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Le rêve sous le pavillon noir : le bonheur intact de retrouver Navarre, dandy railleur et hédoniste, dans un registre original, celui du space op’

  • Écrit par : Sylvie Gagnère

le rêvePar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ La fin d’Eschatologie du vampire laissait présager la mort de Navarre... Que nenni ! Le voici de retour dans ce fix-up qui propose trois récits autour de ce personnage sarcastique, tendre, révolté, las, un personnage que l’on n’oublie pas quand on a croisé sa route !

Petit retour en arrière pour les néophytes : Navarre est né aux alentours de 1450 (si, si !) mais sa transformation en vampire a fait de lui un être quasi immortel, qui parcourt le monde, succombe avec délice aux appels de la chair – de toutes les chairs – se révèle irrévérencieux au possible, capable d’amour sincère et profond mais la rage au cœur quand on s’attaque aux plus faibles. Si elle n’est pas absolument indispensable, je conseille toutefois vivement la lecture de la trilogie « Testament » : L’héritière, Alouettes et Humain·es, trop humain·es avant de plonger dans ce rêve-ci.

Un rêve qui prend d’entrée le lecteur à contre-pied : qui dit vampire dit atmosphère victorienne, fantastique urbain... pas space opera ! Et bien si, ce sera aventures spatiales pour Navarre, étoiles, vaisseaux et comète au programme.

Trois textes, trois ambiances, l’adage se révèle fort judicieux dans ce cas précis. Dans La fontaine aux serpents, une politicienne est victime d’une tentative d’assassinat dans une station spatiale dédiée aux plaisirs en tout genre, où la loi de l’argent fait rage. Notre vampire est engagé pour identifier le tueur, mais ce sera surtout l’occasion pour lui d’entrer en contact avec une divinité aborigène et de faire la connaissance de celle qui deviendra sa fille adoptive, Eugénie, une gamine muette et meurtrière à tendance psychopathe. C’est elle que nous suivons dans Un géranium au balcon alors que des Yakusas ont décidé de l’utiliser pour atteindre Navarre. Eugénie se retrouve affublée d’une compagne symbiotique, Fuchsia, une plante (?) pensante. Le ton est franchement drôle et c’est un pur régal de découvrir Navarre par leurs yeux. Space vampire must die change radicalement de registre. Entre références pop culture à gogo (mais ne paniquez pas, les rater ne gâche en rien le plaisir), hommage à la littérature et à la poésie, ambiance sous acide, écriture ciselée qui mélange allégrement les registres de langue, délires du héros mourant (ou pas...), nous accompagnons Navarre, qui semble parfois prêt à lâcher la rampe, mais qui s’accroche toujours, amoureux de sa non-vie et de la liberté, anarchiste sans le mot, raffiné jusque dans les moments les plus trash.

L’ensemble est parsemé de réparties pleines d’humour, de saillies au cynisme assumé, sous lesquelles se cache une profonde humanité, pas encore tout à fait désespérée, rageuse et combative !

Et parce que Jeanne A. Debats ne recule devant rien et fait confiance à son lectorat, le recueil s’achève sur un long poème façon bateau ivre...

Enfin, si, comme nous, vous ne lisez habituellement pas les préfaces, dérogez absolument à votre règle cette fois-ci : les mots de l’autrice, également préfacière, qui partage avec Navarre l’amour de la vérité et de la liberté, les convictions et les contradictions d’une personne entière, le goût des combats et de l’ironie, m’ont prise aux tripes. Parce que nous y entendons aussi le désir de changer les choses, si peu que ce soit, pour que ce monde soit meilleur – un peu moins pire !

Le rêve sous le pavillon noir 
Autrice : Jeanne A. Debats
Éditions : Actusf
Collection : Hélios poche
Parution : 10 juillet 2025
Prix : 9,90 €

 


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