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Le rosaire des voluptés épineuses : un "In memoriam Rodanski" remarquable

  • Écrit par : Julie Cadilhac

RosairePar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Résumer ce qui se trame dans ce Rosaire des voluptés épineuses est un exercice de haute voltige au succès impossible...il faut donc en premier lieu accepter cette imagination schizophrénique qui narre la rencontre surréaliste d'un dandy poète et criminel du nom de Lancelot avec la médusante Dame du Lac ; cette dernière étant une sorte de double de la "maîtresse chanteuse", " l'attrape-nigaude à divulgation permanente" que le jeune homme a empoisonnée. Il semble qu'elle vienne rejouer la scène sous l'œil diablotin d'un serviteur de l'hôtel : Carlton à la " dignité de carton-pâte"....mais rien n'est moins sûr. Apparaissent soudain, durant la conversation décalée au fil directeur qui se mord la queue de ce duo implacable, deux gangsters qui achèvent de mettre en déroute la logique...

Avant de féliciter l'excellente mise en scène et distribution de Georges Lavaudant, rendons d'abord hommage à la langue et à la narration aussi singulières qu'admirables de Stanislas Rodanski. Le verbe se déploie en "bouquets de pensées fiévreuses", n'est que consomption d'images poétiques vibrantes et de pensées elliptiques.  Dans cette histoire, l'ironie jubile, l'illusion et les faux-semblants invitent à une mascarade au faux-air de scénario de série B et pourtant...en filigrane...l'on entend la complainte étouffée d'une âme douloureuse. Rodanski confie en effet des parenthèses dramatiques de son existence, de sa déportation en camp de travail à ses internements pour démence supposée. On est presque dans une démonstration freudienne du moi, du surmoi et du ça...où chaque niveau de conscience se disputent la vedette dans une fiction onirique qui emprunte à la légende.
Pour servir cette prose tourmentée mais d'une fluidité remarquable, Georges Lavaudant a imaginé une ambiance "baignée de lune". La scénographie signe un rendez-vous idéal pour les vampires, valets de trèfle et autres anges des ténèbres : la mort y trouve un écrin luxueux tandis que les maquillages dessinent sur les visages un machiavélisme qui transpire des masques de cire. Les jeux de lumière, teintant le plateau de notes artificiellement vives, séduisent l'œil dans cette mise en scène extrêmement cinématographique qui emprunte des codes au cinéma noir des années 50. Au coeur de ce mausolée étrange où l'on boit des cocktails à la promesse mortifère, évoluent deux acteurs superbes. Frédéric Borie "règne de sang-froid" sur ce visage distrayant du Styx avec un charisme glaçant. Il déstabilise d'abord en amant endeuillé en passe de se révéler un criminel, fond comme neige au soleil dans un baiser de cinéma, sort de ses gongs avec une froideur venimeuse, personnage insaisissable et saisissant. Face à lui, Elodie Buisson campe une "Médée" fatale dont chaque geste est d'une effrayante élégance. Miroir jumeau de son accolyte de comptoir. Tous deux jouent de cette langue "aux longues phrases enroulées" avec une aisance délicieuse et instaurent une atmosphère hypnotique où la folie trinque avec la lucidité des réveils douloureux.
Voilà assurément une pièce au charme surprenant dont la raison se "promène nue à la rosée des pelouses". Hantée par les chimères, elle confronte l'artificiel à la confession intime, l'obscur au translucide, l'onirisme au chaos d'une Histoire toujours menaçante. In memoriam Rodanski.

[bt_quote style="default" width="0" author="Stanislas Rodanski"]Faire revenir une morte est un acte poétique.[/bt_quote]

Le rosaire des voluptés épineuses de Stanislas Rodanski
Mise en scène : Georges Lavaudant
Avec : 
Frédéric Borie
, Elodie Buisson, 
Frédéric Roudier...
Décor et costumes : Jean-Pierre Vergier / 
Lumière : Georges Lavaudant
 : Son : Jean-Louis Imbert / 
Maquillage et effets spéciaux : Sylvie Cailler
 /Coiffure : Jocelyne Milazzo
Durée : 1h10

Photo : Marie Clauzade



Coproduction : LG théâtre - Le Printemps des Comédiens | Remerciement à l’ENSAD - Ecole Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier et à la Cie La Bulle Bleue | La compagnie LG théâtre est conventionnée par le Ministère de la Culture.

Dates et lieux des représentations: 

- Du 3 au 6 juin 2016 au Théâtre d'Ô - Festival du Printemps des Comédiens 2016 ( Montpellier)

- Du 12 au 14 mai 2020 au théâtre L'Archipel - Perpignan

[bt_quote style="default" width="0" author="Stanislas Rodanski"]La vérité pure est une personne qui ne cesse de refaire son maquillage.[/bt_quote]

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