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« Billy Summers » de Stephen King : « l’histoire d’un type bien qui fait un sale boulot »…

  • Écrit par : Serge Bressan

albin michelPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Ce pourrait être un discours de la méthode. On demande la genèse de son nouveau roman, l’auteur répond : « En premier, j’ai eu une vision : j’ai vu un homme dans un appartement en sous-sol, il regarde par la fenêtre qui ressemble à un périscope, et il voit des pieds marcher sur le trottoir »…

Dans le roman, il fait dire à un personnage : « Saviez-vous que vous pouviez vous asseoir devant un écran ou un bloc de papier et changer le monde ? » L’auteur a 75 ans, il a écrit soixante romans (tous des best-sellers), il est Américain et s’appelle Stephen King. Il est le roi du thriller et du roman d’horreur- sauf que là, avec son nouveau livre, « Billy Summers », il n’y a ni thriller ni horreur. Juste une fiction- mais de la bonne, de la très bonne même avec suspense, récit de guerre, road trip et déclaration d’amour à l’Amérique des petites villes !

D’entrée, on est prévenu par la paresse américaine : « Le meilleur livre de King depuis des années » ou encore : « La preuve que King peut encore nous surprendre et nous étonner », et par l’éditeur français : ce livre bien épais (562 pages !), c’est « l’histoire d’un type bien… qui fait un sale boulot ». On y ajoute les paroles d’« Amazing Grace », une chanson inspirée par un cantique parmi les plus célèbres du monde anglican paru en 1779 : « J’étais égaré mais j’ai retrouvé mon chemin ». Tout simplement la vie et le destin de Billy Summers… Son job : tueur à gages qui ne dézingue que les salauds. Il veut décrocher, il vient d’accepter une dernière mission à 2 millions de dollars- 500 000 en acompte, 1,5 million lorsque l’affaire sera bouclée. Le jeu en vaut grandement la chandelle, a-t-il pensé… Ce jour-là, il est seul dans sa chambre, il se prépare, lui qu’on tient pour le meilleur tueur à gages de la profession. On va apprendre qu’il a 44 ans, qu’il a fait la guerre d’Irak et qu’il a des principes. Il s’est fixé une règle : n’accepter des « contrats » que s’il faut éliminer de vrais méchants, de ces types qui ont commis meurtres d’enfants ou viols de mineures. On va aussi apprendre qu’il lit beaucoup, des « vrais livres » et aussi des BD- genre qui a sa préférence, et qu’il vénère l’écrivain français Emile Zola (1840- 1902), « version cauchemardesque de Charles Dickens », chez qui il prend ses leçons de vie… Dans son sac, toujours un exemplaire de « Thérèse Raquin », « un mélange de James M. Cain et des BD d'horreur des années 1950 ».
La cible de ce contrat, le dernier qu’accepte Billy Summers ? Joel Allen, assassin d'un ado de 15 ans et un de ses ex-collègues, doit passer devant le tribunal de Red Bluff, petite ville de l’est du Mississipi. Problème : l’histoire est autrement plus compliquée qu’il n’y paraît puisque personne ne connaît la date exacte de l’arrivée du criminel. On suppute : peut-être dans six semaines… peut-être dans six mois… allez savoir. Alors, Billy va se glisser dans le petit monde de la ville. Il a même une couverture que lui ont fabriquée les commanditaires du contrat : il s’appelle David Lockridge et est écrivain. Ça tombe bien et ça plaît beaucoup à Billy Summers, il lit beaucoup (on le voit toujours avec un livre à la main) et a toujours souhaité écrire des livres. Et c’est là que surgit le talent et le génie de Stephen King : bien sûr, l’auteur nous narre l’histoire du contrat mais il y glisse une autre histoire, celle de Billy consignant sous la forme d’un roman ses souvenirs, intimes, traumatiques ou militaires et tout ce qu’il a vécu depuis ce jour d’horreur lorsque sa petite sœur a été tuée devant lui… Un roman dans le roman, avec un héros et meurtrier et artiste. Un héros qui flotte entre le mal et le bien. Entre une arme à feu et la Bible dans une Amérique au drapeau ensanglanté, toujours hantée par le spectre des guerres au Vietnam et en Irak, toujours persuadée que le reste du monde lui pardonne de sacrifier tant et tant au nom et la gloire du billet vert, du « saint Dollar »…
Ecrit pendant la présidence de Donald Trump, « Billy Summers » n’est pas seulement un roman sur un « gentil » tueur. C’est aussi, enveloppé de montagnes de tendresse, un texte sur une Amérique oubliée et un amour immense de la littérature. Et c’est ainsi que Stephen King sera toujours le roi !

Billy Summers
Auteur : Stephen King
Traduction : Jean Esch
Editions : Albin Michel
Parution : 21 septembre 2022
Prix : 24,90 €

Extrait

« De retour dans le hall de l’hôtel le lundi midi, Billy Summers attend qu’on vienne le chercher.
Sa valise et la sacoche de son ordinateur sont posées à côté de son fauteuil et il lit une autre bande dessinée d’Archie : « Amis pour la vie ».Aujourd’hui, il ne pense pas à « Thérèse Raquin », mais à ce qu’il pourrait écrire dans le bureau du quatrième étage. Ce n’est pas encore très clair dans son esprit, mais il a déjà la première phrase, et il s’y accroche. Elle pourrait en entraîner d’autres. Ou pas. S’il se sent prêt à connaître le succès, il est prêt également à affronter la déception. Il a toujours fonctionné ainsi, et ça lui a plutôt bien réussi jusqu’à présent. Puisqu’il n’est pas en prison ».

Du même auteur : 

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