« Stan & Ollie » de Jon S. Baird : dans l’intimité d’un duo de légende
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Ils connurent le grand succès pendant près de trente ans. Ils finirent lamentablement, devant se contenter de tournées dans des salles minables. Eux qui constituèrent un des duos les plus fameux, si ce n’est le plus fameux, du cinéma du 20ème siècle, ont connu un épilogue pitoyable, lamentable. Pour Stan Laurel et Oliver Hardy, ce fut le tour de trop- et ce final en 1953 en Grande-Bretagne a grandement inspiré « Stan & Ollie », le nouveau film de Jon S. Baird, réalisateur britannique sérieux et appliqué, 46 ans, connu jusqu’alors pour deux longs-métrages (« Cass »- 2008, et « Ordure ! »- 2013) et quatre épisodes de différentes séries télé. Pour ce (premier) biopic consacré au duo comique, Baird aurait pu jouer la facilité, dérouler l’histoire des deux comédiens- le maigre et le gros, le laborieux et l’épicurien… Il aurait pu mais, avec la production et le scénariste Jeff Pope, il a opté pour un focus sur un épisode de la vie du duo. Cette fameuse tournée en 1953…
Stan Laurel et Oliver Hardy, alors, tournent ensemble depuis plus de trente ans. Le scénariste Jeff Pope confie avoir eu l’idée du film après avoir lu « Laurel & Hardy : The British Tours » de A.J. Marriot. « Il y a cette incroyable photo de ces deux types qui avaient été des icônes du cinéma et qui séjournaient dans de modestes auberges, qui se produisaient dans de petits théâtres. Ils ne se rendaient pas compte qu'ils faisaient tout ça parce qu'ils s'aimaient. C'est ce qui m'a poussé à écrire ce film : cette histoire d'amour fraternel entre deux hommes ». A ce moment-là, ils ont dépassé la soixantaine. Le poids des ans se fait sentir et les jeunes spectateurs savent à peine qui ils sont, ce qu’ils ont fait auparavant. Laurel et Hardy quasiment has been… Vite, cette tournée britannique prend des allures d’ultime chance. On est loin, si loin de « The Lucky Dog »- leur premier film en duo en 1921, de ces promesses de jours de gloire. Là, eux que, dans le monde entier, on a surnommés Dick Und Doof en Allemagne, Flip I Flap en Pologne ou encore O Gordo e o Magro au Brésil, ils doivent reconquérir le public. Tenter de connaître à nouveau le succès tout en retrouvant le goût et le plaisir de se faire rire l’un l’autre… Cette tournée en sol grand-breton, elle va mettre à mal la solidité du duo, la force de l’amitié. Cette tournée va pourtant rappeler à Stan et Ollie combien, l’un pour l’autre, ils ont compté. Combien ils comptent…
Le réalisateur Jon S. Baird, lui, rappelle que s’ils étaient inséparables à l’écran, Laurel et Hardy vivaient chacun sa vie dès qu’ils quittaient les plateaux de tournage. Que si Ollie Hardy donnait l'impression d'être à la tête du duo, il se bornait en réalité à son métier de comédien et se consacrait au golf dès qu'il le pouvait alors que Stan Laurel supervisait tout, des scénarios à la mise en scène en passant par le montage. « Ils se sont vraiment rapprochés au cours de cette tournée difficile où ils passaient le plus clair de leur temps ensemble, précise Baird. Le film raconte donc les circonstances dans lesquelles ils sont devenus aussi proches dans leur vie qu'ils l'étaient à l'écran »… Dans « Stan & Ollie », film d’honnête facture avec une ouverture sur un travelling de six minutes durant lequel le duo quitte sa loge, traverse un studio pour se rendre sur un plateau de tournage et se dispute avec le producteur- réalisateur, Jon S. Baird ne s’est pas gêné pour glisser quelques reconstitutions des sketchs du duo dans des scènes du quotidien. Exemple : Laurel et Hardy tente de monter les marches d'une gare avec une malle, on comprend qu’il y a référence à la séquence de « Livreurs, sachez livrer ! » (1932) de James Parrott avec un piano transporté en haut d'un escalier.
