Les dépossédées : un combat contre les injonctions qui se vit en chansons
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Que le temps est long dans cette vaste propriété des Hamptons dans laquelle Edith et sa fille vivent depuis vingt ans.
Que le temps est long quand on décide de vivre reclus et en marge de la société, coupé des attaches familiales. Que le temps est long quand pour s’occuper on n’a que le tricot et la réminiscence d’un passé artistique. Mais que ce temps est bon quand on a fait ce choix de la liberté et de l’indépendance au-delà de toutes conventions.
Dans l’abandon et le dénuement d’un faste passé, où les feuilles mortes jonchent le sol entre luxe désuet et décadence, ces deux femmes, tante et cousine de Jackie Kennedy, vivent isolées et dans le désœuvrement d’un passé qui continue de les hanter. A quoi donc penser quand rien ne se passe ?
Alors elles revisitent l’histoire, leur histoire personnelle entre souvenirs déchus, nostalgie et colère encore vive contre les hommes : ceux qui les ont séduites, abandonnées, maltraitées, blessées tant moralement que physiquement. Derrière le masque du ressentiment, l’esprit de liberté et d’émancipation : un choix fort de couper pour vivre pleinement et laisser éclater leurs désirs.
Inspirée d’un document américain des années 1970, Grey Gardens, l’histoire nous conte le destin de ces deux femmes, non pas sous l’angle de la vérité historique et de la saga Kennedy mais plus simplement de deux femmes de la bonne société, mises à l’écart et éprises de revendications pour vivre librement.
Objet théâtral inédit, la pièce est conçue comme un spectacle musical alternant moments de jeu et de narration et chansons réécrites pour l’occasion à partir d’œuvres existantes. On retrouve dans ces paroles originales la plume fine et intelligente de Yann de Monterno : une douceur, une poésie des mots, une sensibilité pour retranscrire ce combat des femmes et la difficulté à trouver leur exacte place.
Sa mise en scène met en valeur ce contraste entre force et fragilité, entre vivacité et désœuvrement, avec une direction d’acteurs qui conjugue excentricité et intériorité, comique et émotion. On retrouve dans le rapport entre la mère et sa fille tout le sel des relations : complicité, amour, tendresse mais aussi déchirures et incompréhensions. Le duo fonctionne parfaitement entre une mère autoritaire, un brin acariâtre, et sa fille pleine de vie qui s’évade par la musique.
Cette dualité se retrouve aussi dans le rythme de la pièce, avec une alternance de chansons dynamiques et des temps plus longs où l’on savoure l’intime, où les silences sont habités et disent quelque chose du désœuvrement de cette maison. La scénographie renforce cette sensation avec un esprit minimaliste : un canapé, un Van Gogh, des abats jours penchés et des bijoux par terre, symboles du déclin d’une grandeur passée, et le piano, seul objet de vie dans cette sobre maisonnée.
Inventive et créative, « Les dépossédées » est un joli huit clos qui résonne tout en poésie avec notre société contemporaine : les blessures et fiertés des femmes qui veulent simplement trouver leur place, assumer qui elles sont et vivre pleinement leur liberté.
Un combat contre les injonctions qui se vit en chansons.
Les dépossédées
Texte : Yann De Monterno
Avec Anne Cadilhac, Marie Charlet
Mise en scène : Yann De Monterno
Dates et lieux des représentations:
- Jusqu'au 5 novembre 2025 au Funambule Montmartre ( Paris)






