est en marge, ne souhaitant que l’oubli et la fuite. Dans cette ode à la joie, la question est posée : comment survivre à soi sans pouvoir devenir un autre ? L’éditeur de Pas d’ici est catégorique : « Pas d’ici », c’est le nouveau « Bonjour tristesse »…
« Pas d’ici »
Auteure : Espérance Garçonnat
Editions : Rivages
« L‘Amour des hommes singuliers » de Victor Heringer
La belle et grande découverte de cette rentrée littéraire d’hiver 2025. Un roman, le deuxième, de l’écrivain, poète et photographe brésilien Victor Heringer joliment titré « L’Amour des hommes singuliers ». Né en 1988 et célébré au Brésil pour son travail, il a mis fin à ses jours en 2018. Dans son roman, il met en scène Camilo, un gamin de 13 ans qui vit à Rio. Blanc et fils de médecin, il est du bon côté de la barrière- sauf qu’il souffre d’une infirmité à la jambe et a des difficultés à communiquer avec ses parents. Un jour, sans donner la moindre explication, le père ramène à la maison un « enfant des rues »- Cosme, beau, pauvre et costaud… S’ensuit entre les deux gamins un amour-haine. Un texte flottant entre Cortazar et Nabokov.
« L’Amour des hommes singuliers »
Auteur : Victor Heringer
Editons : Denoël
« Ta promesse » de Camille Laurens
Elle lui a demandé : « Je voudrais que tu me promettes de ne pas me trahir ». Il lui fait promettre de ne jamais écrire sur lui. Elle dit : « A mes yeux, c’était facile de tenir cette promesse, très facile. (…) Pourquoi ? Parce que les gens heureux n’ont pas d’histoire ». Claire Lancel est romancière, Gilles Fabian est spécialiste des marionnettes- elle est plus connue que lui, qu’importe, ensemble, ils vivent d’amour et de bonheur. Il est jaloux, elle sort sans lui… Elle est assise dans son jardin à Hyères quand les gendarmes viennent la chercher, elle est en sang- le sang de Gilles. « Ta promesse », le nouveau roman de Camille Laurens, a les belles allures d’un thriller- et plus que cela : la romancière nous offre un texte implacable sur l’emprise, cette nouvelle forme de la domination…
« Ta promesse »
Auteure : Camille Laurens
Editions : Gallimard
De la même autrice :
« Fille » de Camille Laurens : la cause des femmes
« Trésor caché » de Pascal Quignard
Un des grands bonheurs de cette rentrée littéraire d’hiver 2025. Un nouveau roman du toujours étourdissant Pascal Quignard. Le titre tout simple : « Trésor caché ». Ce pourrait être banal, c’est délicatement enthousiasmant. Une femme enterre son chat dans son jardin, elle y trouve un trésor. Elle va voyager. En Italie, elle rencontre un homme. En un an, sa vie est transformée de fond en comble. Ce pourrait être banal, un roman d’ouvrier spécialisé de la chose écrite. Mais là, on est en compagnie de Pascal Quignard. C’est éblouissement garanti à toutes les pages, à tous les étages ! Et ce « trésor caché », qu’est-ce ? Allez savoir, peut-être un jardin des merveilles, une rivière des beautés… ou encore la vieillesse et ses douceurs. Peut-être même, l’amour.
« Trésor caché »
Auteur : Pascal Quignard
Editions : Albin Michel
Du même auteur:
« Les heures heureuses » de Pascal Quignard : à la poursuite du bonheur…
L’enfant d’Ingolstadt : Pascal Quignard, dernier royaume, acte 10
Dans ce jardin qu’on aimait : Pascal Quignard, la musique et l’amour…
« Un perdant magnifique » de Florence Seyvos
Les années 1980 au Havre, à Abidjan, à Rome. C’est un temps où les filles buvaient du gin en regardant le film « Rocky ». C’est un temps aussi où l’on croisait Jacques. Il a longtemps été absent, il est de retour, très malade- ce qui ne l’empêche de monter des plans de vie et autres projets. Il en parle à sa belle-fille. Jacques est, comme on dit, un « personnage », un « original ». Dans « Un perdant magnifique »- le nouveau texte de la romancière et scénariste Florence Seyvos, il fait quelques affaires et surtout de sa vie, il invente un spectacle permanent. Un soir de Noël, il débarque au Havre, impose çà la famille d’Anna, sa belle-fille, ses règles de vie. Est-il un gentleman ? un clochard ? Et s’il n’était qu’un illusionniste qui court inexorablement à la faillite ?
