De cinq à sept : Olivia Koudrine, quatre femmes, une même maladie…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Tout commence le mercredi 17 décembre 2014, entre 17 et 19 heures. Tout finit le mardi 17 mai 2016, entre 17 et 19 heures. En dix-neuf épisodes, on va suivre quatre femmes qui ont de 32 à 75 ans, c’est « De cinq à sept », le nouveau roman d’Olivia Koudrine, déjà remarquée pour son passé de danseuse au Crazy Horse à Paris sous le pseudonyme de Cheetah Magnetic, pour ses œuvres d’artiste peintre et de précédents romans dont « Barby Blue », un polar dans lequel un homme est émasculé.
« De cinq à sept, c’est vrai, ça évoque des rencontres un peu coquines, confie l’auteure. Charlotte, ma première héroïne qui a 48 ans se rend un 17 décembre à 17 heures chez son amant. Et je me suis demandé : « Que font les autres femmes à ce moment-là ? » Que font Fanny, Gislaine, Simone ce jour-là, à cette heure-là ? » « De cinq à sept », c’est le roman de quatre femmes, de quatre destins. L’une à Paris, Charlotte, 48 ans. L’autre à Deauville, Fanny, 32 ans et seule avec son fils de 13 ans en pleine crise d’adolescence. Encore une autre à Besançon, Gislaine, la cinquantaine et aide-soignante qui fait ses courses chez Colruyt. Et enfin, Simone, 75 ans et veuve à Neuilly-sur-Seine. Au fil des pages, au fil de ces dix-neuf jours qui courent de l’hiver 2014 au printemps 2016, on suit, on vit le quotidien de ces femmes, de ces héroïnes de la vie qui va. Charlotte, Fanny, Gislaine et Simone n’ont rien d’exceptionnel- elles vivent de rires et de larmes. Oui, la vie qui va avec ses hauts, avec ses bas, et reviennent alors les mots d’une chanson de Stephan Eicher : « J'avais des hauts / J'avais des bas / J'avais plus ou moins chaud / Et toute la vie devant moi / J'avais des hauts / J'avais des bas / Je crois que j'en voulais trop / J'ai même eu ce que je n'voulais pas… »
Oui, ces quatre femmes, ces quatre héroïnes du quotidien ont même eu ce qu’elles ne voulaient pas… On lit, par exemple : « Fanny, juillet 2015. Fanny a toujours sa boule sur le côté du sein gauche. Le gynécologue qu’elle a vu il y a six mois lui a fait une ordonnance pour une mammographie mais elle a oublié de prendre rendez-vous. Elle avait l’impression de ne plus la sentir depuis quelque temps »… ou encore : « Gislaine, juillet 2015. (…) Gislaine a la chair de poule… En rentrant du travail, elle avait rendez-vous avec le docteur Prunier qui lui a encore prescrit des anti-inflammatoires contre la douleur. Maintenant, il veut qu’elle fasse une IRM du rachis lombaire. ‘’Plus une mammographie et un frottis’’, ajoute-t-il et, voyant sa mine renfrognée : ‘’Eh oui, ça fait deux ans, il faut recommencer’’ ». Septembre 2015 (soit à la moitié du roman de « De cinq à sept »), entre cinq et sept (heures) de l’après-midi du même jour, dans un lieu différent, un radiologue annonce à chacune d’entre elles qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. Extrait : « Charlotte, octobre 2015. (…) Depuis le 17 septembre, sa vie s’est arrêtée. Dorénavant chaque minute tourne autour des mots ‘’cancer… cancer du sein’’. Plus le temps de vivre autre chose. Les rendez-vous se sont enchaînés chez les médecins, dans les centres d’examens. On l’ausculte, on la saigne, on la pénètre, on la dissèque en images. Elle en a la nausée… »
En ouverture de « De cinq à sept », Olivia Koudrine a consigné des mots de Victor Hugo : « La vie est une phrase interrompue ». Avec les quatre héroïnes, avec Charlotte, Fanny, Gislaine et Simone, suintent l’interruption de la phrase, l’odeur et l’ombre de la mort. Cancer du sein- surgissent alors les questions. Sur la féminité. Sur le regard des autres. Sur la douleur. Sur la maladie. Une vie en fin de phrase, la fin des certitudes, l’envie de vie, l’attente de la mort… tout se bouscule alors. Et l’intérêt du roman d’Olivia Koudrine est là, dans le traitement de l’événement, de cette maladie qui attrape de plein ces quatre femmes- l’auteure ne tombe jamais dans le pathos, elle trouve à tout coup les mots qui résonnent juste…
De cinq à sept
Auteur : Olivia Koudrine
Editions : Le Cherche-Midi
Parution : 7 juin 2018
Prix : 19 €