Tamanoir : jouissif, drôle, tendre, glauque et violent, un polar engagé mâtiné de fantastique, un vrai bonheur de lecture !
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Cimetière du Père-Lachaise. Au petit matin se produisent trois meurtres. Enfin, non, deux. Parce que l’une des victimes se relève, prend son chat sous le bras et s’enfuit. En lisant son journal, Nathanaël Tamanoir, privé de son état, anarchiste de cœur et volontiers créateur d’embrouilles, se dit qu’il va aller fouiner. À sa manière. En provoquant le maximum de bazar !
Si vous trouvez un air de Poulpe à ce Tamanoir, ce n’est pas un hasard : Jean-Luc A. d’Asciano regrettait la disparition de cette collection de polars engagés et déjantés, initié par les Éditions Baleine dans les années 90. Qu’à cela ne tienne, puisque Poulpe il n’y a plus, il écrira un Tamanoir. Aussi anarchiste, foutraque et sympathique que son prédécesseur ! Il respecte même les figures imposées : le troquet, la lecture du journal, la découverte du fait divers qui va titiller notre héros et le lancer sur la piste d’une affaire criminelle dont la police se moque bien. Pensez donc, des bénévoles d’une association d’aide aux sdf, ça n’attire pas les foules ! Sans oublier la petite amie, gironde, futée et pleine de surprises !
Dès le début du roman, on est plongé dans un mélange des genres réjouissant : le polar, bien sûr, engagé et social, et le fantastique. L’auteur nous embarque dans un monde interlope, faits de pauvres types, de laissés-pour-compte de la société, de punks à chien et de clochards. Le Tamanoir se démène pour retrouver Ishmaël, le sdf enfui. La rencontre sera épique : le bonhomme semble tout droit sorti d’un conte lovecraftien, le récit fait la part belle au surnaturel entre morts-qui-ne-sont-pas-morts, dialogues étranges et rêves sexuels et sanglants qui envahissent notre enquêteur.
Le rythme est haletant, entre bagarres, poursuites, rebondissements et péripéties qui s’enchaînent sans aucune pause ! Les personnages secondaires en sont pas en reste, traités avec beaucoup de finesse par l’auteur, qui sait les croquer en quelques phrases pour leur donner une vraie épaisseur.
Jean-Luc A. d’Asciano n’en oublie pas pour autant la dimension engagée de son histoire, où les plus faibles font invariablement les frais d’un système capitaliste pourri jusqu’à la moelle, où le méchant tient un discours que ne renierait probablement pas nombre des dirigeants du CAC40. Cependant, les perdants de la société ne sont pas de gentils agneaux : alcooliques, racistes, certains d’entre eux sont particulièrement antipathiques, tandis que d’autres, idéalistes (et irréalistes) ne sont guère plus utiles.
Ce qui fait – outre tout ce qui précède – la force de ce roman ? Son style ! Une langue vive, ciselée, pleine de verve et d’humour, aux jeux de mots plus ou moins brillants, mais toujours jouissifs.
La profonde humanité de l’auteur transparaît dans chacune de ses lignes, son empathie pour les tordus de l’existence, sa loyauté envers les exclus, les marginaux. Et si l’humour est souvent noir, il est aussi vivifiant, tonitruant et débordant de vie ! Un régal de lecture !
Tamanoir
Auteur : Jean-Luc A. D’Asciano
Éditions : Aux Forges de Vulcain
Date de sortie : 13 mars 2020
Prix : 18 €