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La Supplication : un documentaire éprouvant sur le cauchemar nucléaire

  • Écrit par : Guillaume Chérel

La supplicationPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  « La Supplication », chef-d'oeuvre de la Biélorusse Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de littérature 2015, a paru en 1997, onze années après la fusion du réacteur numéro quatre de la centrale Lénine, à Tchernobyl (Ukraine). Le réalisateur luxembourgeois Pol Cruchten (53 ans), lui, le découvrit quelques années plus tard, en regardant la télé : « Michel Field le décrivait comme l'un des plus grands événements littéraires de la fin du XXe siècle, explique-t-il. Je l'ai acheté dès le lendemain et je l'ai lu d'une traite. J'étais totalement fasciné. J'ai immédiatement pensé que ce livre ferait un bon film, mais je ne savais pas comment m'y prendre. » Son film a reçu trois grands prix au Festival de Trieste (Italie), du Film International de l’Environnement et à Minneapolis (Etats-Unis).

« On dit Tchernobyl, on écrit Tchernobyl. Mais personne ne sait ce que c'est. Nous sommes parmi les premiers à avoir entraperçu quelque chose d'horrible. Chez nous, tout se passe différemment de chez les autres : nous naissons de façon différente, nous mourrons de façon différente... ». Ainsi commence le film-documentaire. Une voix off raconte ce qu’elle a vécu. A l’image une jolie jeune femme explique qu’elle a perdu son mari dont elle était très amoureuse, sans comprendre ce qu’il s’était passé sur le moment. D'emblée, le texte, simple et puissant, retranscrit par l’écrivaine ukrainienne qui a interviewé les survivants nous happe. Les voix que l'on entend sont plurielles. Des femmes pleurent leurs époux fauchés en pleine jeunesse, ou emportés par un cancer atroce. Un garçonnet leucémique se demande s'il va vivre et comment. Il finira entre quatre planches sur la porte de la maison familiale, comme le veut la tradition avant de finir dans une tombe miniature…Un ancien responsable de la filière nucléaire soviétique est hanté par le « crime » commis par sa hiérarchie, alors qu'il a appelée en vain à protéger la population en leur distribuant de l’iode. D'autres ont perdu une petite fille, un père, ou élèvent un enfant gravement handicapé. Chez nous, en France, on nous a raconté que le nuage radioactif avait contourné l’hexagone, rappelons-le ; mais pas la Corse (sic !).
Le réalisateur luxembourgeois a choisi de faire appel à des acteurs pour camper les personnages mais ils ne parlent pas. Ils ne sont là que pour illustrer les propos d’une implacable dureté. Il n’est pas question ici de reconstituer le fil des événements qui ont conduit à la catastrophe nucléaire, ni à établir les responsabilités (quoique…). Il nous transporte sur la planète des «Tchernobyliens ». Une foule anonyme de liquidateurs, veuves, militaires, fonctionnaires, parents d'enfants malformés, ou décédés, après la nuit du 26 avril 1986 qui les a transformés à jamais. L'accident de la centrale soviétique Lénine, survenu il y a plus de trente ans, a été classé au niveau 7 sur l'échelle internationale des événements nucléaires, comme Fukushima en 2011 (lire aussi le livre de Jean Songe « Ma vie atomique » paru chez Calmann-Lévy). Il a fallu dix-huit jours pour éteindre le coeur du réacteur en fusion. Après les pompiers dépêchés sur le site, quelques deux cent quarante mille ouvriers « liquidateurs » (et des mineurs) venus de toute l'URSS ont travaillé sans protection adéquate à la décontamination des terrains. Des dizaines de milliers en sont morts, ou sont restés gravement handicapés. Dans l’indifférence quasi générale à l’époque alors qu’ils se sont comportés en héros anonymes. Ils se sont littéralement sacrifiés pour sauver… quoi ? La patrie ? Dans des paysages urbains ou parfois bucoliques qui entourent la centrale à l'arrêt le cinéaste Pol Cruchten filme une ville laissée à l’abandon. Il nous laisse croire que la nature a repris le dessus alors que l’on sait que la terre est empoisonnée pour des milliers d’années.

La Supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse
Réalisateur : Pol Crutchen
D’après le livre de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015
Sortie en salles : 23 novembre 2016
Durée : 86 minutes

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