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Guillaume Séverac-Schmitz : « Richard II, c’est le roi du plateau de théâtre »

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Guillaume SéveracPar Lagrandeparade.fr/ Guillaume Séverac Schmitz, acteur et metteur en scène, après sa brillante prestation d' «Un obus dans le cœur » en 2014, conquiert à nouveau le public avec sa mise en scène de « Richard II », oeuvre de jeunesse de Shakespeare. Dans cette tragédie, il est question de meurtres, de trahisons, de bannissements, de filiations et de renoncement au pouvoir. Richard II questionne les notions de pouvoir, de soutien ou d'abandon de ses pairs et s’avère une passionnante autopsie de la chute d’un roi.
Guillaume Séverac-Schmitz aime dire qu'il fait du théâtre avec rien. Mais avec lui, ce « si peu » a un très fort pouvoir d'évocation. L’espace scénique très dépouillé, occupé par sept acteurs qui jouent une quinzaine de personnages, procure de très belles sensations : rouge des pétales de rose et des projections liquides, fumées, bande sonore très travaillée et efficace. Le metteur en scène imagine Richard comme « le roi du plateau de théâtre » ; l’ensemble des acteurs sont partie prenante de cette dynamique et réussissent avec talent le pari de «  jouer à jouer » . 2h25 de spectacle qui happe par la force d'une mise en scène vivante et la justesse du jeu des comédiens. C’est le secret de cette alchimie que Guillaume Séverac-Schmitz nous révèle dans l'interview qui suit....

Qu'est-ce qui vous a donné envie de monter cette pièce ? Est-ce un choix motivé par votre intérêt pour Shakespeare ? Pour une problématique particulière ? Pour un personnage en particulier ?
Ce qui m’a donné envie de monter la pièce, c’est tout un tas de facteurs très différents les uns des autres mais qui, au fond, se rejoignent pour aboutir à la volonté d’arriver à un projet comme celui-là. En tant qu’acteur, j’ai commencé à faire mes classes avec Shakespeare. Et puis est arrivée au conservatoire une professeur, une grande actrice : Cécile Garcia Faugel. Elle m’a introduit dans le monde de Shakespeare et m'a vraiment converti à cet auteur, à sa langue…je me suis aperçu qu’il y avait chez moi des résonances particulières pour Shakespeare, en général. On a travaillé avec elle plusieurs pièces, dont Richard II, et les pièces historiques m’ont tout de suite attiré par leur côté très épique. Il s’agit d’histoires dans l’Histoire, condensées, réadaptées…Shakespeare avait organisé ça de manière dramatique, en accélérant le temps pour ménager une espèce de soupape dramatique plus tenue…Il s’est un peu accommodé avec certaines choses mais moi, j’ai surtout regardé la résonance historique. Dans mon enfance, j’ai commencé à faire du théâtre en faisant les médiévales de Carcassonne donc j’avais l’impression chaque fois qu’on me parlait des pièces historiques de Shakespeare de voir la cité de Carcassonne dans laquelle j’ai beaucoup joué jeune donc c’est aussi l’enfance qui m’a rappelé à Shakespeare. Pour ce qui est du choix spécifique de Richard II, lorsque je travaillais sur "Un obus dans le cœur", j’étais avec mon ami Thibault Perrenoud, Richard dans la pièce, mon collaborateur artistique. Je vivais à ce moment-là de ma vie une période assez particulière… Un jour, en répétant « un obus dans le cœur » à Montpellier, à 3 ou 4 jours de la première sur une terrasse dominant la ville, je lui ai dit : «  je crois qu’il faut que je monte Richard II; c’est quelque chose pour toi , pour moi » parce que ça raconte l’histoire de cet homme qui chute, et aussi parce que ça raconte une histoire du théâtre, pas l’histoire du théâtre dans son ensemble, mais une manière de faire du théâtre. Evidemment, Shakespeare écrit l’histoire d’un roi mais pour moi, metteur en scène, c’est l’histoire d’un acteur qui veut laisser son rôle. A la fois il fait tout pour ne plus le jouer et à la fois, plus il l'abandonne et plus il le joue … c’est une problématique de l’ordre de l’acteur très importante pour moi, de l'ordre de la mise en abîme. Voilà donc la genèse: une histoire personnelle et une rencontre avec Shakespeare par le biais de mes professeurs.

