La Fleur au fusil : une pièce efficace dans son enjeu, intime dans sa scénographie, puissante dans son narratif
- Écrit par : Xavier Paquet
Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Raconter l’histoire de la Révolution portugaise par le prisme d’une histoire familiale et en plus dans un seul en scène. Le pari est audacieux et il est plus que magistralement réalisé dans cette pièce intense et rythmée qui nous transporte dans un univers peu exploité en théâtre, malgré l’attrait pour les textes mémoriels, sur la fin de la dictature portugaise et l’émigration vers la France.
Quand son petit-fils vient voir sa grand-mère Céleste, il ne s’attend pas à plonger dans les affres de l’intime où s’entremêlent les secrets d’une vie et les faces cachées de l’Histoire. Invité dans le salon, on prend part avec lui à la narration d’un passé qu’il ignore, une histoire qui s’est écrite il y a plus de 50 ans et dont des milliers de Portugais ont façonné le récit de la quête silencieuse de liberté.
L’histoire repart de la jeunesse de Céleste au Portugal, son frère Chico, les premières rencontres, les premiers amours mais aussi les questionnements, les actions discrètes, le silence. L’envie de révolte, ce combat d’une jeunesse muselée par Salazar se construit progressivement pour échapper aux policiers, pour contourner la censure, pour s’affranchir d’une vie faite de restrictions et des 3F prônés par le dictateur : le Fado (pour le nationalisme), le Football (pour abrutir le peuple et mieux le contrôler), et Fatima (pour la religion). Mais le parcours de Céleste, c’est également l’émigration vers la France, la vie en clandestinité, la découverte d’un bidonville et les douleurs d’être déraciné.
Dans cette histoire d’une vie, beaucoup de personnages font vivre les avancées personnelles et collectives de cette résistance avec des personnalités hautes en couleur, alternant entre la légèreté de tranches de vie quotidiennes et la dureté de la répression, de la torture et de l’enfermement. Le comique se mêle au dramatique comme l’œillet, symbole donné à cette révolte, s’accroche au fusil.
La mise en scène se veut volontairement minimaliste : une simple chaise dans un décor noir et nu, des jeux de lumière très travaillés pour faire vivre les lieux et les époques. Elle laisse place au jeu tout en générosité, en rythme et en intensité où le comédien incarne l’ensemble des rôles leur donnant à chacun un trait caractéristique. Une posture, un accent, un tic de langage, le charme de la langue portugaise viennent nourrir la panoplie de compositions agrémentées de ruptures et changements de personnage millimétrés.
Efficace dans son enjeu, intime dans sa scénographie, puissante dans son narratif, « La Fleur au fusil » se révèle être une belle découverte sur les traces d’une histoire singulière aux contours pourtant universels.
La Fleur au fusil
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre - Mise en scène
Avec Lionel Cecilio
Lumière : Moïse Hill
Compagnie : grenier de babouchka
Dates et lieux des représentations:
- Du 5 au 26 juillet (relâche les 9, 16, 23 juillet) à 13h15 - Théâtre des GÉMEAUX - FESTIVAL AVIGNON OFF 2025