Le portrait de Dorian Gray : l’amour se dénude sur la lie de l’immoralité
- Écrit par : Philippe Delhumeau
Par Philippe Delhumeau - Lagrandeparade.fr/ Oscar Wilde n’avait pas son pareil pour décliner l’amour dans un esthétisme entretenu par la passion et la considération qu’il portait à ses semblables. Elégant dans le phrasé, il emporte les mots dans un cortège d’impressions confondues en oppositions. Il décline l’art comme un élément indissociable de la création. Pourtant, il se défend de croire en la pérennité d’une œuvre car elle n’est qu’illusion entre les mains de l’artiste qui l’a produite pour le plaisir.
C’est ce plaisir qu’invite Thomas Le Douarec à découvrir dans la mise en scène du Portrait de Dorian Gray. Un roman qui scandalisa l’Angleterre au moment de sa parution et valut à son auteur d’être traduit sur le banc des auteurs à bannir.
La pièce connut un franc succès lors de son passage au Lucernaire en début d’année. Plébiscitée par la critique, appréciée par la vox populi, "Le portrait de Dorian Gray" s’affiche en belles lettres à la Comédie des Champs-Elysées jusqu’au 31 juillet. Une salle magnifique pour accueillir ce spectacle monté avec l’expérience et la passion du théâtre de ce génial et grandissime Monsieur du théâtre français, qu’est Thomas Le Douarec. Se retrouve dans la mise en scène, le côté épique, exaltant et inattendu de sa précédente réalisation au théâtre du Gymnase Marie Belle, "Les hommes viennent de Mars et les Femmes de vénus".
Thomas Le Douarec a réussi à mettre en œuvre l’ampleur du texte d’Oscar Wilde en s’appuyant sur une distribution haute définition, Arnaud Denis, Fabrice Scott et Caroline Devismes. La création lumières de Stéphane Balny s’accorde à l’humour et au cynisme d’Harry, Thomas Le Douarec, étale sur la palette de Basile le peintre, Fabrice Scott, un nuancier d’intimité et de confusion, mystifie la jeunesse de Dorian Gray, Arnaud Denis, et s’invite à jouer les trouble-fêtes dans les dérives mélodramatiques de Sybille, Caroline Devismes.
Le rideau s’ouvre sur le Cabaret des âmes perdues, le revendique une artiste légère et voluptueuse. Un lieu de débauche pour les amateurs de croquant et de péché interdit dans lequel prennent vie des personnages portés par le cynisme de l’élément moteur de la pièce, Harry. Le fil d’Ariane du texte se déroule dans une succession de tableaux générant à chaque fois, un changement de décor. Les personnages font jeu de plusieurs rôles selon la narration, excepté l’irrésistible et l’irremplaçable Harry. L’histoire se décline au pluriel dans l’abord des thèmes évoqués, l’amour, la beauté, la jeunesse et l’art. L’amitié entre Harry et Basile est presqu’amoureuse car respectueux sont-ils l’un à l’égard de l’autre. Les différends naissent à l’entrée de Dorian Gray, reproduit trait pour trait par Basile. Un portrait peint qui attire l’œil, suscite l’interrogation, génère des jalousies.
Oscar Wilde tient le lecteur en haleine avec l’intrigue qui s’installe progressivement dans la pièce. Thomas Le Douarec tient la salle à souffle coupé avec les tensions qui accaparent individuellement les personnages. La vivacité et la spontanéité des échanges captent l’attention du public, lequel réagit à toutes les joutes verbales exprimées dans le cynisme subtil et irrévérencieux d’Harry.
Le jeu de Dorian Gray se définit en équation de l’insolence et de la cruauté. Saisissant est-il quand il tue froidement Basile. Son regard renvoie l’image d’un homme pris sur le vif, mais la noirceur de ses yeux ne témoigne aucun regret. Arnaud Denis, une interprétation de haute voltige pour ce jeune comédien doué pour les planches. Fabrice Scott, Basile, incarne un artiste-peintre baigné par les lumières de la création qui se laisse aspirer par un spleen qui l’éloigne lentement de ses pinceaux. Une belle présence dans le spectacle. Caroline Devismes interprète une artiste de cabaret, une actrice de théâtre, une comtesse. Elle est simplement belle dans les différents registres dans lesquels elle se montre généreuse et entière. Thomas Le Douarec, Harry, une présence remarquable et une faconde exceptionnelle. Quel magnifique comédien et metteur en scène.
L’amour avec un A majuscule revient dans toutes les conversations car la vie est un mensonge, de l’art en somme préparé avec amour.
Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde
Mise en scène de Thomas LE DOUAREC
Avec en alternance Arnaud DENIS ou Valentin de CARBONNIERES, Lucile MARQUIS ou Caroline DEVISMES, Fabrice SCOTT et Thomas LE DOUAREC
Musique originale et direction musicale : MEHDI BOURAYOU Paroles: THOMAS LE DOUAREC Lumières : STÉPHANE BALNY Costumes : JOSÉ GOMEZ D’APRÈS LES DESSINS DE FRÉDÉRIC PINEAU
- A la Comédie & Studio des Champs-Elysées (
15, av Montaigne
75008 PARIS
Tél. 01.53.23.99.19
- Du 6 au 30 juillet 2016 à la Condition des Soies ( 13, rue de la croix, Avignon) - Festival Off Avignon 2016
- Jusqu'au 31 décembre 2016 au Studio des Champs-Elysées ( 15, av Montaigne 75008 PARIS)
- Du 20/01/2017 au 19/03/2017 au Théâtre Artistic Athevains - 75011 PARIS
- Du 7 au 30 juillet 2017 au Théâtre de la Condition des Soies - 19h - Festival Avignon Off
- Le jeudi 11 janvier 2018 au Théâtre Jacques Coeur - Lattes ( 34)
- Le 13 janvier 2018 au Théâtre de Saint Maur - Salle Rabelais ( 20 rue de la Liberté, 94100 Saint Maur des Fossés)
- Le 4 avril 2018 au Centre Culturel Georges Pompidou (142 rue de Fontenay ,94300 Vincennes)
- Le vendredi 6 avril 2018 à l'Espace Paul Valéry ( 72/74 avenue Ardouin, 94420 Le Plessis Trévise)
- DU 6 AU 29 JUILLET 2018 - RELÂCHES : 10, 12, 17, 19, 24, 26 - au Théâtre de la Condition des Soies ( 13, rue de la Croix, 84000 - Avignon) à 18h - Festival Avignon OFF 2018