Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Dans En quête, la parole de ceux qui cherchent un ailleurs plus accueillant crée un récit qui d’individuel, devient notre quotidien collectif.

Dès l’entame, la question surgit, leitmotiv lancinant traversant le spectacle : comment représenter la figure des migrants, quand on doit confronter des expériences, des cultures, des langues différentes. Fabio Godinho, qui a conçu la pièce et la mise en scène, a fait le choix d’écoute, de donner la parole à chacun de ceux qui ont quitté leur pays, leur terre, pour un avenir meilleur et plus sûr ailleurs ; Ici au cœur de l’ Europe, au Luxembourg. L’auteur a pris le parti d’écouter chacun dérouler, en toute liberté, un épisode de son passé, tragique ou drôle, émouvant toujours, sans pathos. On s’y exprime dans sa langue maternelle, le portugais ou l’ anglais (les surtitres guident le spectateurs), car chaque détail, aussi infime soit-il, compte quand on évoque un parcours de vie, une vie. De ces différentes narrations, naît une identité nouvelle, d’une Europe en construction, forte de ces différences, mais également traversée par les vents mauvais du rejet de l’autre ; et de belle solidarité.

Une culture nouvelle

D’abord, il y a la musique. Des gens en attente : migration, émigration. Chacun, en quittant son pays, sa région, poussé par les circonstances ou de plein gré, emporte dans sa mémoire, un morceau de musique, un chant de travail, une berceuse. Et une langue, sa langue maternelle, lien indispensable avec son passé. Cette langue, cet idiome, parfois presqu’éteint, rencontre une langue nouvelle, des sonorités nouvelles, et s’y adaptant, tressent, avec elle une langue nouvelle, véhicule nécessaire à l’élaboration d’une autre culture, s’enrichissant d’apports musicaux, culinaires, vestimentaires. Les récits de chaque migrant tiennent de l’odyssée, qui, d’individuel, deviennent une saga collective, réveillant chez l’auditeur le souvenir de son passé propre ou familial, car l’histoire des peuples est le résultat de migrations, émigrations, d’échanges tragiques parfois.

Paroles de déplacés

En quête apporte une dimension humaine, à des questions douloureuses, complexes, agitant les société, en donnant la parole aux gens d’en bas dévoilant leurs témoignages poignants, leurs anecdotes triviales, leurs craintes et leurs espoirs, lot de tous ceux qui se voient contraints d’abandonner leur pays, leur famille, en butte aux difficultés économiques, climatiques, politiques, aux conflits, à toutes ces catastrophes en hausse. La question, posée dès l’entrée, est de savoir si ces morceaux de vie peuvent faire théâtre. Le dispositif scénique, où les objets se déplacent au gré des pérégrinations, une voile blanche, le tronc d’un arbre aux racines rappelant l’attachement de chacun à sa terre et dont le faîte, se perdant dans les cintres, trace une voie vers l’espoir, la musique jouée sur scène - du rock le plus dur au nostalgique fado-, une coulée de sable, marquant le temps qui passe, tout fait théâtre. Tout fait vie. En des temps où les déplacements de populations ne peuvent que s’accentuer, un débat apaisé devient salutaire. La pièce En quête, portée par deux comédiennes et deux comédiens, maniant avec ductilité, plusieurs langues, y contribue pleinement.

En quête
Conception et mise en scène : Fabio Godinho
Avec Jorge de Moura, Maximilien Ludovicy, Lis Dostert et Lynn Rosa André
Assistant à la mise en scène : Luca Besse
Scènographie et costumes : Marco Godinho
Création lumière :Steve Demuth
Production : Trifolion Echternach

Dates et lieux des représentations :

- Du 5 au 26 juillet 2025, à 19h15 au festival d’Avignon OFF, Théâtre transversal