"Les femmes ne meurent pas par hasard" : Le combat féministe de l’avocate Anne Bouillon
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ « Je ne défends plus les hommes. Leur violence, je n'en peux plus. Mais je veux vous raconter les femmes, celles qui viennent me trouver dans mon cabinet, celles qui veulent échapper à leurs oppresseurs, celles qui demandent justice. Je plaide pour elles. »
Depuis le mouvement #metoo, son cabinet ne désemplit pas. Chaque jour, des victimes s’adressent à elle. Avant de se spécialiser dans le droit des femmes, l’avocate Anne Bouillon a fait le constat suivant : en moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 74 ans qui, au cours d’une année, sont victimes de violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint, est estimé à 321 000 femmes. Ces chiffres, ce sont ceux publiés par L’Observatoire national des violences faites aux femmes.
Né de la nécessité de témoigner de cette réalité - qui n’est pas une fatalité -, trois voix féminines (Anne Bouillon, la journaliste Charlotte Rotman, et la dessinatrice Lison Ferné) ont décidé de publier un ouvrage graphique qui donne la mesure de cette atrocité inacceptable. Il dresse non seulement un état des lieux des violences sexistes et sexuelles mais donne un visage aux acteurs et actrices de cette tragédie qui dure depuis trop longtemps. Car cela touche toutes les strates de la société et les coupables sont toujours de sexe masculin. Ces femmes, comme elles le rappellent, ce sont nos mères, nos sœurs, nos filles, nos amies, nos collègues, nos voisines, riches ou pauvres, et de toutes les origines.
Il faut dire ce qui est. Il est temps que cela cesse. L’institution judiciaire évolue au rythme de notre progression collective. Il n’y a pas si longtemps, la police nationale ne prenait pas au sérieux les plaintes des femmes et les menaces des hommes. Aujourd’hui, la parole des victimes est mieux entendue. Leur protection davantage assurée mais ce n’est pas gagné. Nous sommes encore loin de vivre dans une société plus juste et égalitaire : « Les femmes ne meurent pas par hasard, rappelle l’avocate, elles meurent parce qu’elles ont affaire à des hommes violents mais également parce qu’il y a des défauts dans la prise en charge de la protection. »
Cet ouvrage passionnant, à la fois complet et concis, nuancé, sans fioritures, est le fruit de plusieurs années de travail, dans son cabinet nantais (c’est le cas dans toute la France). Il permet de comprendre comment le piège se referme et d’assister à des procès. Loin d’être un épiphénomène, notre société est organisée autour des violences faites aux femmes… depuis la naissance de l’humanité. « Les femmes ne meurent pas par hasard » a remporté le prix Babelio 2025. Anne Bouillon a participé à la création de l’association Citad’elles, à Nantes.
Charlotte Rotman a travaillé 15 ans à Libération avant de rejoindre le site internet Les Jours. Elle fait partie du collectif d’autrices Toutes Ressemblances. Lison Ferné est une illustratrice qui travaille à Bruxelles. Elle développe des personnages féminins puissants et profonds. Son trait est élégant, lorgnant sur le manga, moderne, quoi, aux couleurs pastel. Efficace. Dans Mon abécédaire Queer, elle interroge la représentation du corps masculin hors de canons virils traditionnels. Manière de redire que le sort des femmes dépend surtout du comportement des hommes.
Les femmes ne meurent pas par hasard
Editions : Steinkis
Auteures : Anne Bouillon, Charlotte Rotman et Lison Ferné
192 pages
Parution : 31 octobre 2024
Prix : 24 €