Ce qu’ils nous laissent : Remix de road-trip à l’américaine
- Écrit par : Guillaume Chérel
Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ « L’argent ne fait pas le bonheur », dit-on communément. Parole de riche, répond Solo Paradise, anti-héros de « Ce qu’ils nous laissent », nouveau roman de Richard Tabbi (la soixantaine).
Arrêtons-nous un instant sur le pédigrée du bonhomme. Après une maîtrise d’histoire (bravo!) « religieuse médiévale », consacrée à « la sainteté chez François d’Assise » (amen!), Richard Tabbi a été, successivement, militaire, enseignant, documentaliste, assistant d’édition et rédacteur, journaliste, commercial, maçon, ouvrier agricole, bibliothécaire, peintre en bâtiment, secrétaire médical. Il ne lui reste plus qu’à être chauffeur routier et bûcheron, voire chasseur de prime, et il aura un CV à l’américaine.
Son premier roman, « Zombie-planète » , a été publié en 2003 aux éditions Mango, avec le soutien de Régine Deforges (alléluia!). Consacré en grande partie à l'aliénation à travers le regard d'un écrivain dépressif, qui sombre peu à peu dans la folie, ce récit flirtait avec le polar dans une ambiance « résolument noire (forcément...)
Tabbi a également participé à l’aventure « Sexe More Sexe », avec Eliette Abécassis, et contribué, sous la forme d’essais et de nouvelles, au « Bulletin des Amis de Michel Houellebecq » (pas de quoi se vanter), tout en publiant, pourtant, des textes critiques sur le « phénomène Houellebecq », à la revue « Bordel », lancé par Frédéric Beigbeder et Arnaud Viviant, et au fanzine « électro-dark » « Twice ». Mazette ! N’en jetez plus… Le monsieur est parti dans tous les sens (ils sont plusieurs dans sa tête). Comme le narrateur de son nouveau livre publié par un éditeur inconnu au bataillon.
Or donc, Solo Pafradise (les lecteurs de Kerouac auront reconnu Sal Paradise, héros de « Sur la route », version édulcorée) tire le diable par la queue, s’efforçant d’oublier un passé traumatique de vétéran. Il partage ses journées entre la pêche (on aura reconnu Hemingway) sur glace et le bar « Le Central », tenu par deux frères obsédés par la lutte des classes (ici, Jack London et son « Talon de fer » ?). Il fait de son mieux pour échapper à l’emprise des « puissants », politiciens, hommes d’affaires, narcotrafiquants (les « méchants, quoi) et fréquente volontiers les « paumés », les désabusés et les musiciens de jazz (sic !), pauvre Billie Holiday. Ici, nous sommes dans l’univers de Kerouac again mais aussi de Charles Bukowski et de son « maître John Fante.
Bref, un jour, Solo Paradise se trouve au « mauvais endroit, au mauvais moment ». Sa vie va alors changer du tout au tout. Ta ta tiiiin !! Richard Tabbi annonce écrire le Road-book « déjanté », dans un univers urbain qui se délite, puis dans les Grands Espaces d’un « néowestern » à une « allure folle », à la rencontre de personnages « tous plus étranges les uns que les autres ». Jusqu’au terminus dans le « mythique » Grand Sud.
Le problème, c’est que c’est pas çu-ki-dit k’y est… Depuis la couverture, générée par une assistance I.A, qui fait nettement référence au « Fargo » des frères Cohen, jusqu’aux titres de chapitre : « Comme si j’avais un chien de l’enfer aux fesses » (Bukowski et Fante, bis repetita), puis à nouveau au cinéma et à la littérature (« Shining », de Stephen King et Stanley Kubrick), le récit est surchargé de clins d’œil gros comme des éléphants dans une médiathèque. Trop, c’est trop surchargé (« Alien », « Taxi Driver », etc… ça n’en finit pas). L’ensemble réunit toutes les erreurs d’un débutant qu’il n’est pourtant plus. Dommage parce que les intentions sont bonnes. Mais n’est pas Hunter S. Thompson qui veut. Le talent de Kerouac, Lou Reed, Johnny Cash, Miles Davis, Hendrix, Coltrane, ou des Pink Floyd ne s’improvise pas. C’est beaucoup de travail. Il ne suffit pas d’enfiler des bières, de prendre des « caisses » de Whisky, comme Hemingway, voire de se droguer comme William Burroughs, pour s’approcher du style « Gonzo ». C’étaient des bosseurs. Comme le punch, en boxe, en avoir ou pas – comme disait papa » -, that is the question. Richard Tabbi en a, de l’énergie (du désespoir ?) et de la volonté, c’est déjà beaucoup. Il n’y a plus qu’à remonter sur le ring (des lettres), en se référant à lui-même. Ce qui est pas mal.
Ce qu’ils nous laissent
Editiond : Euderie - EE
Auteur : Richard Tabbi
303 pages
Prix : 17 €