Aviez-vous vu d’autres versions de RICHARD II en amont ? Quelles ont été vos sources d’inspirations ?
Je n’ai pas vu d’autres versions avant d’avoir entamé mon travail sur ma propre version. Je me suis par contre évidemment renseigné, j’ai regardé quelques petites captations de la BBC, notamment, par exemple, la version avec Derek Jacobi et Deborah Warners. Mes sources d’inspiration? Elles sont surtout liées au travail de certains grands metteurs en scène français et anglais : Patrice Chéreau et surtout Declan Donnellan ou encore Simon McBurney qui travaillent sur des pièces de Shakespeare, de Middleton, de Marlowe et des auteurs de cette époque-là. Ces  deux metteurs en scène anglais travaillent sur le rien. Enfin...on croit que le spectacle se fait avec rien. Mon RICHARD II se fait de même avec pas grand chose, pourtant il y a énormément de choses, mais on n’a l’impression qu’il n’y a rien: une table, sept tabouret, deux ventilateurs, une machine à pétales, un drap, une petite machine à fumée et c’est tout. Et des acteurs.

Richard 2

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir metteur en scène, alors que vous avez, au départ, une formation de comédien ?
Je n’ai pas vraiment décidé de devenir metteur en scène. Je ne sais pas vraiment comment répondre, mais je dirais que c’est un parcours personnel, c’est un peu la vie qui m’a donné envie, quelque part. Si je devais répondre de manière plus précise, je dirais que ce qui m’intéresse ce sont les aventures de groupe, c’est de gérer une compagnie, de rassembler des personnes, de travailler en groupe, de travailler ensemble, de choisir des personnes pour partager une aventure. Ce n’est pas dans ma personnalité de régir le tout d’une main de fer et de me dire c’est moi qui commande tout ça. Je délègue énormément dans le travail. Les concepteurs sonores, les concepteurs lumières, le scénographe, la costumière, les acteurs sont aussi des concepteurs du spectacle.
Ce qui me motive : être avec ces gens-là, qui sont mes amis, et à 30 balais, se dire, écrivons une histoire ensemble, elle sera ce qu’elle sera, et allons à la rencontre du public ensemble. Cela dit, on a tous une exigence très très forte, une volonté de faire des spectacles qui soient marquants, nourris par nos expériences passées. Lorsque j’étais simplement acteur, j’ai toujours eu envie de faire ça, de la mise en scène oui, mais envie d’être avec un groupe. C’est ça qui a motivé vraiment mon parcours de metteur en scène.

La saison dernière, à Lattes, vous nous avez conquis avec « Un obus dans le cœur ». Vous étiez à la fois acteur, metteur en scène et compositeur. Dans Richard II, pour quelle(s) raison(s) n’êtes-vous pas sur scène ?
C’est très difficile, pour créer un « objet » comme celui-là, d’être à la fois dedans et dehors, d’être spectateur et acteur de la chose. Encore une fois, ce que je vous disais,  c’est que ce spectacle est à la fois le mien mais aussi celui de l’équipe, du collectif. La compagnie s’appelle « Le collectif Eudaimonia ». Il faut entendre « collectif » dans le sens où vraiment la création est partagée, c’est-à-dire les rôles sont partagés. On travaille dans le sens où le collectif crée le spectacle en lui-même, c’est-à-dire tous les courants de pensée, toutes les sensations, tous les avis sont à débattre, et moi je suis là pour écouter, synthétiser et faire des choix. In fine, c’est moi qui fais les choix mais il y a plein de choses dans le spectacle qui ne sont pas de moi. Par exemple, la boule –le jardin- l'idée n'est pas complètement de moi mais aussi de l’acteur qui joue l’un des jardiniers et de mon régisseur général. Je voulais mettre des roses dans le jardin qui auraient pu servir ensuite comme décorum de la déposition. J’avais l’idée du jardin et ensuite cette chose-là, à plusieurs, a éclos. Nous avons discuté ensemble durant deux à trois heures et à la fin on s’est dit : il faut construire une sphère pour telle et telle raison et puis j’ai validé cette idée-là.

