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Passage de l’ombre : dix-sept nouvelles de Jacques Chessex

  • Écrit par : Serge Bressan

chessexPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com/ Dans la soirée du 9 octobre 2009, lors d’une conférence à Yverdon en bord du lac de Neuchâtel, soudain il s’écroule. Mort. A 75 ans, celui qu’on surnommait « l’ogre des lettres romandes » ou encore « le métèque de la littérature francophone centralisée » quittait le monde. Dix ans après sa mort, lui qui avait reçu le prix Goncourt en 1973 pour « L’Ogre », Jacques Chessex est de retour en librairies avec « Passage de l’ombre », un recueil de dix-sept nouvelles. L’éditeur a ceint le livre d’un bandeau avec la mention « Inédit »- ce qui n’est pas tout vrai puisque seuls, dix textes le sont réellement tandis que les autres ont été publiés dans divers journaux et revues suisses, français et canadiens entre 1980 et 2004. En même temps, on n’a pas là un de ces livres posthumes sortis de nulle part comme le monde de l’édition et de la musique en raffole ces temps-ci : en effet, Jacques Chessex avait réuni ces dix-sept nouvelles dans une enveloppe jaune sur laquelle il avait écrit un titre, « Le Portier ».

Là encore, avec ce recueil bref comme un coup de fouet- 120 pages, et ces textes oubliés, Jacques Chessex illumine la littérature, lui qui fut un grand amoureux des textes de Gustave Flaubert. Mieux : avec « Passage de l’ombre », l’auteur de « L’Ogre », d’« Un Juif pour l’exemple » ou encore du « Vampire de Ropraz » réédite ce qu’il a fait toute sa vie- sa mise pleine et entière au service de la littérature. Et dans toutes ces pages en dix-sept nouvelles, on retrouve les thèmes chers à Chessex : le mal, le désir, le salut. Les décors, souvent, reviennent : un hôpital psychiatrique ou un pensionnat. Ainsi, dans « Le Portier », des jeunes filles sont dans un dortoir et s’y a(ban)donnent aux caresses de Jonathan, un être égaré qui voit en elles des brebis dont il serait et le berger et le consolateur. On passe à une autre nouvelle, « Le chat et l’argent du chat » : à un chauffeur de bus, une dame négocie l’achat dudit chat pour le noyer…
Avec une plume toujours aussi finement ciselée, Jacques Chessex a déroulé de belles et courtes histoires autour de deux thématiques : la mort (qu’on croise dans, entre autres, « La pluie des collines », « La préparation aux Conférences », « Le moment de vous décider ») et la sexualité (dans « Innocenti », « Le fauteuil rouge », « La culotte » ou encore « L'adoration »). Sans oublier le dérèglement mental (« Les clous », « Pentecôte », « Les prophéties », « Le portier ») et les rêves éveillés, deux problématiques qui le fascinaient autant qu’elles l’obsédaient… Dans toutes les pages (magnifiques) de ce recueil, tout Chessex y est : l’ombre enserre l’être humain qui, lui, aspire avec ferveur à l’absolu…

Passage de l’ombre
Auteur : Jacques Chessex
Editions : Grasset
Parution : 2 octobre 2019
Prix : 14,50 €

[bt_quote style="default" width="0"]Maintenant il est vieux, il joue exactement au même jeu, il lui suffit de se répéter : je suis mort, je suis mort, tout de suite la neige fond, le nuage coule, nage, dérive, plus loin le vent secoue des branches calmes et si haut, si doucement affectueuses au regard qu’elles caressent comme des plumes nocturnes en plein jour. Attention, plumes, maintenant je vais jouer à être mort. Voilà. Je ferme les yeux. Je ne bouge plus. Je ne sens même plus mon poids, ni le modelé de ma tête, ni la forme de mon corps. C’est cela la mort. On se retire de l’apparence. On est avec le vent des branches, l’écume, l’eau blanche, l’air qui s’aiguise sur le glacier. On est avec les oiseaux et leurs ailes, la lueur du pré plein de pluie à l’aube, la branche imperceptible qui danse, l’odeur du sol, l’odeur de l’hiver.[/bt_quote]


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