« Un perdant magnifique »
Auteure : Florence Seyvos
Editions : L’Olivier
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Avant la rentrée littéraire d’hiver programmée pour le 2 janvier 2025, il est encore temps de rappeler les temps forts de l’année qui tire à sa fin. Ainsi, lagrandeparade.com présente sa sélection (revendiquée totalement subjective !) des dix meilleurs romans et récits étrangers parus en 2024. Bonne lecture à toutes et tous !
LE PODIUM
« Baumgartner » de Paul Auster
Le 30 avril 2024, l’écrivain américain Paul Auster était emporté par une « longue maladie ». Peu avant, paraissait en VF « Baumgartner », son dernier roman. Un texte impeccable avec Sy Baumgartner, 71 ans, professeur de philosophie à Princeton, qui vit seul. Sa femme Anna est décédée, voilà dix ans- il l’a aimée, il l’aime toujours… Ce matin, il descend récupérer un livre, s’est promis d’appeler sa sœur à 10 heures. En entrant dans la cuisine, il est saisi par « une odeur âcre et pénétrante », s’approche de la cuisinière, voit la flamme d’un brûleur ronger le fond de la casserole qu’il avait utilisé, trois heures plus tôt, pour faire les trois œufs de son petit-déjeuner. Il éteint le brûleur mais se brûle la main. Qu’il passe sous l’eau, immédiatement, pour éviter toute cloque… Le téléphone sonne, c’est la compagnie d’électricité qui prévient qu’elle vient relever le compteur- l’employé a du retard, il voulait prévenir… Ça sonne à la porte, c’est la livreuse d’UPS, Molly, « qui au fil de ses visites fréquentes, a acquis le statut de… de quoi ? » C’est la vie, Sy…
« Baumgartner »
Auteur : Paul Auster
Editions : Actes Sud
« Le Couteau » de Salman Rushdie
Le livre qu’il ne souhaitait, même dans le pire de ses cauchemars, jamais écrire. Et puis, il y eut cette conférence le 12 août 2022 à Chautauqua sur la liberté d’expression pour les écrivains. Salman Rushdie, l’auteur sous le coup d’une fatwa depuis 1989 et la parution de son roman « Les Versets sataniques », est victime d’une tentative d’assassinat. Un jeune monte sur la scène, l’agresse à coups de couteau. L’écrivain est grièvement blessé… Remis sur pied, Rushdie se mettra à l’écriture- son vingt-deuxième livre est simplement titré « Le Couteau ». Vingt-sept secondes, le temps qu’il a fallu à l’assaillant pour toucher Rushdie, lui sectionner tous les tendons et nombre de nerfs de la main gauche, détruire le nerf optique après avoir pénétré dans l’œil droit, entailler le cou, traverser le haut de la cuisse droite, transpercer son abdomen… Les secours qui l’emmènent à l’hôpital le tiennent pour mort. Dans « Le Couteau », il écrit sa réaction. D’abord, pensant sa dernière heure venue : « C’est donc toi. Te voilà » ; ensuite, ne pouvant croire que ces gestes surgissent cette matinée après tant d’années sans histoire : « Vraiment ? Pourquoi maintenant, après toutes ces années ? »
« Le Couteau »
Auteur : Salman Rushdie
Editions : Gallimard
« L’Imposture » de Zadie Smith
Pour son sixième roman, la Britannique Zadie Smith, en littérature depuis 2001, a changé de genre et est passé, avec « L’Imposture », au roman historique. Elle explique également s’être inspirée de faits réels pour s’immerger dans l’Angleterre victorienne des années 1860. Ainsi, elle invite lectrices et lecteurs à découvrir Eliza Touchet- veuve, elle est la cousine, la gouvernante et la concubine à peine cachée d’un écrivain réputé à l’époque et quasiment oublié aujourd’hui, William Ainsworth, auteur de romans-fleuves « à la