Richard II s'ouvre en 1399  sur une violente querelle  entre Bolingbroke et Mombray que le spectateur moderne a du mal à comprendre au premier abord. Avez-vous eu le souci d'aider le spectateur à entrer dans la pièce et à se repérer dans la multitude des personnages?
Oui, ça a été un vrai souci, un vrai travail avec le dramaturge et le traducteur de Richard II, Clément Camar-Mercier. La tragédie commence par une querelle entre deux personnes que personne ne connait en France. Les anglais adorent leur histoire donc ils savent qui sont le comte de Northumberland, le duc de Norfolk et Henry Bolingbroke, ils n'ignorent point qu’ils s’écharpent pour une histoire de meurtre connue. Pour les français non initiés, on a dû synthétiser, même si rien n'est enlevé.Comme ils se disputent à propos de la mort de  Woodstock, duc de Gloucester, que le public français ne connaît pas, pour retrouver une forme de lisibilité, j'ai décidé de montrer le meurtre de Gloucester en prologue. On le voit qui prend un bain dans sa baignoire et il se fait trucider. Un peu comme dans la première scène du Parrain…(ça m’a un peu inspiré). Et à la fois cela reste très simple, ce n'est pas violent, on ne s'écharpe pas sur la scène. C'est pictural, simplement signifié, évoqué. Une fois que le meurtre est commis, le public découvre qui est l’ordonnateur de la mort de Gloucester et comprend que le meurtrier n'est autre que Richard lui-même. Ce qu'on veut faire voir surtout, c’est la querelle entre Bolingbroke et Mowbray, on veut voir le bannissement de Bolingbroke et créer tout de suite de l'empathie pour ce personnage. Au début, c’est lui qui détient la vérité et qui a raison. Et tout le monde le voit, le sent. Cette première scène est un mascarade. C'est pour ça qu’on prend le public à parti, que la salle reste éclairée. Les deux se disputent et,au-dessus, vous avez un type ( le roi en l'occurence) qui ne décide pas, qui procrastine, qui remet toujours à demain les questions fondamentales. Il ne décide pas sur le moment, il veut se débarrasser de cette affaire. Tout le monde sait que c’est lui qui a fait le coup mais il agit comme le speaker d’un jeu télévisé : il dit «  c’est à toi », « c’est à toi » , «  ouh, vous n’êtes pas d’accord ». Or celui qui a raison, c’est Bolinbroke et il se fait bannir. Son père ne va plus jamais le voir; il se fait prendre tout son héritage et on sent que toute la famille Lancastre, pour Richard, est une famille dangereuse. On a beaucoup travaillé pour que ce soit clair, même si, au début on ne comprend pas tout mais c’est comme au cinéma quand vous regardez un film en VO, les sous-titres vont trop vite, vous ne les lisez plus, vous êtes simplement sur l’image. Vous ne comprenez pas ce qui se dit dans les mots mais vous comprenez ce qui se joue dans les corps. On n’a pas besoin de toujours tout comprendre. C’est une mécanique intellectuelle qu’il faut avoir, dans le sens latin du terme : « intellego », «  je comprends ».  Il y a une forme d'évidence.

Richard 2

Quelle motivation vous a guidé pour ne retenir que sept acteurs au lieu d'une trentaine de personnages dans le texte initial? et quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de ce choix?

La réduction du nombre d’acteurs à sept m’a été motivée par mon souci du confort des acteurs .Pour jouer Shakespeare, la troupe doit vivre en osmose. C’est une famille. Ce qui a motivé d’enlever beaucoup de personnages, c'est un souci de clarification mais aussi parce que lorsqu'un groupe de 7 acteurs joue 15 personnages, tout le monde a un parcours équivalent; évidemment Richard est Richard, Bolingbroke est Bolingbroke mais les autres participent tout aussi activement. J’ai donné des directives à mon dramaturge en ce sens.