Côté comédiens pour « Stan & Ollie », dès le projet imaginé, le réalisateur a su, lors d’un déjeuner, que personne d’autre que Steve Coogan serait Stan Laurel : « Sans prévenir il a commencé à se glisser dans la peau de son personnage. Puis, il a fait tomber sa serviette, et s'est cogné la tête contre la table- et j'en ai eu des frissons dans le dos et j'ai été bluffé ! » Pour entrer dans le costume d’Ollie, John C. Reilly a longtemps hésité- et d’expliquer qu’au jour d'Internet, on a accès à la vie de n'importe quelle personnalité dans les moindres détails, ce qui rend particulièrement difficile le jeu d’acteur… Mais, ajoute-t-il, « il m’était impossible de refuser alors qu’on me proposait de rentrer dans l'intimité d’un duo de légende ». Et encore et encore, en sortant de ce film entre gloire, chute de popularité et amitié, on entend : « C'est moi Laurel / C'est toi Hardy / C'est toi le gros et moi le petit / C'est moi Laurel / C'est toi Hardy / Et nous sommes de bons amis »…
Stan & Ollie
6 février 2019
Durée : 1 h 37 min
Réalisateur : Jon S. Baird
Scénario : Jeff Pope
Avec Steve Coogan, John C. Reilly, Shirley Henderson,…
106 films en 30 ans…
Stan Laurel (1890- 1965) était Anglais, Oliver Hardy (1892- 1957) Américain. Le premier était maigre, le second gros. Comédiens, ils ont fait carrière chacun de leur côté, avant d’apparaître en duo dans un film en 1921. En trente ans, ils joueront ensemble dans pas moins de 106 films. Parmi lesquels quatre d’importance.
« The Lucky Dog » (« Le Veinard ») de Jess Robbins. 1921. Premier film qu’ont tourné ensemble Stan Laurel et Oliver Hardy. Stan a été viré par la propriétaire, il se retrouve assis au milieu de la rue et y rencontre un chien errant. Il l’adopte, l’homme et le chien vont partager nombre d’aventures. Ainsi, il est renversé par une voiture, il tombe amoureux de la jeune femme assise à côté du chauffeur avant de croiser un voleur à la tire (joué par Oliver Hardy) à qui il va soutirer l'argent qu'il vient de voler. Il retrouve un peu plus tard la même jeune fille lors d'un concours canin où il sème la panique, mais les deux jeunes gens s'éprennent l'un de l'autre. Ils auront cependant fort à faire pour éviter la vengeance de l'amoureux éconduit qui noue une alliance avec le voleur floué. (24 minutes)
« The Second Hundred Years » (« Les Forçats du pinceau ») de Fred Guiol. 1927. Laurel et Hardy sont en prison, ils se mettent en tête de s’évader. Ils creusent un tunnel, se retrouvent dans le bureau du directeur. Stan a alors une idée quand il voit du matériel de peinture abandonné par des peintres. Les deux retournent leurs uniformes de prisonnier, sortent de la prison. Pris en filature par un policier, ils se mettent à peindre frénétiquement tout ce qui tombe sous leurs pinceaux pour tenter de donner le change… Quand ils décident de jeter leur uniforme de prisonnier, ils montent dans une voiture, prennent les vêtements de ses occupants. Manque de chance : les passagers sont des personnalités françaises en visite aux États-Unis pour visiter les prisons et le chauffeur les conduit directement à une réception donnée chez le responsable de la prison d'où ils viennent de s'évader ! (23 minutes).
« Sons of The Desert » (« Les Compagnons de la nouba ») de William A. Seiter. 1933. Bourgeois respectables, Laurel et Hardy partent pour Chicago, ils vont assister à une assemblée de leur confrérie « Sons of the Desert » (en VF : « Les Compagnons de la Nouba »). Pour échapper à son épouse, Oliver prétexte qu’il est malade et le médecin, complice, lui prescrit une croisière à Honolulu. Ne supportant pas le bateau, Madame Hardy doit laisser partir son mari avec son ami, l’indispensable Stan. L’un des plus célèbres films du duo Laurel et Hardy. (1 heure 08 minutes).
« Atoll K » de Léo Joannon. 1951. Tourné à Paris, c’est le dernier film en commun du duo. Stan, en compagnie de son conseiller financier Oliver, fait un héritage- une belle somme d'argent, un navire de plaisance et une île aux antipodes. Mais après avoir acquitté les droits de succession, frais de notaires et autres taxes, il ne reste quasiment plus d'argent, seulement le yacht et l'île. Stan et Oliver embarquent alors à bord du yacht pour rejoindre leur île en compagnie d'un cuisinier apatride sans papiers et un passager clandestin, italien sans ressources. En cours de voyage, ils échouent sur un atoll volcanique. Sur cette île inconnue du monde entier, débarque une chanteuse de cabaret qui s'est disputée avec son amoureux qui va la retrouver et annoncer aux propriétaires de l’île qu’elle regorge d'uranium… (1h40minutes).
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