Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ La Lune, d’un coup, se métamorphose. Plus de roche, plus de basalte, mais une matière organique (dixit la NASA), autrement dit, du fromage ! La Lune transformée en fromage ? D’accord, on adore Scalzi et son humour parfois potache, mais là... C’est un peu extrême comme point de départ ! Et pourtant... pourtant, il s’en tire bien. En à peine 400 pages, l’auteur nous brosse un cliché en creux de ce qu’il pourrait advenir des États-Unis face à une catastrophe annoncée.

Trente jours vont s’écouler, le temps d’un cycle lunaire. Autant de chapitres qui vont nous balader aux quatre coins du pays, dans tous les milieux, pour dresser en quelques feuilles des portraits remarquables de sensibilité et de justesse. Les protagonistes sont à chaque fois différents (à la marge, on en retrouvera quelques-uns à la fin) et chacun d’entre eux a sa propre façon de réagir devant un phénomène d’abord surprenant, ensuite terrifiant. La multiplicité des points de vue ne nuit absolument pas à l’histoire, et prend toute sa signification en offrant le premier rôle à la Lune.

Sa galerie de personnages peut être intelligente – le professeur d’université retraité et ses deux amis qui dissertent allégrement sur le sens de la vie ; réjouissante – les frères fromagers fâchés à mort qui se réconcilient in extremis devant le danger ; détestable – le milliardaire infantile et tyrannique, mi-Bezos, mi-Musk, qui rêve d’aller sur la Lune, ou celui dont l’unique désir est de déguster un morceau de cette lune en fromage, quel qu’en soit le prix ; ridicule – cet homme politique sans doute talentueux, mais affublé de fantasmes sexuels carrément déviants. Nous croiserons également des astronautes dépités, des médias qui ne se tiennent plus, des complotistes déchaînés, des croyants aux abois et des gouvernements dépassés !

L’échantillon n’est pas représentatif de l’humanité, certes, mais c’est une belle série de héros que Scalzi nous offre, souvent très drôle, parfois jusqu’à l’outrance, mais tellement jubilatoire. Il n’en oublie pas pour autant l’émotion et des portraits d’une grande sensibilité et justesse (l’écrivaine en herbe, l’ex-femme qui va rendre visite à son ex mourant...)

Comme à son habitude, mais d’une façon particulièrement inventive, avec ce prétexte parfaitement ridicule (ou malgré lui), l’auteur se pose (nous pose) de vraies questions sur notre société, sur la manière dont nous réagirions devant une catastrophe d’une pareille ampleur.

Viser la lune
Auteur : John Scalzi
Éditions : L’Atalante
Parution : 18 septembre 2025
Prix : 22,50 €