Un mot sur la traduction de Clément Camar-Mercier…
C’est une traduction qui est faite pour nous. Il n'y a que nous qui la jouons. Clément est un normalien de 26 ans, qui m’a été présenté par Thibault Pernoud. C'est un garçon brillant. Une rencontre de la vie et un collaborateur précieux.

Avez-vous participé à l’écriture?
J’ai travaillé sur l’adaptation, sur certains endroits de traduction mais après Clément Camar-Mercier a fait 90% du boulot.

Dans cette traduction, quelle est la part d'actualisation du texte, voire d'improvisation des acteurs, sur le plan du vocabulaire, des mots? Il y a beaucoup d'expressions argotiques notamment...

Les grossièretés ne sont pas improvisées, nous les assumons  car elles sont écrites par Shakespeare. Tout le principe  de la traduction consiste à vouloir faire rire quand Shakespeare voulait le faire ,vouloir être outrancier quand Shakespeare  décidait de l'être. Ne pas s’accommoder de cette chose bourgeoise qui consiste à croire que Shakespeare voulait fleurir le langage sous prétexte que la poésie de ses images est extraordinaire.  Tout d’un coup, Shakespeare, il faut le ménager! Pourquoi? Molière et Shakespeare  parlaient comme vous et moi et s'ils disaient « connard » à l’époque, il faut qu’on dise « connard ».Quand Shakespeare écrit «  Hello guy » c’est: "Salut mec !" Après, les mots : chômage, retraite, chéquier, cela est écrit dans Shakespeare. Ils signaient des chèques en blanc à l'époque, des décrets pour saisir tous les biens de l'aristocratie anglaise pour faire la guerre ou organiser les fastes de la cour. Nous n'avons rien inventé.

De grands metteurs en scène se sont confrontés à RICHARD II: Vilar, Chereau, Mnouchkine...Chacun a exploré sa vision particulière du personnage de RICHARD II ? Quelle est la vôtre ?

C’est la question évidemment ! Richard II pour le définir? Historiquement, c'est une personne qui souffre de troubles de la personnalité, un hyper sensible; il bégaie, tombe dans les pommes, a une légère tendance à la schizophrénie et à la maniaco-dépression...il est attaqué  comme personne. Pour moi, Shakespeare en fait un héros de théâtre, il en fait un Hamlet avant Hamlet. A mon sens, le personnage de Richard II est plus fort qu'Hamlet  parce qu'il est plus complexe. Richard II, ce n'est pas le roi de l'Angleterre, c'est le roi du plateau de théâtre, c'est le roi des clowns et le roi des clowns peut être tout. Le roi des clowns peut tout jouer. il peut être un roi, un berger, il peut être au sommet, être extraordinaire ,il peut aussi être un clown extrêmement triste et tout aussi extraordinaire car il garde sa fonction de roi des clowns. Attention, Il n'est pas question de lui mettre un nez rouge ! C'est dans la nature des choses, le clan de Richard  II, ce sont des clowns: la reine, Bushy, Le duc d'Aumerle, même York, sont  des clowns, tous font rire, comme le propose l’oeuvre. Ce n'est pas une comédie, c'est une tragédie mais c'est drôle ! c'est un  tragédie, mais il n’y a pas l’idée de « Jouons la tragédie ! plaignons nous ! »  c'est chiant au théâtre ça… Richard II, c’est cet acteur, qui, sur le plateau,  veut laisser son rôle. Cette personne qui s'aperçoit que dans la chute, il y a une vraie libération. Un personnage qui pousse son destin  vers la sortie mais qui le pousse d'une manière  magistrale. En ce sens, je ne diffère pas beaucoup des autres metteurs en scène. Après, cette vision du personnage est très identitaire ,c'est ma version à moi ! Mais au fond , on est tous confronté  à ce personnage qui est très versatile, insatisfait; c'est un enfant, un enfant malheureux, un enfant triste, un enfant  majestueux; C'est l'acteur dans toute sa splendeur Richard II !

