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La famille Ortiz : un conte familial désenchanté de Jean-Philippe Daguerre

  • Écrit par : Xavier Paquet

La famille OrtizPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Japon. Dans la lumière tamisée de leur salon, Claire et Pierre coulent des jours heureux et attendent la naissance de leur enfant. Jusqu’à ce que le frère de Pierre sonne à sa porte. Claire qui croyait Pierre orphelin et sans famille, découvre que leur amour s’est construit sur un mensonge : lui confiant cet aveu, il l’immerge dans le passé de sa vie d’antan en France.

Immergé est le mot avec ce processus narratif et de nombreux flashbacks qui confèrent parfois à la pièce un style cinématographique.
Immergé est le mot pour inviter le spectateur à plonger dans cette famille hors du commun : un père ancien torero dont on célèbre la gloire passée, une mère infirmière et protectrice, trois enfants passionnés. Une famille unie et soudée où l’on s’aime et l’on partage.
Immergé est le mot quand la mère manque de se noyer, sauvée par Pierre sous les yeux de la figure paternelle, immobile et imperturbable, point de départ du mélo qui se joue et acte fondateur de l’effondrement de l’édifice familial qui va pousser Pierre à l’exil.

De cet incident nait le cœur du drame familial : la lâcheté d’un père dont le courage et la solidité sont portés en admiration, la protection tendre d’une mère rassurante, le déni des frères préservant l’image idéale de leur famille, l’injustice vécue par Pierre préférant fuir pour préserver l’aura paternelle.

Jean Philippe Daguerre, auteur et metteur en scène, voulait « un univers de conte contemporain pour ne pas tomber dans une chronique sociale naturaliste et trouver la bonne distance stylistique et dramaturgique pour permettre au jeu théâtral et à l’émotion de tenter de s‘exprimer ». Pari à moitié réussi ! Oscillant entre humour, moments de légèreté, puissance dramatique et émotion, la pièce s’en retrouve cependant bancale ne basculant ni tout à fait dans la folie absurde de cette famille ni dans le tragique et le pathos que le texte porte pourtant. Reprendre les codes du conte sur un sujet de fond pouvant être lourd et profond était audacieux mais le parti pris n’est pas assez tranché et affirmé pour qu’il soit efficace. Très marqués, les personnages manquent parfois de sincérité dans leurs rapports et en même temps ne nous embarquent pas complètement dans cette folie douce amère qu’ils semblent porter.

Pourtant on retrouve les ingrédients d’une pièce divertissante avec une mise en scène esthétique par les costumes, les éclairages en clair obscur et une scénographique ingénieuse qui délimite la scène en plusieurs espaces de jeux modulables. L’ensemble est rythmé et millimétré sur certains moments de jeu avec quelques passages chorégraphiés (comme ces scènes de famille où l’on rejoue les combats glorieux du père dans l’arène).

Cette fable romanesque nous plonge dans l’intimité d’une famille où le poids des non-dits, du silence et de l’image harmonieuse que l’on veut renvoyer se trouve destructrice avec le poids des années. On s’aime mais on se le dit mal, on vit dans le passé, on est nostalgique d’un temps révolu où la grandeur héroïque trouvait écho à la grandeur affective d’une famille unie.
Même si tout n’est pas parfait dans la pièce, à l’image de la famille qu’elle représente, on se laisse toutefois entraîner par la poésie d’un texte fort.

La famille Ortiz

Une pièce écrite et mise en scène par Jean-Philippe DAGUERRE


Dans le rôle de MARIE : Isabelle de BOTTON 
Dans le rôle de MIGUEL : Bernard MALAKA
 Dans le rôle de PIERRE : Stéphane DAUCH
 Dans le rôle de CLAIRE : Charlotte MATZNEFF
 Dans le rôle de LINO : Antoine GUIRAUD 
Dans le rôle de ALI : Kamel ISKER
Durée : 1h30

Dates et lieux des représentations:
- Jusqu’au 20 décembre 2019 au Théâtre Rive Gauche (6 rue de la Gaîté, 75014 Paris)

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