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Un paradis de SHENG Kegi : une ferme d’élevage intensif pour une production de bébés en Chine

  • Écrit par : Félix Brun

un paradisPar Félix Brun - Lagrandeparade.fr/  Au « Paradis », le verbe exploiter prend toute sa signification : d’abord tirer parti en vue d’une production dans un but lucratif ; ensuite utiliser d’une manière avantageuse, faire rendre les meilleurs résultats ; enfin se servir de quelqu’un en n’ayant en vue que le profit, sans considération des moyens. Dans cette pseudo-clinique, on exploite des mères porteuses dans le seul but de vendre leurs enfants à des couples stériles. C’est ça « Un paradis », une ferme d’élevage intensif pour une production de bébés en Chine, un établissement illégal, aux allures carcérales, au règlement militaire, dans lequel les abus et les saillies forcées sont multiples et répétées. Les femmes de cette reproduction sont désignées par un numéro, sont fichées comme du bétail sur leur qualité de génitrice, "ces femmes, je les considère uniquement sous l’aspect commercial, comme des têtes de bétail, en examinant leurs dents, leurs yeux, leurs cheveux, leur tonus, leur physique. A mes yeux, ce sont de simples outils à procréer ; elles n’ont aucun intérêt pour moi."

La narratrice s’appelle Wenshui, ses congénères la nomment Pêche, son numéro est 168…elle est un peu simplette pour ne pas dire simple d’esprit ; prisonnière de son monde, de son enfance, du souvenir de sa mère disparue, des sévices et des perversions des hommes qui ont abusé d’elle, enfermée dans la naïveté, son amour des animaux…elle échoue enceinte dans l’établissement de monsieur Niv : "Je sais ce que valent les femmes comme elles, sans domicile, asociales : elles mangent un jour, crèvent de faim le lendemain mais ne sont jamais malades, jamais souffrantes ; cette fille est une vraie bufflonne, en pleine santé…Regarde ses bras, ses jambes, son pelvis… Elle a le blanc et le noir des yeux bien tranchés, des cheveux d’un noir de jais, de bons reins, un sang parfait et elle déborde d’énergie vitale. Elle peut faire huit ou dix grossesses sans problèmes." Avec une telle "pouliche", le produit à vendre ne sera que meilleur, solide et d’un bon rapport…!
Un sujet particulièrement délicat, cruel, déchirant : ces jeunes femmes donnent en location leur corps et leur utérus en contrepartie d’une rémunération, d’un hébergement, en détention volontaire pour le plus grand profit de ces vendeurs d’enfants, de ces éleveurs cupides et sans scrupules.
L’écriture de Sheng Kegi est simple, tendre, douce ; un texte d’une grande poésie amendé de riches métaphores. Un roman d’une grande sensibilité illustré par de remarquables aquarelles de l’auteur, réalisées pour la sortie française. Un très grand moment de lecture. 

Un paradis
Auteur : SHENG Kegi
Traduction : traduit du chinois par Brigitte Duzan
Editions : Philippe Picquier
Date de parution : 6 septembre 2018
Prix : 17€


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