Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ On connaît Caza pour ses dessins, il fut – est – l’un des très grands de l’illustration et de la BD en France. Depuis quelques années, il a ajouté à son arc l’écriture, de nouvelles en particulier, en témoignent le fix-up Ginkoo-Bilooba, chronique d'une utopie modeste (Arkuiris) et de nombreuses publications chez Gandahar, Arkuiris, Galaxies...

Ce dernier recueil est fidèle aux précédents, avec ce mélange inimitable de poésie, d’érudition, de grivoiserie et d’imagination qui sont sa signature. Au fil des récits, il s’amuse à proposer des relectures toutes personnelles de contes traditionnels (Blanche-Neige, La Belle et la Bête ou Le Petit Chaperon Rouge) mais il met également en scène des figures de la mythologie classique (Cléopâtre, Ulysse ou la déesse Gaïa) ou de la littérature (Frankensetein). Ses personnages sont malmenés par leurs aventures, mais les jeunes filles en particulier tirent leur épingle du jeu, avec courage, face aux belles-mères odieuses et aux pères incestueux !

Dans Cléopâtre, l’Ours et Sarah, Caza nous offre une romance entre un ours prisonnier et une femme délaissée, avec la reine d’Égypte en guest-star (mais elle n’a pas le beau rôle !). Lire Ulysse au lit est un hommage à la lecture et à la littérature. La tiède odeur du parchemin est une histoire d’amour (il y en a beaucoup !), de sorcière et de vieux grimoire, joliment poétique. La Vie stochastique de la princesse Élyse nous emmène dans un récit surprenant et original, où une princesse est enfermée dans une tour, et dont l’existence tout entière est étrangement réglée : pour chaque acte, chaque décision, elle doit lancer un dé, qui détermine ce qu’elle va manger, comment elle va s’habiller, de quoi elle va rêver... Dans cette histoire-là, le Roi son père abuse d’elle, jusqu’au jour où, à la faveur d’un rêve de space girl, elle parvient à s’échapper.

L’homme du néant s’inspire des moments qui ont précédé l’écriture de Frankenstein par Mary Shelley, en les télescopant avec la découverte d’Ötzi.

Avec Le jardin de Blanche-Neige, nous voici dans une revisite moderne et étrange du célèbre conte, où la jeune princesse à la peau noire combats une odieuse marâtre, grâce aux pouvoirs de tatouages vivants.
Le sang de Belle, qui donne son titre au recueil, nous entraîne dans la vie de Belle, dans une relecture violente et brutale. S’il s’agit ici aussi d’un récit d’inceste, on y parle également sororité, puissance des femmes, lutte et libération. Un texte rageux et efficace.
L’ami d’Émilie réinterprète le Petit Chaperon rouge dans le registre de l’horreur, où la grand-mère finit dévorée – encore ! – mais pas par le loup.

Avec Les Pierres vivent lentement, l’auteur change de ton pour nous offrir une histoire d’amour lumineuse et très poétique, où la sculpture prend vie. Les éboueurs ne passent pas le dimanche est une curieuse nouvelle, dans un monde post-apo, où un enfant et son grand-père regardent un défilé en partance pour ils ne savent où ? Vont-ils les suivre ? Une atmosphère étrange, mais hypnotique.

Chaque texte est introduit avec une illustration en couleurs de Caza – on ne se refait pas !

Le sang de Belle et autres contes mutants 
Auteur : Philippe Caza
Éditions : Arkuiris
Date de sortie : 24 octobre 2025
Prix : 18 €