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Coupables d’amour : Autopsie d’un acte criminel

  • Écrit par : Christian Kazandjian

coupables d'amourPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Coupables d’amour propose une plongée au cœur de l’âme humaine confrontée au jugement du bien et du mal.

Trois femmes, issues de milieux et d’âges différents, mais qu’un destin inéluctable a poussé au crime, se retrouvent en prison. Rien de commun entre une paysanne âgée, une jeune femme et une troisième à peine sortie de la petite adolescence, si ce n’est l’acte ultime de tuer : la première, un mari violeur de ses filles, la deuxième, coupable d’un massacre d’inconnus, la dernière, un père, brutal, aveuglé d’idéologie nazie. Toutes trois nient avoir tuer ; elles ont agi par amour, de leur famille pour deux d’entre elles, de son homme pour la troisième. Les voici, donc, condamnées à de lourdes peines, réduites à partager la vie de détenues dont, on imagine, elles ignoraient jusqu’à l’existence. Elles apprennent, dans cette bulle hermétique qu’est la prison, à se connaître, jusqu’à devenir, malgré de nombreux accrocs et querelles, amies.

Des personnalités complexes

La pièce, Coupables d’amour, se joue, entre cellule et prétoires. Les trois comédiennes endossent, ainsi plusieurs rôles : condamnées, membres du barreau, animatrices télé. Autant de séquences qui, par touches, façonnent la personnalité de chacune, passée de la soumission, à la révolte, puis au crime. On passe de la familière intimité de la cellule à la froideur des prétoires. Soit le récit de personnalités que l’actualité, médiatique, voire politique, distord, occulte, fabriquant, le plus souvent, des monstres. La loi, alors, s’abat, sur des êtres, certes coupables de crime mais dont les motivations ne sont pas la haine ou la cupidité. Seulement l’amour des proches qu’il fallait protéger de la furie et la violence du foyer.
La scénographie dépouillée –trois bancs (dont celui des accusées), quelques accessoires, l’éclairage, et le son, véritable quatrième acteur du drame, dépeignent l’univers fermé, unique horizon des détenues, auxquelles il ne reste que les souvenirs douloureux de cris et de larmes, mais également de rires, de tendresse, de bonheur. Sur le haut mur de pierre, une lucarne lumineuse évoque l’extérieur, un avenir possible, après. Le tribunal, qu’évoque les colonnades sombres hachant la lumière, renvoie l’image intemporelle du temple de la loi, de l’Antiquité à aujourd’hui, comme un trait d’union rappelant l’universalité et la nécessité de la justice.

Une libération de la parole

Le texte de Nathalie Kanoui, balançant entre univers carcéral et judiciaire, s’entend comme un plaidoyer en faveur d’une réflexion sur la morale, sur ce qui serait le bien, ou ce qui ressortirait du mal. On pense aux tribunaux qui légifèrent, condamnent « au nom du peuple français », rendant une justice qui, malgré quelques errements, reste garante de la démocratie. Seule, elle, peut éviter le lynchage que promeuvent certains cercles de haine, voire des secteurs bien en cour. La pièce, dans un décor dominé par un noir percé de faibles chandelles électriques, messagères d’intimité et d’espoir, invite à une réflexion sur la complexité des êtres évoluant dans une société elle-même complexe. Ces trois femmes tuent par amour. Nous ne sommes pas, ici, confrontés à l’argutie avancée dans les cas de féminicides (le tristement répandu : « crime passionnel »), mais, au moins pour deux des coupables, d’actes d’amour visant à protéger la vie de proches victimes d’agressions commises par des brutes : elles n’ont pas, affirment-elles, tué le mari, le père aimé, mais le monstre qu’ils abritaient. On pense, ici, à l’affaire Jacqueline Sauvage. Le texte exempt de caricature, la mise en scène délicate, les trois comédiennes, d’une bouleversante vérité, font de Coupables d’amour, un spectacle d’une prégnante actualité, à l’heure où se libère la parole, brisant l’omerta d’usage dans les cercles familiaux et professionnels qui étouffent des actes délictueux, criminels,

Coupables d’amour
Texte : Nathalie Kanoui
Mise en scène : Anne Le Guernec
Avec Josette Stein, Félicité Chaton, Nathalie Kanoui

Dates et lieux des représentations:

- Jusqu’au 29 novembre 2025 au Théâtre La Reine blanche, Paris 18e (01.40.05.06.96.), les jeudis et samedis.


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