La pièce  est riche d'un univers symbolique puissant par la combinaison des éléments naturels, l'eau, la terre, le feu, et surtout le sang. Pouvez-vous nous expliquer vos choix?
Il s'agit d'une pièce épique, comme La Nuit des Rois, La Tempête, Le Conte d’hiver….Pour raconter une histoire, il faut que l'imaginaire parte dans tous les sens et qu'avec rien, je puisse suggérer tout un tas d'images. Ce principe était déjà dans « Un obus ». On voyait la salle d’attente, la rue, le père, la soeur alors qu’il n’y a qu’une chaise et moi sur le plateau. C’est ce système que j'aime. L’évocation. Je dois juste donner les codes.
Les éléments naturels, c'est une patine de l'ensemble. C’est comme un grain sur du HD au cinéma. C’est une pellicule. La fumée donne un grain à l’image. Quand on veut faire l’armée de Bolingbroke qui est à la tête de plus de 20000 hommes , comment je fais moi? Je dis «  François, imagine, tu as 20 000 mecs derrière toi, je vais ajouter un peu de vent, quatre drapeaux et si tu y crois , les gens vont y croire. » comme dans les films d’aventures. J'évoque les éléments pour leur donner une épaisseur scénique. Parce qu’en plus, dans Richard II, ça se passe beaucoup en extérieur. On est dans un pays où il pleut. La pluie donne un grain à l’image. Vous avez un type qui dit «  Ah Richard je vois ta gloire en étoile filante tomber du firmament sur cette mauvaise terre. » J’ajoute de la pluie, un éclairage et vraiment il s’éclate l’acteur qui fait ça et il ne joue pas pareil du coup. Il ne se dit pas «  je vois rien ». Et comme il s’éclate à le faire, vous l’écoutez parce qu’il veut être entendu. On est dans quelque chose de palpable.  Les éléments donnent du corps au spectacle et au jeu des acteurs.
Je travaille aussi beaucoup sur la filiation. Le sang, c'est une évocation de tous ces liens de famille car  Richard II, c'est une histoire de famille. Le fils qui trahit son père, la mère qui vient défendre son fils, le neveu qui tue l’oncle, le frère qui perd un autre frère et encore une autre frère… Le sang est extrêmement important...mais je n'en abuse pas. Il n'apparait que 3 fois: au début, sur le drap et lors du meurtre à la fin. Après la pluie, il faut que l’on voit que Bolingbroke, tel le Prince de Machiavel... le peuple a besoin de voir qu’à son tour, celui qui usurpe la couronne est capable de meurtre. C’est un pouvoir évocateur pour les spectateurs et aussi pour les acteurs de se sentir en présence de choses qui sont palpables.

Richard 2

Pouvez- vous aussi nous parler de l’utilisation de la musique?
Elle a aussi un pouvoir d'évocation. Le théâtre, c'est aussi une partition musicale; je travaille avec la musique d'une manière quasi-instinctive. C'est une relation charnelle, une relation d'amour et plus particulièrement avec la musique baroque. Cette dernière permet la vibration émotive et surtout au théâtre, elle s'adapte parfaitement à l'amplitude de l'âme. S'il y a de l'âme, il y a de la pensée , s'il y a de la pensée, il y a du corps et la vibration des corps transmet de l'émotion. La musique est primordiale dans mes spectacles.
Pour "Un Obus dans le coeur", j'avais créé de la musique, j’avais tout composé moi-même. Pour Richard II, je n'ai pas fait de composition. Par contre, j'ai écouté des centaines de morceaux pour trouver le bon endroit, le bon moment, le bon niveau sonore et ça participe à vous emmener dans l'aventure, à vous raconter l'histoire. Il faut que ce soit simple. On veut un champ d’ouverture pour entrer, non seulement par le biais de la compréhension, mais aussi par l'imaginaire. Je ne dois pas tout résoudre. Il faut que vous vous disiez:"Je vois le truc",  alors qu'il n'y est pas sur scène.. La musique, ça soustend aussi du rythme pour le public et pour les acteurs; ça fait que le spectacle se tient. La musique et la mise en scène sont les garants de la réalisation de ce spectacle. Chaque chose a sa place à un moment précis, sur une note particulière. C’est ma manière de travailler. Je travaille de manière géométrique, mathématique. Rien n’est laissé au hasard.

