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Rebelles, un peu : Claire Castillon au pays de l’adolescence

  • Écrit par : Serge Bressan

CastillonPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Au hasard des pages, on tombe sur ces mots : « Je voudrais son regard flou sur moi quand il se retourne et qu'il me voit. Je voudrais ses yeux roses de lapin, son odeur de papa pourri. Aujourd'hui, il sent le frais, le propre. Et c'est à Estelle qu'il sourit. A moi, aussi, dit-il quand je pleure. Mais je peux pas aimer son bonheur ». Oui, on ne le dira jamais, on ne l’affirmera jamais assez : Claire Castillon est bien la meilleure auteure française de nouvelles. Et elle le prouve une nouvelle fois avec « Rebelles, un peu »- un recueil de vingt-neuf courtes nouvelles, toutes consacrées à l’adolescence, cette période où « deux semaines, c’est quatre vies ». Jusqu’alors, tant dans ses romans qu’avec ses nouvelles, l’auteure distillait du sombre- là, cette fois, elle penche pour un peu de douceur même si, dans « Garde bien ta clef autour du cou » (la dernière du livre), elle retrouve la causticité et le goût du terrible qui ont fait sa réputation.

Qu’on se rassure, avec « Rebelles, un peu » Claire Castillon n’est pas devenue soudain une écrivaine qui enfilerait les mots et les maux de la vie comme un robinet déverserait de l’eau tiède. Oui, Claire Castillon sait pratiquer la douceur, la bienveillance mais, au creux des pages, il y a toujours quelques petites flèches acérées. Parce que se glisser dans les scènes de la vie adolescente, voilà bien un exercice qui relève de la plongée en un monde inconnu. « Je n’ai jamais eu l’impression d’être une adolescente, confiait récemment Claire Castillon, et pourtant les adolescents, je les comprends du dedans, ça, j’en suis certaine, comme si j’avais fui cet âge parce que j’avais hâte d’arriver ». Elle dit aussi avoir puisé l’inspiration dans « mon enfance, mes souvenirs, les ados que je connais, ou que je ne connais pas… » Mieux : pour ces vingt-neuf nouvelles au pays de l’adolescence, l’auteure a su éviter la pseudo-savante analyse, la barbante psychologie- et de justifier : « Je ne sais rien en fait, alors je n’essaie pas de raconter ce qu’est un adolescent d’aujourd’hui. Je raconte des histoires où il y a des adolescents, c’est-à-dire de très grandes petites personnes ou de très petites grandes personnes. Ils sont enfermés dans le livre, ils ne fuient pas vers l’extérieur comme des théories ».
Au fil des pages et des histoires (de filles et de garçons), les thèmes défilent. La nostalgie de l’enfance, la drogue, la découverte de l’amour, les amis, les rapports avec le monde des adultes, les relations entre ados, la popularité au sein d’un groupe… Comme toujours chez Claire Castillon, l’écriture est brillante, ouvragée, jamais tape-à-l’œil. Comme toujours, dans les pages flottent l’émotion, la sensualité, le sens, le rire, l’effroi. Et d’entendre encore et encore les mots de l’héroïne de la nouvelle titrée « J’ai mangé toute la moutarde » sur la consommation de haschich : « Je ne vis pas pour que ma présence se remarque mais pour que mon absence se ressente »… Bienvenue au pays de l’adolescence là où l’on est rebelle, un peu. Rien ne dit qu’on en reviendra indemne…

Rebelles, un peu
Auteur : Claire Castillon
Editions : L’Olivier
Parution : 4 mai 2017
Prix : 17 euros


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