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Une semaine de lecture avec Olivier Bourdeaut, Adeline Dieudonné, Thierry Frémaux, Laurent Gounelle et Marek Halter

  • Écrit par : Serge Bressan

floridaPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com/ Cinq suggestions de lecture pour la semaine. Les mini-miss en Floride avec Olivier Bourdeaut, du kérozène et une station-service d’autoroute par Adeline Dieudonné, la découverte du judo- école de vie avec Thierry Frémaux, la fabrique des intuitifs racontée par Laurent Gounelle et aussi un texte-cri de Marek Halter…

OLIVIER BOURDEAUT : « Florida »

On n’attend plus Bojangles et on a quitté les marais salants en bord d’Atlantique. Pour son troisième roman, Olivier Bourdeaut propose à ses lecteurs un déplacement en Amérique du nord. C’est « Florida », qui vient en librairies après le joli succès d’« En attendant Bojangles » (2016) et le moyennement réussi « Pactum Salis » (2018). Une fois encore, l’auteur change de style et d’univers. Avec « Florida », donc, direction l’Amérique, la Floride et ses concours de mini-miss, gamines de 6 ans à 12 ans qu’on fait jouer à la femme. Ainsi, pour le jour de son 7ème anniversaire, Elizabeth Vernn se retrouve à participer à un concours de mini-miss, c’est sa mère qui l’a inscrite, lui disant que c’était son cadeau d’anniversaire. Narratrice dans ses premières années adultes, Elizabeth écrit : « Ma mère s’emmerdait, elle m’a transformée en poupée. Elle a joué avec sa poupée pendant quelques années et la poupée en a eu assez. Elle s’est vengée »… Dans un récent entretien, Olivier Bourdeaut a expliqué : « Je ne prends pas parti de quiconque, je relate seulement les faits »… Les faits qui, d’une petite fille, ont provoqué la tristesse, la rébellion. Maquillée, coiffée, string taille 10 ans, soutien-gorge triple rembourrage… le lot ordinaire des aspirantes mini-miss. Et manque de chance, Elizabeth qui termine immanquablement deuxième des concours, « j’avais la tête d’une deuxième »… La mère n’admet pas la sentence des juges, par sa fille est surnommée « la reine mère » tandis que le père, invisible, devient « le Valet ». Un jour, la jeune fille se révolte, pisse sur la scène. Fini les concours. Elle passe à autre chose, bousculer son corps- boulimie puis bodybuilding (avec un artiste conceptuel qui la photographie à chaque étape de sa mutation). Avec « Florida », OIivier Bourdeaut signe un texte cinglant, implacable avec quelques touches d’humour. « Florida », c’est aussi un manifeste contre l’exploitation aussi vulgaire que grossière (voire perverse) de l’enfance et de la féminité.

Florida
Auteur : Olivier Bourdeaut
Editions : Finitude
256 pages

Prix : 19 €

Du même auteur: Pactum salis : Olivier Bourdeaut, roman salé…

DieudonnéADELINE DIEUDONNḖ : « Kérozène »