Dickens » mais sans le talent… Eliza Touchet revendique son indépendance, est politisée et suit avec le plus grand intérêt « l’affaire Tichborne », une affaire judiciaire qui fait le bonheur de tous. Il y a aussi un type qui assure être l’héritier de cette famille Tichborne constituée de baronnets dont Sir Roger disparu en mer quelques années auparavant, et qui réclame son héritage. Il ne parvient pas à convaincre la cour, lui que la justice tient pour un imposteur. Avec ce nouveau roman, Zadie Smith prouve qu’en littérature, il n’y a pas place pour les imposteurs…
« L’Imposture »
Auteure : Zadie Smith
Editions : Gallimard
ET AUSSI
« Le dernier rêve » de Pedro Almodovar
Superstar du cinéma mondial, Pedro Almodóvar a attendu plus de trente ans pour revenir au livre, après le très remarqué « Patty Diphusa. La Vénus des lavabos » (1991). Pour « Le dernier rêve », il réunit des textes écrits de la fin des années 1960 à aujourd’hui pour, comme l’indique son éditeur français, « une incursion fascinante dans l’imaginaire baroque de l’un des plus grands réalisateurs européens ». En mots dans les pages, Almodóvar rappelle qu’il est un grand et délicieux raconteur d’histoires. Avec d’inoubliables personnages, dont certains déjà croisés ici ou là.
« Le dernier rêve »
Auteur : Pedro Almodovar
Editions : Flammarion
« Un ballet de lépreux » de Leonard Cohen
Également poète et chanteur canadien, Leonard Cohen (1934-2016) avait écrit un roman dans les années 1950. Son premier roman- qui est paru en VF cette année. Dans « Un Ballet de lépreux », tout ce qui a fait, au fil du temps, le succès et l’univers du Montréalais était là. Avec cette histoire d’un narrateur- type ordinaire et trentenaire- qui se voit imposer la présence de son grand-père débarqué de New York. La fréquentation quotidienne de ce grand-père aussi fourbe que cruel aura-t-elle une influence sur le comportement du narrateur ? Dans ce « Ballet… », tout Cohen était déjà là.
« Un ballet de lépreux »
Auteur : Leonard Cohen
Editions : Seuil
« La petite sœur » de Mariana Enriquez
Connue et reconnue pour ses livres de littérature fantastique (dont « Notre part de nuit » ou « Les dangers de fumer au lit ») et ses textes à caractère politique, l'Argentine Mariana Enriquez fait un pas de côté. En se glissant à nous avec « La petite sœur », elle offre un gros plan sur le « portrait de Silvina Ocampo », comme le précise le sous-titre. Épouse d'Adolfo Bioy Casares, amie de Jorge Luis Borges et de la poétesse Alejandra Pizarnik, Silvina Ocampo (1903-1993) n'est pas seulement reconnue pour ses textes de poésie et ses nouvelles du genre fantastique : elle est aussi le sujet de nombreux mythes et légendes. Avec « La petite sœur », Mariana Enriquez signe là un portrait documenté, sensible et émouvant.
« La petite sœur »
Auteure : Mariana Enriquez
Editions du Sous-Sol
« Boucher » de Joyce Carol Oates
Sous la plume de l’Américaine Joyce Carol Oates, « Boucher » (sous-titre : « Père de la gyno-psychiatrie moderne »), c’est le Dr Silas Weir, considéré donc comme le « père de la gyno-psychiatrie » au XIXe siècle. Un sacré bonhomme, aussi terrifiant qu’halluciné, misogyne et mégalomane. Son fils aîné qui n’a pas voulu de l’héritage, tenant ce père pour « trop brutal », raconte l’histoire de ce médecin qui n’hésitait pas à pratiquer sur les femmes des expériences toutes aussi folles et abjectes les unes que les autres. La romancière se complaît dans l’horrifique- pour notre plus grand bonheur !
