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Afrofuturisme, l’avenir change de visage – Anthologie des Imaginales : parce que le futur s’écrit aussi en Afrique, une anthologie pour élargir nos horizons !

  • Écrit par : Sylvie Gagnère

AfroPar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Commençons par définir l’« Afrofuturisme » : c’est un mouvement artistique qui développe des récits afrocentrés. En d’autres termes, il s’agit d’offrir de nouveaux visages du futur, où l’Afrique joue un rôle majeur. Au même titre que Whoopi Goldberg expliquait que voir Nichelle Nichols (le Lieutenant Uhura dans Star Trek) lui a permis de s’identifier à une personne qui lui ressemblait, une femme noire, les personnages, les décors, les histoires de ce mouvement littéraire ne sont plus uniquement européano-centrées, blanches et occidentales, mais s’ouvrent à des horizons différents.

Si c’est une raison suffisante pour avoir envie de découvrir cette anthologie, il en apparaît vite une autre : elle est de haut vol ! Auteurices quasi amateurs ou écrivain·es confirmé·es nous offrent une sélection variée et de grande qualité.

Pour vous donner un aperçu de l’ensemble, parlons de quelques textes qui nous ont particulièrement frappés.

Soif de sang de Rivers Solomon, évoque l’histoire de Sully, une adolescente noire esclave, qui, lorsque son maître disparaît à la guerre, se venge des femmes de la maison qui la maltraitaient. Le massacre de ces femmes permet à des morts anciens de revenir à la vie et de se faire une place dans notre monde. La nouvelle est toute de fureur et de rage, portée par le personnage de Sully, que seule la haine anime. Le fantastique est formidablement mis à l’honneur dans ce récit âpre et violent, remarquable !

Sylvia Saeba propose avec Les ciseaux de sang un texte d’une égale violence. Là aussi, un esprit revient, celui d’une petite fille morte à la suite de son excision. Le désir de vengeance qui l’anime est si puissant qu’il la mène à un affrontement terrible avec l’exciseuse. Ce texte est violent, sanglant, brutal, mais infiniment nécessaire.

Avec Souvenir organique, Floriane Soulas nous entraîne dans un étrange voyage dans le temps, ponctué par les chants de révolte des femmes noires – Billie Holliday et Strange Fruit, Sister Rosetta Tharpe et Shout, Sister, Shout ou encore Nina Simone et Images. Un récit émouvant et fort.

D’autres textes vont nous permettre de nous familiariser avec des aspects des cultures africaines, ou avec leurs histoires.

Le court texte de Sara Doke, Léopard cha-cha, ramène le lecteur au temps des expositions universelles du début du XXe siècle, et en particulier celle de Bruxelles, où le mépris du colonisateur blanc sera à l’origine de la récolte au Congo Belge.

Sofia Samatar utilise la narratrice de Demande de prolongation du contrat de travail à bord du Clarity pour évoquer la culture Dogon, et en particulier le fait qu’ils avaient une connaissance poussée de la cosmologie et des étoiles. Le personnage est attachant, et la présence de chats dans ce module spatial apporte une touche d’humour et de tendresse bien agréable.

Le-nombril-du-monde de Yann-Cédric Agbodan-Aolio est centré sur la tradition de l’arbre-monde, très présente dans les mythologies africaines. Un joli texte d’initiation, très poétique.

La tête d’Olokun d’Alex Evans aborde le sujet de la vente d’objets d’art, en racontant l’histoire d’une véritable sculpture. La narration est enlevée, le rythme sans temps mort happe le lecteur pour un récit à suspense très agréable à lire.

La Reine égarée de Corinne Guitteaud nous permet de nous familiariser avec l’histoire de la Reine du Dahomey, Tassi-Hangbé, et ses amazones. La construction est bien maîtrisée et la révélation finale, surprenante.

D’autres nouvelles s’ancrent dans le futur.

Dystopie ou utopie pour Miss Washington de Richard Canal ? Tout dépend de quel point de vue on se place. L’économie des États-Unis s’est effondrée, tandis que l’Afrique unie a repris le contrôle de ses ressources. Le Ku Klux Klang renaît de ses cendres et Shirley, une jeune chercheuse, doit, comme ses frères, se protéger. Lorsque la possibilité de fuir vers le pays de ses ancêtres lui est donnée, elle n’hésite pas. Un futur où l’Afrique travaille à atteindre les étoiles…

Raphaël Granier de Cassagnac offre avec Itinéraire d’une migrante martienne un récit classique de migration hors d’une Terre devenue quasi inhabitable. Très bien mené, on suit avec plaisir des personnages bien marqués.

La nouvelle de Laura Nsafou, De l’autre côté de la nuit nous a touchés. En 2049, le soleil a disparu depuis plus de vingt ans. Seule la lune éclaire encore un peu, en particulier en Afrique. Les riches possèdent des sources d’éclairage, les pauvres, non. Un fils de ministre, promis à un bel avenir, à condition de taire son homosexualité, rencontre un ouvrier révolutionnaire. C’est très bien construit et les personnages sont crédibles et attachants.

Dans Blanche-Neige et le triangle quelconque, on comprend que les idées nauséabondes ont la vie dure, et, que, même dans une société ouverte, les adeptes de la « pureté de la « race » sont toujours bien présents.

Enfin, Nadia Chonville ancre sa nouvelle, Twati an vé-a, pa dans la créolité, jusque dans certains passages, non traduits. Un récit qui montre comment, alors que les femmes des Caraïbes avaient obtenu l’égalité à la faveur d’un bouleversement technologique, quelques hommes ont réussi, au prétexte de les protéger, à les cantonner de nouveau aux tâches subalternes. La révolte va éclater, en une belle leçon de sororité.

Afrofuturisme, l’avenir change de visage – Anthologie des Imaginales 
Sous la direction de : Stéphanie Nicot
Éditions : Mnémos
Parution : 17 juin 2022
Prix : 21 €

 


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