« Où bat le cœur du monde » de Philippe Hayat : c’est cool jazz…
- Écrit par : Serge Bressan
Par Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Une vie. Paris 2015. Tunis 1943. Des concerts où l’on vénère la note bleue et le swing. Une ville de l’enfance de l’enfance près de la Méditerranée. C’est « Où bat le cœur du monde », deuxième roman de Philippe Hayat, entrepreneur et écrivain qui s’était déjà fait remarquer en 2014 avec l’impeccable « Momo des Halles ». Là, le héros s’appelle Darius Zaken, il connaît la gloire à Paris, il a grandi dans la grande ville tunisienne où il avait été surnommé Darry.
En ouverture donc, Paris. On est dans les loges d’une salle de concert. Un homme, âgé et musicien, s’apprête à entrer en scène- ce qu’il effectue depuis si longtemps. A ses côtés, Dinah- une femme qui veille sur lui. Et les souvenirs surgissent, on évoque ces artistes célèbres qu’on a croisés, qu’on a côtoyés. Dans une poche de la veste du musicien, une photo- derrière, il est écrit : « Juillet 1932, Stella et Darius »… Quelques pages plus tard, on plonge dans le temps. New York, 1946- on apprend comment se sont rencontrés Dinah et Darius. Une rencontre qui le mène dans un bordel américain et lance la carrière du musicien. Darius Zaken, une histoire fascinante, une vie toute pour le jazz… Et on va entendre, on va croiser George Gershwin, Chet Baker, Duke Ellington, Miles Davis ou encore Billie Holiday. A la lecture d’« Où bat le cœur du monde », on va écouter « Oh, Lady, be good ! », « When you’re smiling » ou encore, avec la voix de Billie Holiday, « Strange Fruit ». Oui, avec Philippe Hayat, c’est « all that’s jazz » à tous les étages, à toutes les pages !
Et nous voilà, lecteurs, embarqués à Tunis en 1943. Enfance de Darius Zaken. Cette année-là, le gamin est anéanti, plonge dans le mutisme après la disparition de son père. Souvenirs : « La table était dressée pour le repas de la Pâque. Les voisins vont arriver, va te changer, Darius. Elle lui posa la main sur le front : Dans trente minutes… Trente minutes, Darry. Darry, tu m’entends ? Il ouvrit les yeux. Ses parents avaient disparu ». Il est élevé par sa mère Stella qui nourrit les plus hautes ambitions pour lui, il accepte de se montrer à la hauteur. Mais soudain, il entend la musique d’une clarinette. Ça swingue sacrément, tellement qu’il bouscule les ambitions et souhaits maternels- la clarinette lui redonne voix, c’est le début d’une nouvelle vie loin, au large de la Tunisie alors française. « Sa musique décrivait un coin du ciel, une façade éclaboussée de lumière, invisible sans jazz. Il jouait et la joie se réveillait d’un rien et de partout ». Darry en Amérique, sur fond de jazz. Une musique d’émancipation dans une Amérique qui, alors, pratique la ségrégation. Darry, l’homme ordinaire de Tunis, va alors vivre une histoire extraordinaire et sera célébré sous le nom de scène de Dary Kid Zak. Porté, en creux, par la relation entre une mère et son fils, « Où bat le cœur du monde » est un roman de joie et de douleur. Aussi, le roman du cool jazz…
Où bat le cœur du monde
Auteur : Philippe Hayat
Editions : Calmann-Lévy
Parution : 14 aout 2019
Prix : 20,50 €
[bt_quote style="default" width="0"]Il courait dans la maison. Derrière chaque porte, il ramassait un morceau de pain. Son père le suivait : Cherche bien, Darius ! J’en ai caché partout. Dans la cour, il fit un tas de ce qu’il avait trouvé. Sa mère alluma un feu et murmura : Ce soir est différent des autres soirs. A côté d’elle, il regardait le pain brûler. Elle ajouté : en Egypte, nos ancêtres se privaient de tout. A nous de nous en souvenir.[/bt_quote]