Sous la brume : un thriller science-fictif, drôle et poignant, original et très maîtrisé
- Écrit par : Sylvie Gagnère
Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ Nous sommes en 2090, les Teks se sont imposés dans la rue, au bureau, à la maison. L’eau est une denrée rare et précieuse, des millions de personnes sont au revenu minimum faute d’emplois, confiés aux Teks et aux IA, les notes « civiques » définissent les droits de chaque individu. Il y a eu de nombreux conflits, et le changement climatique est évident. Des tempêtes électromagnétiques dues à l’activité solaire provoquent régulièrement des catastrophes.
L’entreprise POSEIDON a mis au point une technologie révolutionnaire, capable d’extraire des sons des Objets anciens. Poteries, peintures, manuscrits peuvent ainsi révéler les secrets du passé : écouter Picasso discuter en peignant, les ouvriers égyptiens transportant les pierres qui formeront la pyramide de Kheops, connaître les pensées d’un roi célèbre posant pour son portrait, découvrir les préoccupations ou les joies des potiers de Pompéi, récolter les chansons populaires, ou les questionnements du peuple à une période donnée. Les possibilités sont infinies et attisent les convoitises. Il existe toutefois un revers à cette médaille : extraire les sons d’un objet le détruit entièrement. Le choix est cornélien : préserver l’œuvre ou le lire pour récupérer le témoignage d’un instant.
Les boutiques POSEIDON se sont développées partout dans le monde. Chacun peut tenter sa chance, parfois le vase de grand-mère peut valoir une fortune – ce qu’il fait entendre en tout cas. Les musées, les lois internationales, une police spéciale (Vox en France) essaient de protéger le patrimoine de l’humanité de la voracité du marché. Une organisation de trafiquants détourne régulièrement des camions de BRUME (le composé qui permet de révéler les voix des artefacts) et orchestre des plongées illégales pour déterminer la valeur d’un Objet. Elle emploie pour cela des personnes particulièrement sensibles, capables de plonger dans des « piscines » de BRUME. Nombre d’entre eux perdent la raison ou en meurent, tant cette expérience est étrange et bouleversante.
Manon Chabal, capitaine de police au sein de Vox, se lance dans une enquête de grande envergure, après un attentat à la boutique POSEIDON de Montorgueil. Son périple la mènera en Irak, en compagnie de Carmen Cruz, une trafiquante truculente, d’Arthur Pivert, un raté magnifique dévasté par la mort de sa compagne et de Suki Cho l’Oreille d’Or, une musicienne qu’un accident a définitivement détournée de sa carrière.
Sous la brume est un thriller haletant, sur fond de science-fiction. L’univers décrit est très crédible, et la construction du roman particulièrement habile. Yann Bécu sème les indices, tout en nous baladant sur de fausses pistes. Le mystère est entretenu tout du long, jusqu’à un final inattendu, qui claque et nous surprend ! Le ton est souvent humoristique, et parfois très noir, mais c’est aussi joyeusement délirant, et par moments très émouvant. L’auteur navigue sur ces sentiments, quelquefois sur la corde raide, mais en conservant toujours son équilibre. Grâce à des personnages finement travaillés dont l’évolution tout au long du roman est remarquable, grâce à une écriture soignée, une construction impeccable et des dialogues ciselés et truculents. La fin est très ambitieuse, en rebattant toutes les cartes et dévoilant un secret totalement inattendu, et glaçant.
Sous la brume
Auteur : Yann Bécu
Éditions : Homme sans Nom
Parution : 23 avril 2025
Prix : 23,90 €