« Boucher »
Auteure : Joyce Carol Oates
Editions Philippe Rey
« Histoire d’une domestication » de Camilla Sosa Villada
La littérature queer en majesté pour un des événements de cette année 2024. Après « Les Vilaines » (2021), actrice et chanteuse, Camila Sosa Villada est revenue avec un deuxième roman follement élégant, allègrement érotique : « Histoire d’une domestication ». On y accompagne l’actrice trans la plus connue du monde, on la dit arrogante, elle veut seulement se lancer dans une vie « normale », fonder une famille- mari avocat pénaliste homosexuel « pété de thunes », fils de 6 ans…Son jeu favori : le lancer d’assiettes dans l’appartement. Son désir : monter une pièce de Jean Cocteau…
« Histoire d’une domestication »
Auteure : Camilla Sosa Villada
Editions : Métailié
« Le Banquet des Empouses » d’Olga Tokarczuk
Prix Nobel de littérature en 2018, l'écrivaine polonaise Olga Tokarczuk revient avec un texte baroque, « Le Banquet des Empouses ». Septembre 1912, direction les montagnes de Basse-Silésie, au sanatorium de Görbersdorf. Un jeune homme, Wojnicz, y arrive pour y soigner cette maladie qu'on appelle tuberculose. A la « Pension pour Messieurs », il n'y a que des hommes, tous malades et venant de partout en Europe. Leur quotidien : des discussions sur la marche du monde et aussi, et surtout, la « question de la femme ». Derrière la misogynie, il y a les voix de ces femmes si redoutées. Dans cet univers, Wojnicz, personnage sensible et maltraité par son père, tente de cacher ce qu'il est. Mais quand survient une mort violente, il entend parler de meurtres rituels, de sorcières réfugiées dans les forêts voisines…. D'une plume délicieusement sorcière, Olga Tokarczuk raconte la vengeance des femmes. C'est implacable.
« Le Banquet des Empouses »
Auteure : Olga Tokarczuk
Éditions : Noir sur Blanc
« Blackouts » de Justin Torres
Douze ans après « Vie animale », l’écrivain américain Justin Torres est revenu avec « Blackouts », roman étourdissant, enivrant de bonheur de lecture. Dans cet OLS (objet littéraire singulier), Nene, un jeune homme de 27 ans d’originaire portoricaine, vit dans « le Palais »- lieu fantomatique… Un soir, il est « convoqué » par Juan, un vieil homme qui attend la mort et qui lui demande de poursuivre sa mission : se plonger dans l’histoire de Jan Gay, née Helen Reitman (1902- 1960), cette sociologue qui, dans les années 1930, a enquêté sur l’homosexualité, tenue alors comme « maladie mentale »…
« Blackouts »
Auteur : Justin Torres
Éditions de l'Olivier
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Avant la rentrée littéraire d’hiver programmée pour le 2 janvier 2025, il est encore temps de rappeler les temps forts de l’année qui tire à sa fin. Ainsi, lagrandeparade.com présente sa sélection (revendiquée totalement subjective !) des dix meilleurs romans et récits français parus en 2024. Bonne lecture à toutes et tous !
