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Fernando León de Aranoa : humain, très humain

  • Écrit par : Romain Rougé

pesoaPar Romain Rougé - Lagrandeparade.com/ Fernando León de Aranoa, une des personnalités du cinéma social espagnol, était l’invité du 47e Cinémed qui a eu la très bonne idée de lui consacrer une rétrospective. L’occasion de (re)découvrir la filmographie de ce réalisateur-scénariste qui met l’humain au cÅ“ur de son Å“uvre. Lors d’une rencontre organisée à Montpellier et après le visionnage de plusieurs de ses films, ce qui transparait de ce grand cinéaste est son profond humanisme… pour ne pas dire le mirage d’un DRH idéal !

« N’oublie pas que tu existes que lorsqu’on quelqu’un pense à toi, pas le contraire. Â» Cette phrase, prononcée par Candela Peña à deux reprises dans Princesas, pourrait en partie résumer l’œuvre de Fernando León de Aranoa pour qui l’attachement à l’humain reste le point névralgique d’une Å“uvre. « Les personnages sont le moteur de l’histoire, plus je les connais avec leur complexité, meilleure est l’histoire Â», introduit-il.

princesasSon regard bienveillant et curieux, il le pose sur tous les quidams invisibles - aux yeux de la société, qu’il rend profondément essentiels, attachants et… vivants : des prostituées de Princesas (2005) aux ouvriers chômeurs des Lundis au Soleil (2001), jusqu’aux ados rêveurs de Barrio (1998) en passant par la clique humanitaire d’A Perfect Day (2015), le terreau humaniste de ses films fait éclore des récits sociaux pétris de rêves et d’idéaux contrariés.

Percolent à travers eux des histoires de vie dont la banalité touche, émeut et surtout, questionne. Dans Amador (2010), la vie et la mort se côtoient en lien avec les thèmes de la famille, de la vieillesse et de la pauvreté mais au final, ce dont le film parle surtout, ce sont des choix que nous faisons et les conséquences qui en découlent des années durant. Des choix qui surlignent un instant présent, Ã  l’image de Caye (Princesas) qui révèle à son amie que répondre à un simple appel téléphonique peut changer la trajectoire d’une vie… Dans A Perfect Day, l’aléatoire revêt une dimension plus large quand les choix des personnages aux passés et visions opposés conditionnent la réussite d’une mission...

« Le travail de recherche est presque une fin en soi et finalement plus beau que l’aboutissement d’un film »

Dans tous ces films, nous rencontrons des personnages complexes, nuancés, parfois loufoques, souvent mélancoliques, aux multiples trajectoires, dont il ressort, à chaque fois, des élans de vie.

a perfect day Aranoa qui, de 20 à 30 ans, a réalisé des documentaires qui viendront fertiliser son Å“uvre, investit inlassablement le terrain (« un scénario à la main ! Â») à la rencontre d’associations, militants, activistes, inadaptés… Il creuse un sujet général pour cultiver des histoires très particulières qui deviennent à leur tour de véritables miroirs grossissants de notre société. « Le travail de recherche et de documentation est presque une fin en soi, j’y prends beaucoup de plaisir : le chemin est finalement plus beau que l’aboutissement d’un film de fiction. Il s’agit vraiment de se nourrir du terrain pour construire les personnages ou reconstituer un décor. La part imaginaire vient juste donner de l’épaisseur Â», poursuit-il.

amadorUne dimension émotionnelle « très précieuse Â»

Quitte à couper des scènes ou des dialogues, le « réalisateur à scénario Â» tel qu’il se définit lui-même « se laisse porter par les individus Â», desquels il cueille des grappes de sensibilité : « La dimension émotionnelle est très précieuse dans le documentaire Â», renchérit-il. « Là où d’autres se focalisent sur les arcs scénaristiques et autres techniques d’écritures qui corsètent, je puise dans mes rencontres les éléments qui vont nourrir le récit fictif. Ces personnes viennent ensuite sur le plateau dans un rôle de transmission ; c’est un véritable cadeau pour moi comme pour les acteurs qui, s’ils sont aussi bien castés, assurent 70% de la réussite du film. Â» Ajoutons que Fernando peut aller jusqu’à contrôler la colométrie de l’image pour « ne pas effacer la vérité des visages Â». L’IA n’a qu’à bien se tenir !

En mêlant travail de terrain et intérêt certain pour l’humain, Fernando León de Aranoa sait aussi qu’il fait acte de résistance. « Il y a de moins en moins d’histoires originales avec beaucoup de remakes, biopics, adaptations… Certainement pour avoir un socle et saisir un potentiel un succès financier. Finalement, tout ça aplanit les contenus et tue la créativité. Â» Un constat à rebours d’un cinéaste qui revendique une infatigable « curiosité de l’autre et du monde Â».


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