Comment avez- vous travaillé avec les acteurs du collectif Eudaimonia ?
Rien n’a été improvisé ! Je travaille très peu en improvisation. Tout mon travail consiste à être dans le texte, à faire entendre le texte. Je ne travaille pas sur l’émotion et le texte, je ne travaille pas sur l’état nécessairement… en revanche, c’est le sens du texte qui doit créer de l’état … C’est ce que ça vous fait qui doit être restitué après. Ce n'est pas une idée du texte qu’il faut avoir, c’est un rapport au texte et je n’arrête pas de leur parler de ça : le rapport au texte… Qu’est-ce que ça t’évoque dans ta vie ? Pourquoi ? A quoi tu le rattaches ?  Tous les acteurs travaillent sur la pensée : c’est la pensée qui guide le jeu. Ce travail-là est fondamental pour moi.
La deuxième chose, plus singulière, qui m’est propre, c’est la tenue sur scène, le dessin des corps : c’est «  porter sa couronne » , rien n’est relâché ! Il faut tenir, c’est une présence physique, un amusement des corps, une palpation entre eux, quelque chose qui soit charnel et organique. C’est une affirmation de soi. Après l'acteur peut composer à partir de là : quand on sait faire la base, on peut contester cette base-là, quand on sait se tenir on peut se détendre…Détente et tenue ne sont pas antagonistes.

Qu’est-ce qui vous a paru intemporel et universel dans cette pièce, tellement ancrée dans une époque anglaise, et qui vous a paru matière à réfléchir en 2015 ?
J’enfonce des portes ouvertes en disant que Shakespeare est universel. L’universalité signifie: "qui traverse le temps, qui est commun au genre humain". Pour moi, l’universel se rapporte au genre humain par de nombreux aspects :
 les liens de sang, la filiation, la mort des proches, l’exil, la chute , la pudeur (entre les générations), la vie.
 William Shakespeare est allé à l’essentiel.
 Pour toucher on parle aux gens à travers ce qu’ils sont . On est tous le roi, la reine de sa vie. Et puis on peut tous être celui qui perd, un jour, tout ce qu’il a , nous étions le roi ou le reine de notre vie et puis on chute ,on perd sa couronne ou on doit laisser sa couronne un moment. De la même façon, Richard II soulève des questions qui nous touchent tous. Qu’est ce qu'une mère qui défend son fils ? Qu'est-ce qu'un père qui perd son fils et ne le reverra jamais ? Qu’est-ce que c’est que la pudeur qui régit les relations entre un père et un fils? Shakespeare est universel parce qu'il a traversé le temps, c'est ce qui le rend indétrônable.

Vous avez pu dire qu’il vous semblait indispensable, dans cette pièce historique, de créer une scénographie qui permettait un rapport actif entre la scène et la salle. Pourquoi souhaitiez-vous particulièrement que le public prenne place au coeur des évènements?


Ben….parce qu'il est là ( sourire). Faire style que le public n'est pas là est impossible . Aller au théâtre, c'est avoir la démarche d'aller voir des gens qui parlent pour vous. Pour un acteur, faire du théâtre, c'est faire la démarche de parler à des gens qui viennent vous écouter .Tout le monde est d'accord ? C'est un accord entre vous et nous donc pourquoi jouer de l'hypocrisie de ça? Moi dans « L’obus » ,je vous parle ….si je vous parlais pas , si je ne parlais que pour ma gueule , vous n'entreriez pas dans l'histoire. Dans Richard II, c'est vous la cour, c'est vous qui allez juger, qui allez écouter , vous qui allez embarquer avec nous pendant deux heures et demie… C’est mon rôle de donner du rythme à tout ça. Il faut considérer l’écoute du spectateur. il faut qu'on accueille le public, qu'on le considère comme un auditoire qui est venu écouter cette histoire. Dans Richard II, c’est du pain béni car un roi a besoin d'un peuple, de partisans, il a besoin d’être écouté , entendu, de prendre à témoin les personnes qui sont là. C'est pour cela que le public tient un rôle essentiel dans le spectacle.