LE PODIUM
« Les sentiers de neige » de Kev Lambert
Originaire de Chicoutimi, Canada, Kev Lambert publie à 32 ans son quatrième roman, « Les sentiers de neige ». Début de l’histoire : le 23 décembre 2004. Zoey traverse la rue des Geais-Bleus, le sol est enneigé, le gamin traîne ses bottes aux feutres humides jusqu’à l’arrêt d’autobus. Des traces au sol, si on les suit, on va vers un bungalow étroit… Zoey, 8 ans, est enfant de parents divorcés. Ce sont les vacances de fin d’année, pas d’école, il retrouve sa cousine Emie-Anne- elle est un peu plus âgée que lui. Ensemble, ils vont s’échapper de ce monde d’adultes réunis dans la maison près du lac Saint-Jean. Direction : un monde parallèle. Leur monde. Là où ils doivent remplir une mission : sauver Skyd, une créature échappée de leur jeu vidéo. Théoriquement, la créature va les aider à régler leurs traumatismes personnels : pour Zoey, la séparation de ses parents et son identité trouble ; pour Emie-Anne, les retombées de son adoption et la triste perspective que ses « réserves d’émerveillement s’épuisent ». Les deux enfants sont convaincus d’être en sursis…
« Les sentiers de neige »
Auteur : Kev Lambert
Editions : Le Nouvel Attila
« Le convoi » de Beata Umbuyeyi Mairesse
Trente ans déjà… D’emblée, on est prévenu : « J’ai eu la vie sauve. Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide contre les Tutsi, j’ai pu fuir mon pays grâce à un convoi de l’organisation humanitaire suisse Terre des hommes, j’avais alors 15 ans ». Ecrivaine née à Butare (Rwanda) en 1979, Beata Umubyeyi Mairesse vit aujourd’hui en France- elle confie : « Il aura fallu quinze ans de cheminement incertain, une enquête menée aux confins de mémoires étiolées, pour retrouver une image sur laquelle j’espérais figurer, puis pour chercher mes compagnons de fuite »... Avec sa mère, via le Burundi, elle a pu fuir le Rwanda en guerre et le génocide des Tutsi par les Hutu… Dans « Le convoi », un texte d’une puissance vertigineuse, forte de quatre photos récupérées auprès de la BBC, elle se lance, quinze ans plus tard, dans une (en)quête pour tenter de comprendre son exfiltration et déroule le récit d’un sauvetage. « Le convoi » résonne avec la Shoah, Beata Umubyeyi Mairesse en appelle à Primo Levi. Hier, aujourd’hui, l’indispensable devoir de mémoire pour demain…
« Le convoi »
Auteure : Beata Umbuyeyi Mairesse
Editions : Flammarion
« Ilaria » de Gabriella Zalapi
Une fillette de 8 ans, elle se prénomme Ilaria. Son père en froid avec sa femme (et mère de la petite fille) l’emmène en voiture. Un périple dans le nord de l’Italie- sans idée très précise de la destination. Ce sera Milan, Trieste, plus tard Bologne, puis l’internat à Rome et encore plus la Sicile dans un monde aussi solaire que paysan. Certain.e.s auraient rédigé un banal road trip, persuadé.e.s de bousculer la littérature. Avec Gabriella Zalapi, multilingue, artiste et scénariste, il n’en est rien- vivant à Paris, elle cultive la modestie et la discrétion. Après « Antonia » (2019) et « Willibald » (2022), elle a publié son troisième et impeccable roman, « Ilaria »- sous-titre « ou la conquête de la désobéissance ». Là encore, dans ce voyage avec un père « jaguar nerveux » et une fillette qui l’aime et le déteste, l’auteure raconte le périple en se mettant à hauteur de l’enfant de 8 ans. Il est difficile de réussir ce genre d’exercice sans tomber dans la niaiserie. Ilaria va apprendre, seule, la vie près de ce père flottant et cette mère au loin, et présente et absente. Un roman bref, aussi vertigineux que saisissant, à l’écriture allant toujours à l’essentiel.
