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 Lettre à une deuxième mère : un beau texte porté par deux comédiens talentueux

  • Écrit par : Xavier Paquet

theatrePar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ La nuit tombe dans ce bar jazzy, la fermeture approche, une femme range mécaniquement les chaises, passe un coup de chiffon, maudit une fois de plus son patron exécrable.

Elle déteste travailler, elle honnit ce tenancier qui ne la respecte pas, elle est et se veut actrice. Mais elle n’aime pas non plus rentrer chez elle, sortir dans la pénombre, manger les restes et se coucher. Elle ne rêve que de lumière, de grandeur, d’échapper à la petitesse de cette existence monotone, de folie, d’inattendu et de rencontres. Vivre plutôt que survivre, se sentir vivante pour exister. Prisonnière de cette existence, ne voulant plus se sentir enfermée, elle se tourne vers la littérature et vers une figure historique, Simone de Beauvoir.

S’en suit un monologue intense de doutes, de questionnement sur soi-même et sa condition, sur ce désir inassouvi, une forme d’incantation qui aboutira à l’apparition de Simone de Beauvoir, en chair et en os. Après interrogation et invocation de l’esprit, ce sont bel et bien des réponses qui seront attendues. Débute alors un dialogue riche, tendre et passionné.

La beauté de « Lettre à une deuxième mère » réside d’abord dans la force de son texte : une plume fine et intelligente, quotidienne et poétique, revendicative et philosophique. C’est l’histoire personnelle d’une actrice et d’une femme qui se construit et cherche à se libérer de poids familiaux et sociétaux pour être elle-même, mais aussi l’histoire de femmes qui conversent et se confessent.
Une fille parle à sa mère, une mère qui conseille sa fille, un lien viscéral se crée au fur et à mesure des échanges, nourri par leurs expériences et tranches de vie.

De ces confidences réciproques naît une complicité, une duplicité entre l’histoire et la vision avant-gardiste de Simone de Beauvoir et le statut que cherche à atteindre l’actrice : dépasser sa condition, se libérer en tant que professionnelle et s’émanciper en tant que femme. Ciselé, le texte ne manque pas moins de piquant et de touches d’humour qui apporte rire et légèreté à la pièce. Il nous fait vivre aussi de belles émotions notamment dans son final où la filiation et l’indépendance touchent nos ressorts les plus intimes.

Mais un beau texte ne pouvait être porté que par des beaux et bons acteurs, tous deux étant excellents et habités par les sentiments de leurs personnages. Camille de Sablet apporte beaucoup de force et de puissance à cette femme sincère et authentique, en questionnement, tandis que Louis Albertosi, épatant en Simone de Beauvoir, élancé et maniéré dans la gestuelle, donne une sensibilité cachée derrière l’aura de la philosophe.

La scénographie apporte de la profondeur à l’ensemble avec un jeu de lumières plus ou moins resserrées renforçant l’intimité des confidences. « Se raconter c’est s’inventer ou se confier ».

La construction de soi-même dans un environnement en mouvement est au cœur de « Lettre à une deuxième mère » et l’impossibilité d’être une personne constante en étant en perpétuel changement. N’est-ce pas là le terreau de l’actrice ? Prouver aux autres ou se prouver à soi-même, le choix à faire pour s’émanciper et vivre enfin pleinement la vie que l’on souhaite.

Lettre à une deuxième mère 
Écriture et mise en scène : Constance de Saint Remy 
Création lumières et régie générale : Marine Flores
Conseil musical : Louis Albertosi 
Montage vidéo : Louis Albertosi & Constance de Saint Remy
Avec Camille de Sablet & Louis Albertosi
Crédit - photo : Mathis Leroux
Production déléguée : PREMISSES
Coproduction : Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Avec le soutien de la Corte Ospitale et le dispositif d’insertion de l’ÉCOLE DU NORD, soutenu par la Région Hauts-de-France et le Ministère de la Culture.

Dates et lieux des représentations
- Du 9 au 19 mars 2023 au Théâtre Louis-Jouvet ( 2-4 square de l'Opéra Louis-Jouvet 75009 Paris ) 

 


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