Au moins, on sait où l’on va. Romancière, 38 ans, résidant à Bruxelles, Adeline Dieudonné ne craint pas d’annoncer : « Faire de la littérature, c’est bousculer les sensibilités ». Et dire aussi : « Plus j’avance et plus j’ai le sentiment que mes personnages existent ». D’abord comédienne (insatisfaite), elle publie en 2018 un premier roman, « La vraie vie »- succès, plus de 300 000 exemplaires vendus, deux prix (Lectrices de « Elle » et Fnac). Elle revient en librairies, c’est « Kérozène », en quelque sorte la vraie vie qui continue. Au fil des pages, alternant tragique et drôlerie, passent des tranches de vie, des personnages certains cruels, d’autres ordinaires. Tout commence à 23h12- une aire de repos sur une autoroute. Il y a la moiteur de la canicule, la lumière des réverbères. Dans la station-service, les clients vont, d’autres viennent. Cortège improbable, et vont se croiser des hommes, des femmes, un cheval-héros, des héroïnes nocturnes,… bref, la vie qui va. Confidence d’Adeline Dieudonné : « Pendant le confinement, je me suis mise à écrire pour me faire plaisir des petites histoires que je ne pensais pas publier. Ces petites histoires ont commencé à s’imbriquer les unes dans les autres, et cela a donné « Kerozene ». (…) On est plusieurs dans ma tête et il y en a toujours un pour dire: “Et si à ce moment-là, il y avait une vieille dame qui apparaissait?” Et moi, je réponds: “Ouais”. Il y a aussi toujours le risque de se casser la gueule et faire un truc irréaliste, mais qu’est-ce que je m’amuse ! » Ainsi, dans « Kérozène »- pétillant livre, il y a des femmes, des hommes, des animaux, ils se croisent dans une station-service, ce qui donne une jolie métaphore de l’humanité. De la (vraie) vie, aussi…

Kérozène
Auteure : Adeline Dieudonné
Editions : L’Iconoclaste
312 pages
Prix : 20 €

De la même autrice:  La vraie vie : Adeline Dieudonné, en attendant le Goncourt…

fremauxTHIERRY FRḖMAUX : « Judoka »

La soixantaine venue, directeur de l’Institut Lumière à Lyon et délégué général (depuis 2007) du Festival de Cannes, il dit et écrit : « C’est sur un tapis que j’ai compris que la culture sauvera le monde. Pratiquer un sport méconnu me préparait à l’obscurité des passions cinéphiles, à l’inclination pour les artistes oubliés et au rejet des modes », se rappelle aussi les paroles entendues lors de son premier cours, il avait 9 ans : « Tomber souvent pour ne jamais se faire mal ». Grand pratiquant des tapis rouges où paillettes et strass sont l’ordinaire, Thierry Frémaux a appris les bases de la vie sur un tapis vert qu’on appelle « tatami » dans un lieu nommé « dojo ». Enfant de la cité des Minguettes à Vénissieux (près de Lyon) au temps de la « banlieue radieuse », il raconte dans un beau livre simplement titré « Judoka » son premier kimono, le froid dans la salle, toutes ces personnes qu’il ne connaissait pas (hormis son frère et sa sœur). Il raconte aussi s’être senti, ce jour-là, ridicule- « je trouvais que tout le monde avait une meilleure allure que la mienne. L'enfance a des modesties qui ne sont que des étonnements et qu'on prend pour des infirmités ». Frémaux a gravi les échelons, début avec ceinture blanche, pour arriver à la ceinture noire 4ème dan. Judo, école de vie, a-t-il plaisir à écrire et le rappeler. Judo qui a apporté à Frémaux « une certaine acceptation de la défaite, de la difficulté, de mesurer sa joie, de ne pas se décourager ». Dans un texte nourri d’une douce nostalgie, les « matte » s’enchaînent, il y a des « kumi-kata », des « uchi-komi », des « ô-soto-gari ». Et aussi l’ombre de Michel Foucault, le philosophe qui affirmait qu’« on ne se définit pas par des positions, mais par des trajectoires… »

Judoka
Auteur : Thierry Frémaux
Editions : Stock
280 pages
Prix : 20,90 €

Lumière! : une conférence captivante de Thierry Frémaux

intuitioLAURENT GOUNELLE : « Intuitio »