Une interview collective ( Samira Aiad, Violette Blanc, Louisette Chabroux, Rose-Anne Duboisset, Marie.E. Girault, Marie Sanchez, Sylvie Pansu, Gérard Pichaud, Nathalie William)  réalisée dans le cadre d'un atelier d'écriture journalistique qui s'est déroulé au Théâtre Jacques Coeur ( Lattes), organisé par l'association des Amis du Théâtre Jacques Coeur et dirigé par Julie Cadilhac.

Richard II
Création 2015
Conception: Guillaume Séverac-Schmitz/ Collectif Eudaimonia
Traduction, adaptation et dramaturgie: Clément Camar-Mercier
Avec Jean Alibert, François de Bauer, Olivia Corsini, Baptiste Dezerces, Pierre Stefan Montagnier, Thibault Perrenoud et Nicolas Pirson
Scénographie: Emmanuel Clolus
Lumière: Pascale Bongiovanni
Costume: Emmanuelle Thomas
Son: Yann France/ Guillaume Séverac-Schmitz
Construction: Les Ateliers du Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique
Durée: 2h30 sans entracte
A partir de 14 ans

Crédit-photo : Richard II © Loran Chourrau / le petit cowboy

Dates de représentation:

- Les 3 et 4 novembre au Théâtre de l'Archipel ( Perpignan )

- Le 13 novembre 2015 au Théâtre Jacques Coeur ( Lattes, 34)

- Le 27 novembre 2015 au Théâtre Jean Vilar ( 92150 Suresnes)

- Le 4 décembre 2015 au Théâtre Montansier ( Versailles)

- Du 4 au 6 février 2016 au Théâtre du Gymnase ( Marseille-Aix en provence)

- Les 12 et 13 février 2016 au Cratère, Scène Nationale d'Alès ( 30)

- Les 26 et 27 juillet 2016 au Festival de Figeac, Espace Mitterand, Figeac

- Du 4 au 8 octobre 2016 au Centre Dramatique National La Manufacture , Nancy

- Le 9 décembre 2016 au Théâtre de Chelles

- Les 14 et 15 décembre 2016 à la Scène Nationale 61,Théâtre d’Alençon

- Les 13 et 14 janvier 2017- Le Figuier Blanc, Argenteuil

 
- Les 17 et 18 janvier 2017 au Château Rouge, Annemasse

- Le 21 janvier 2017 au Théâtre des bergeries, Noisy-le-Sec

- Le 24 janvier 2017 au Théâtre de l'Olivier, Istres

- Les 27 et 28 janvier 2017 au Théâtre National de nice

 - Le 3 février 2017 Théâtre Le sémaphore, Port-de-Bouc

- Les 5 et 6 avril 2017 à La Halle aux grains, Scène Nationale de Blois

- Les 20 et 21 avril 2017 à La tuilerie, théâtre de Bédarieux, en partenariat avec Le Sillon, Clermont l'Herault

- Le 28 avril 2017 au Théâtre de Châtillon

- Le vendredi 10 novembre 2017 à 20h30 au Théâtre de Chelles
- les 21 et 22 novembre 2017 à la Passerelle, Scène Nationale de St-Brieuc
- le 29 novembre 2017 au théâtre de Cesson Sévigné
- le 21 décembre 2017 au théâtre des Treize Arches de Brive
- les 30 et 31 janvier 2018 au théâtre de Nîmes
- du 6 au 10 février 2018 à la Mac-Maison des arts de Créteil
- du 27 février au 1er mars 2018 à la Coursive Scène Nationale de la Rochelle
- du 15 au 24 mars 2018 au théâtre de la Croix Rousse de Lyon
- les 28 et 29 mars 2018  au théâtre la Piscine Chatenay Malabry
- les 4 et 5 avril 2018 à la Scène Nationale d'Angoulême

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