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Hedwig and the Angry Inch : un concert confessionnal qui rocke grave!

  • Écrit par : Xavier Paquet

inchPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Une carcasse de voiture dont les phares éclairent encore, un décor style entrepôt, des murs de béton recouverts de graffitis et quelques images rétro.

Quelques riffs de guitare, quelques notes clinquantes de synthé, des paillettes sur le visage, des vêtements moulants et transparents, du cuir. Bienvenue dans une salle de concert aux allures underground de Berlin où le groupe « Angry Inch » performe. Un univers sombre illuminé par l’arrivée d’Hedwig, rock star transgenre aux allures faussement punk et délicieusement rétro avec ses vestes en jean déchirées, sa perruque peroxydée et ses bottes flashy.
Hedwig ne vient pas que chanter, elle vient surtout vivre : partager un moment unique dans ce qui est vital pour elle, la musique, communier et se confesser sur qui elle est avec son public, besoin organique de s’affranchir des blessures du passé. Née homme sous le nom d’Hansel dans Berlin-Est, élevée seule par sa mère dans un quartier désœuvré durant cette guerre froide, elle ne rêve que de liberté, d’émancipation et de rock par les cassettes venues de l’Ouest qu’elle écoute en secret. La rencontre avec un militaire attiré par le jeune homme lui offre la Terre promise : un départ pour l’Amérique contre une opération pour devenir réellement femme. Chirurgie ratée, mutilation et vie dans un mobil-home du Midwest : Hedwig est loin de la vie rêvée. Elle croit l’atteindre en rencontrant Tommy, chanteur, qui deviendra star planétaire et l’abandonnera après qu’elle eut composé ses chansons.
Entre deux chansons, elle se confie de manière trash, parfois vulgaire, tendre et romantique, désabusée sur ses amours désenchantés, sur ses trahisons et sur l’amour qu’elle porte à Yitzhak, son mari et choriste, légèrement soumis et malléable à ses exigences. Tantôt diva, tantôt jalouse, elle masque ses fêlures intimes par une folle excentricité et une absence de filtre. Et pourtant il y a un doux mélange subtil qu’elle nous propose dans les chansons retraçant son parcours de vie : rock version hard ou teinté de pop, punk, balade, slow (quelle interprétation de Whitney Houston !) ou country. Affres de malheur comme gouttes de bonheur, elle distille dans la musique ce qui fait le sel de sa vie.
Pour une pièce qui aborde la notion de genre, quoi de plus logique que de les mélanger : pas vraiment une comédie musicale, pas entièrement un concert rock, quelques clins d’œil au monologue théâtral et un style parfois proche du stand up. Une variété éclectique qui donne le ton et le charme de la pièce et nous guide avec passion et surprise dans les tourments de cette vie pas comme les autres. On ne peut que louer la qualité du jeu et de l’interprétation, la prestation vocale et musicale digne d’un vrai concert et la performance et l’énergie dans le show proposé. On se laisse porter par autant de fougue, de vivacité, de vitalité (même si certains passages narratifs sont un peu longs), on rit ou s’offusque de l’humour trash et on s’émeut par les moments touchants de cette artiste teintée de dépression et de spleen.
Pour faire une grande pièce, il faut une grande mise en scène et que dire de la scénographie proposée ? Une salle underground, un décor digne des années 80, des vestiges du Mur, et une utilisation à merveille de la vidéo pour apporter de la profondeur à la narration ou traduire en français les chansons d’Hedwig afin de nourrir son histoire (ou servir de karaoké pour les plus audacieux). Un travail immense et intense a été réalisé sur les lumières pour venir sublimer l’ensemble : un jeu léché pour l’univers intime, un jeu électrique pour les stroboscopes, un jeu nuancé et coloré sur les flash-back de l’héroïne.
On ressort différemment d’Hedwig and the Angry Inch et de son concert confessionnal où la carrière minable côtoie les rêves d’une gloire passée, où les promesses d’un avenir meilleur se diluent dans les confidences nostalgies ou déjantées, où l’injustice et les histoires d’amour ratées répondent au besoin assumé d’être soi et de trouver son identité.
Tout est chaos à côté, tous ses idéaux ; des mots abimés.

 Hedwig and the Angry Inch

De : John Cameron Mitchell et Stephen Trask

Crédit-photo : Grégory Juppin

Dates et lieux des représentations : 

- Le lundi 25 mars, le lundi 8 avril, le lundi 29 avril et le lundi 6 mai 2024 à 20h30 à La Scala ( 13, boulevard de Strasbourg, 75010 Paris ) Téléphone : +33 (0)1 40 03 44 30


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