A la sortie de l’adolescence, il voulait devenir psychiatre- le médecin de la famille l’en a dissuadé. Tout comme son père chercheur en physiologie et nourrissant peu de sympathie pour les « sciences molles »… Alors, Laurent Gounelle a étudié les sciences économiques et s’est retrouvé, à 23 ans, à bosser dans une entreprise- ce qui ne le combla guère, le mena à étudier les sciences humaines, dont la psychologie et la philosophie, et à faire quelques voyages initiatiques. En 2008, il publie « L’homme qui voulait être heureux »- un best-seller, traduit dans pas moins de vingt-cinq langues. Suivront, entre autres, « Les dieux voyagent toujours incognito », « Le philosophe qui n'était pas sage », « Le jour où j'ai appris à vivre » et « Je te promets la liberté ». Et en ce printemps 2021, c’est « Intuitio ». Un roman à la sauce psycho et développement personnel qui emmène le lecteur outre-Atlantique. Avec un jeune auteur de polar, Timothy Fisher. Dans le Queens à New York, sa vie est toute ordinaire quand, un jour, il reçoit la visite de deux flics du FBI qui lui demandent de l’aide pour arrêter l’homme le plus recherché du pays. Fisher pense que c’est une plaisanterie, qu’il y a de la caméra cachée dans les parages. Finalement, il accepte d’aider- et il se retrouve au cœur d’un projet secret au but tout simple : former des intuitifs, « des personnes capables d’accéder à volonté à leurs intuitions ». « Je ne vais pas entrer dans les détails pour l’instant mais je vous dirai juste que non seulement l’intuition existe véritablement, mais que nous avons aussi mis au point une méthode pour y accéder à volonté », lui dit Anna Saunders, la directrice du projet politico-militaire. Et le voilà emporté dans une course-poursuite pour arrêter l’homme qui met le feu dans des tours… Gounelle confie avoir souhaité écrire « une histoire qui nous entraîne dans la découverte de notre personnalité et de celles de nos proches ». Mieux : il propose un thriller aussi haletant qu’initiatique.

Intuitio
Auteur : Laurent Gounelle
Editions : Calmann-Lévy
400 pages
Prix : 21,90 €

 

Hugo DocMAREK HALTER : « Un monde sans prophètes »

Homme de culture et de paix, Marek Halter aime rien moins que de répéter : « La peur engendre la violence et la haine de l’autre ». A 85 ans, il ne se prive pas de pointer les aboyeurs et autres « Monsieur-Je-Sais-Tout » qui, en ce début de troisième millénaire, pullulent sur les plateaux télé. Et il se glisse dans la collection « Alerte » de l’éditeur Hugo & Cie avec un petit livre follement énergique, furieusement enlevé : « Un monde sans prophètes ». Ainsi, au fil des pages, il constate que l’époque est peuplée de faux prophètes, et rappelle que le prophète est celui qui crie- au sens noble du verbe. Ainsi, également, il remonte l’histoire, loin dans le temps, jusque dans les années 1200 avant Jésus-Christ. Cite Moïse, Abraham, Samuel, Jésus, Mahomet. Convoque Voltaire, La Fayette, Mounier, Mirabeau, Hugo, Jaurès, Gandhi, Mandela, Luther King ou encore l’abbé Pierre. Ecrit : « Le vieux Samuel, le dernier des juges d’Israël, avait eu l’idée de créer la première école de prophètes : on y enseignait tant aux hommes qu’aux femmes doués d’un charisme exemplaire comment rappeler le peuple à l’ordre et les rois au respect de leurs promesses et de leurs devoirs »… Décrit le prophète, l’homme qui crie comme « un lanceur d’alertes avant la lettre mais d’une formidable envergure ! Des êtres doués d’une étonnante présence, d’un incroyable courage, d’une force d’âme à toute épreuve et qui souvent finissent expulsés ou assassinés par les pouvoirs qu’ils ont dénoncés », comme « un homme épris de justice ». Pointe aussi les réseaux sociaux qui « remplissent le vide. Quand on n’entend plus le cri de la vérité, ce sont les fausses nouvelles, le complotisme qui prend le pouvoir. Le prophète a un visage. Tandis que les réseaux sociaux sont occupés par des anonymes qui avancent masqués, cagoulés ». Regard vif, Marek Halter confie avoir rédigé « Un monde sans prophètes » comme un texte-cri parce que « le temps presse »…

Un monde sans prophètes
Auteur : Marek Halter
Editions : Hugo & Cie
140 pages
Prix : 9,95 €

 

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