La ménagerie de verre : Philippe Person met en scène avec pertinence une pièce phare de Tennessee Williams
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Que l’ambiance semble lourde dans la maison des Wingfield où Amanda vit avec ses deux enfants : Tom, jeune employé à l’usine en mal d’évasion et qui rêve de cinéma ; Laura jeune femme désocialisée et renfermée sur elle à cause d’une malformation physique et qui rêve du prince charmant. Le père, s’en est allé il y a de nombreuses années, laissant pour seul souvenir une photo dans le logement familial.
On pourrait croire la famille soudée mais derrière les masques, la réalité amère et un équilibre instable : protectrice, omniprésente et omnipotente, Amanda étouffe ses enfants par les rêves de grandeur et d’ascension sociale qu’elle veut pour son fils, par le besoin de trouver un galant pour sa fille.
C’est alors que Tom invite Jim, ancien camarade de lycée et collègue de travail, comme prétendant pour sa sœur : une venue qui va émanciper la jeune fille et qui va bousculer la famille tenue par une fragile ligne de crête.
Texte iconique de Tennessee Williams, la pièce met en place un trio où victime, sauveur et bourreau se succèdent au fur et à mesure que les tensions se créent et les liens se distendent. Broyé par le côté tyrannique de sa mère, Tom se rebelle et casse son image de soumis pour trouver des échappatoires dans les sorties nocturnes. Trop couvée et étouffée par la pression maternelle, Laura vit elle recluse et ne parle qu’à des sculptures animales en verre, compagnons d’une vie isolée et solitaire.
Les charges mentales s’expriment avec vigueur au fur et à mesure de l’intrigue avec un parti pris de mise en scène plaçant Tom comme narrateur de l’histoire : à la fois conteur et acteur, il oscille entre victime et idéaliste.
La mise en scène est soignée avec un espace minimaliste et exigu avec seulement une table familiale dans le salon, un lit, un tourne-disque et quelques magazines dans la chambre de Laura. Un dépouillement, symbole de l’Amérique des années 30 post crise. De grandes portes donnent accès à l’escalier de secours, référence aussi aux portes de sortie d’un univers familial trop enfermant et ouverture vers un monde meilleur.
Les jeux de lumière traduisent avec brio l’enfermement, la tristesse de cette famille dysfonctionnelle et nous immerge dans ce huis clos.
Les acteurs jouent avec justesse et générosité pour alterner colère, douceur feutrée, cynisme et envie de vivre. Par des ruptures de rythme, des nuances de jeu, ils incarnent les contradictions de leurs sentiments.
Pièce référente, « la ménagerie de verre » aborde avec malice et intelligence la déchéance sociale d’une famille où le passé prend la place de l’avenir et où l’indépendance n’est plus un souhait mais une obsession pour vivre et exister. Dans cette quête de sens personnelle, le rêve n’est qu’une fuite : une réflexion intemporelle sur les personnes qui briment et enferment le simple rêve d’être soi et de vivre pleinement sa vie.
La ménagerie de verre
De : Tennessee Williams
Mise en scène : Philippe Person
Traduction : Isabelle Fanchon
Avec Florence le Corre, Alice Serfati ou Alice Macé, Blaise Jouhannaud et Antoine Maabed
Décor : Vincent Blot
Lumières et vidéo : Tom Bouchardon
Production : Cie Philippe Person
Dates et lieux des représentations :
- Jusqu'au 25 janvier 2026 au Lucernaire ( 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris)