« Ilaria »
Auteure : Gabriella Zalapi
Editions : Zoé
ET AUSSI
« Un geste vers le bas » de Bartabas
Fondateur d’un théâtre équestre unique au monde, Bartabas publie son troisième et éblouissant livre, « Un geste vers le bas ». Après « D’un cheval l’autre » et « Les cantiques du corbeau », il évoque cette fois un souvenir datant de 1990. Une rencontre qui va donner naissance à une forte amitié avec l’immense chorégraphe allemande Pina Bausch (1940- 2009). A l’issue d’un spectacle, celle-ci demande à voir le maître écuyer- il lui présentera le cheval Micha Figa. Pour Bartabas, aucun doute : ce cheval est le partenaire idéal pour révéler la personnalité unique de la danseuse-chorégraphe…
« Un geste vers le bas »
Auteur : Bartabas
Editions : Gallimard
« Le rêve du jaguar » de Miguel Bonnefoy
Le narrateur est catégorique : « On est tous fils d'un rêve de jaguar »… Ainsi dresseur de mots, Miguel Bonnefoy se glisse en librairies avec un roman impeccable, « Le rêve du jaguar », pour l’histoire d’une famille formidable du Vénézuela. On y fait halte à Maracaibo, une université qui apporte la science dans un monde où règnent ignorance et misère. Le narrateur enfant-jaguar à Paris déroule la mythologie familiale : grand-père enfant abandonné devenu cardiologue ; grand-mère d'un milieu modeste devenue la première femme médecin du pays ; mère prénommée Venezuela et exilée à Paris…
« Le rêve du jaguar »
Auteur : Miguel Bonnefoy
Editions : Rivages
« Géographie de la peur » de Claire Castillon
Maureen a 19 ans et souffre d’un TAG- un Trouble Anxieux Généralisé ; sa mère préfère parler d’un VAG, Variation Amusante Géniale, et lui répète : « Sur les vagues, tu surfes, tu as toujours été fantaisiste, prends-le comme une récréation… » Maureen emplit toute entière « Géographie de la peur », le roman de Claire Castillon. Une fois encore, spécialiste incontestée des êtres cabossé.e.s, tourmenté.e.s ou décalé.e.s, l’écrivaine ausculte, décode, décrypte… et raconte le combat de tous les instants, pour surmonter cette peur qui a envahi la géographie intime d’une jeune fille de 19 ans.
« Géographie de la peur »
Auteure : Claire Castillon
Editions : Gallimard
« Vallée du silicium » d’Alain Damasio
Tenu pour l'un des meilleurs auteurs de science-fiction de l'époque, Alain Damasio a expliqué que « l'Amérique est le visage avancé de notre époque », confié qu'« on est dans un monde repensé par la Silicon Valley » et constaté qu' «avec le monde numérique, nous sommes devenus les bureaucrates de nos propres vies». Tout cela, il le consigne donc dans « Vallée du silicium », ce livre rédigé au retour d'un séjour d'un mois en immersion dans la Silicon Valley, où le temps des chimères n'est pas une vaine notion, et n'a pas eu à se forcer pour observer chez l'homme son aliénation au numérique. Ce qui l'amène à envisager comment dépasser cette aliénation. Chez Damasio, il est question de « polytique », de création artistique ou encore d'écologie. Au fil des pages, il se plaît à lancer des néologismes, tels « numiversel » ou encore « Abracadata ». Dans ses « chroniques de San Francisco », avec pétillance et argumentation, Alain Damasio a écrit le premier guide du « biopunk » !
« Vallée du silicium »
Auteur : Alain Damasio
Editions : Seuil
« La Couronne du serpent » de Guillaume Perilhou
Pour le réalisateur italien Luchino Visconti (1906-1976), l'affaire était toute simple : adapter « Mort à Venise », le roman de Thomas Mann, et trouver, pour le rôle principal, « le plus beau garçon du monde ». Donc, en 1970, il part en quête à travers l'Europe, en vain. Et soudain, venu de Suède, un jeune Suédois de 15 ans, Björn Andrésen, surgit. Luchino Visconti écrit à son amie Maria Callas : « Habemus Angelum ». Orphelin d'une mère suicidée et petit-fils d'une femme en mal de reconnaissance, Andrésen sera donc Tadzio, mais aussi « l 'objet » du cinéaste. Comment vivre après une telle expérience ? Particulièrement inspiré par le sujet, avec « La Couronne du
Serpent », Guillaume Perilhou mêle nombre de genres littéraires. C'est follement réussi !
