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L’année de grâce : entre Hunger Games et La Servante écarlate, une dystopie glaçante qui met en avant la nécessaire solidarité des femmes

  • Écrit par : Sylvie Gagnère

l'année de grâcePar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Quelque part dans un monde terriblement fermé, les jeunes filles, à 16 ans, sont bannies pendant une année entière sur une île, l’année de grâce. Parce qu’on y croit que les femmes ont des pouvoirs magiques, dont les hommes ont peur, car elles les attirent et rendent leurs épouses folles de jalousie. Pendant ces douze mois, leur magie est censée se dissiper dans la nature, afin de leur permettre de réintégrer la communauté. Mais Tierney s’interroge : elle ne se sent pas magique, et personne, jamais, n’évoque l’année de grâce. C’est parfaitement interdit. Pourtant, sa mère, ses sÅ“urs, toutes les autres femmes du village ont vécu cette épreuve. Enfin, celles qui sont revenues…

Dès le début du roman, les lecteurices sont plongé·es dans l’ambiance : dans cette société, les femmes n’ont aucun droit, elles ne sont que des ventres dont usent les hommes à leur gré. Au retour de l’année d’exil, elles seront soit mariées – pour celles qui auront reçu un voile, soit assignées à une tâche de travailleuse. Les rebelles sont envoyées au quartier des prostituées, ou exécutées en public, afin de décourager toute velléité de révolte. Entre dystopie et roman d’initiation, on suit le destin de Tierney, adolescente courageuse, qui refuse les règles absurdes censées gouverner leur année d’exil, tout comme elle n’imagine pas se plier à celles de la communauté, préférant entre autres devenir travailleuse, plutôt que se marier. Sauf que ce n’est pas elle qui choisit. Dans leur camp, cette bande d’ados livrées à elles-mêmes se révèle capable du meilleur, mais surtout du pire. Entre les dangers qui rôdent à l’extérieur – animaux sauvages et braconniers qui les guettent pour les écorcher vives (leur peau et leurs organes sont supposés magiques) et ceux qui règnent à l’intérieur du camp : pas de nourriture, un puits souillé, des latrines épouvantables et les rigueurs du climat, sans compter les accès de folie de certaines d’entres elles, l’avenir s’annonce bien sombre.

Bien sûr, le roman lorgne du côté de la Servante Écarlate et d’Hunger Games, mais il tire sa force de son héroïne, très attachante, de ses personnages secondaires, très soignés et qui réservent quelques surprises. Toute l’histoire est vue du point de vue de Tierney, renforçant ainsi l’identification. L’écriture est efficace et le rythme enlevé. Il nous y a sans doute manqué quelques éléments d’explications sur comment cette communauté a pu se construire de cette manière, jusqu’à annihiler tout sentiment humain ou presque – les adultes sont capables de sacrifier sans remords apparent leurs propres enfants… Une frêle lueur d’espoir surgit pourtant, qui passera par la sororité.

Le message reste fort et surtout indispensable en ces temps où nombre de droits des femmes sont remis en cause… En lisant ce roman, on ne peut s’empêcher de penser aux mots de Gisèle Halimi : « Les femmes sont folles de ne pas se faire confiance, et les hommes sont fous de se priver de leur apport. Â»

L’année de grâce
Autrice : Kim Liggett
Éditions : Casterman
Collection : Romans grand format
Parution : 7 octobre 2020
Prix : 19,90 €
Roman adolescent, à partir de 13 ans


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