« La Couronne du serpent »
Auteur : Guillaume Perilhou
Éditions de l'Observatoire
« Bande de héros » de Philippe Ridet
Après « Ce crime est à moi » et « Les Amis de passage », Philippe Ridet boucle avec cette « Bande de héros » un triptyque consacré au temps de ces jeunes années, au carrefour des années 1970-1980, dans une ville moyenne de province. Les parents de « JiDé », comme chaque année, lui confient leur maison, là où il a grandi. Donc, il convie ses ami.e.s à une soirée, à une nuit… Il y a Walter dit « Rhodes », Alain alias « Abdul », Harold « le Major », et aussi Livia, la sœur de Walter. Avec « Bande de héros », Philippe Ridet- maître du style elliptique, nous offre en toute simplicité un roman d’excellence.
« Bande de héros »
Auteur : Philippe Ridet
Editions des Equateurs
« Un cœur outragé » de Philippe Torreton
A l’approche de la soixantaine, césarisé en tout début de carrière, Albert Stefan (né Jean Damiens, en Normandie) est devenu un comédien de second choix. Il est désabusé, puis a « un coup de génie ». Remonter à la surface, c’est le point de départ d’« Un cœur outragé », le nouveau roman de Philippe Torreton, comédien d’élégance et de caractère. Dans ce roman empli de mélancolie, débordant d’humour, le héros en mal de reconnaissance, avec l’aide d’un ami maquilleur et d’un autre producteur, disparaît sous les traits d’un personnage qu’ils vont créer. Et l’incroyable va se produire…
« Un cœur outragé »
Auteur : Philippe Torreton
Editions : Calmann-Lévy
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence avec Peter Handke, auteur autrichien et prix Nobel de littérature 2019 pour un court texte totalement « démoniaque ». On enchaîne avec Marc Levy, l’écrivain français vivant le plus vendu dans le monde et qui signe un roman hommage aux livres, entre vengeance et appel de l’amour. On boucle avec Henri Loevenbruck, voltigeur tous genres des lettres et auteur d’un roman aussi implacable qu’optimiste. Bonne lecture !
Lire la suite : Une semaine de lecture avec Peter Handke, Marc Levy et Henri Loevenbruck
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence avec James Baldwin, sommité des lettres étatsuniennes dont on fête le centenaire de la naissance, et savoure son seul « livre d’enfant pour les adultes ». On enchaîne avec Sophie Fontanel, journaliste mode et écrivaine qui s’est émerveillée pendant l’été pour un astre olympique. On boucle avec Meir, Shalev, le grand auteur israélien qui, avant de mourir, a signé un grand roman de dialogue et confidences entre deux frères. Bonne lecture !
Lire la suite : Une semaine de lecture avec James Baldwin, Sophie Fontanel et Meir Shalev
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence avec l’Egyptien Alaa El Eswany pour un roman polyphonique, tout aussi nostalgique que corrosif. On enchaîne avec l’« éternel jeune homme » de 88 ans, Philippe Labro, auteur d’une « novella » ramassée en deux personnages, deux temps, deux lieux. On boucle avec Fabienne Pascaud pour un portrait passionnant du grand Bartabas, le créateur du Théâtre équestre Zingaro. Bonne lecture !
Lire la suite : Une semaine de lecture avec Alaa El Aswany, Philippe Labro et Fabienne Pascaud
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Trois suggestions de lecture pour cette semaine. D’abord, on commence avec Nicolas Fargues pour son « journal de prison » et le stage d’écriture qu’il a mené pendant sept mois. On enchaîne avec l’impeccable Julia Kerninon et un texte entre réflexion littéraire et bribes d’autobiographie. On boucle avec le nouvel et quatrième roman de l’Irlandaise Sally Rooney, surnommée la « Françoise Sagan 2.0 ». Bonne lecture !
Lire la suite : Une semaine de lecture avec Nicolas Fargues, Julia Kerninon et Sally Rooney
Un bon bouquin, ça ne périme pas! Et après, ça passe en poche et c'est encore mieux parce qu'on peut l'emporter partout!
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