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Mathilde-Marie de Malfilâtre : Génération Teuch 2.0

  • Écrit par : Guillaume Chérel

BabylonePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Imaginez : Luna... de Pâris : ancienne lieutenante de gendarmerie, engagée dans la lutte anti-terroriste, tombe raide dingue d'un défenseur de la cause animale. Elle embrasse et la cause et son héros, un certain Marco, sorte de Neal Cassady (le roi des Beatniks) de la dope 2.0. Un dealer de haut vol, quoi. Ce bel aristo italien, ancien hooligan à Turin, lui fait découvrir l'acide : Luna prend une claque et décolle très haut... puis très bas. A l'instar de Bonny and Clyde, Luna et Marco vont s'aimer sauvagement en semant leur came du Maghreb à Berlin... Ils ont une éthique : ils n'en vendent qu'à des adultes consentants, friqués de préférence, entre deux parties de jambes en l'air, gonzo-porno, à en faire rougir Ovidie et Brigitte Lahaye.

Mathilde-Marie de Malfilâtre (31 ans) débarque dans le landernau littéraire germanopratin avec un premier roman, "Babylone Express", halluciné, trépidant, qui laisse pantois de bout en bout. C'est l'histoire d'une gendarme à l'antiterrorisme, libertine, amoureuse d'un beau voyou qui aime les drogues et en deale pour faire de la thune, histoire de faire la fête. On dirait du Kerouac sous coke... Du San Antonio sous acide. Un Henry Miller, en plus trash, qui aurait piqué la piquouze à Burroughs. Un Tom Wolf (version Acid-Test) mâtiné de Hunter. S. Thompson (période Hells-Angels) et Bukowski qui aurait lâché la bibine pour l'ecstasy. A côté, le Baise-Moi de Virginie Despentes, c'est Martine joue les punks à chien...
Arrêtons les comparaisons. Vous l'aurez compris : c'est l'une des révélations de l'automne ! Voilà un récit en apnée, fait de phrases courtes, nerveuses : un style moderne. Tout le contraire de ces sempiternels romans écrits par des anciens premiers de la classe, bourrés de poncifs, écrits par des limaces qui n'ont rien vu, rien vécu. C'est un livre écrit par une Lilith libérée de tous les tabous sexistes. Une femme libre, plus que libérée. Une affranchie qui couche avec qui elle veut, quand elle veut, de la manière qu'elle veut. Pas une féministe, une femelle assumée, aux griffes acérées, disposant de tous les codes de séduction dont elle joue, selon son humeur. Ses valeurs. Une amazone qui en a... Des ovaires débonnaires. Elle explore, joue, s'éclate comme elle l'entend. Elle vit intensément.

Babylone Express
Editions : Le Dilettante
Auteur : Mathilde-Marie De MALFILATRE
Date de parution : 22/08/2018
Nombre de pages : 256
Couverture : Photo de MVZ
Prix : 18,00 €


ENTRETIEN


Déjà, le nom : Mathilde-Marie de Malfilâtre ! Sans parler de la bio, qui éveille la curiosité : elle aurait grandi en partie au Japon, et en Normandie. Se passionne pour les services secrets, poursuit des études brillantes en Europe, avant de rejoindre la direction générale de la gendarmerie au Bureau de la Lutte Antiterroriste.

On pourrait croire à un pseudo, voire à un simulacre, cette bio et ce nom de famille aristocratique...

Je n'aimais pas mon nom : il y a le mot « mal-mâle » dedans. Puis j'ai appris à l'aimer. Ça fait dragon... Mais contrairement à ce qu'on pourrait croire, je viens d'un milieu modeste, en Normandie. La famille, du côté de mon père, a tout perdu pendant la Révolution française. C'est devenue une famille de cultivateurs. J'ai vécu dans les quartiers : 9.4 ; 9.2, avec des gitans qui parlaient le manouche, des teuffeurs, des branchés underground, j'ai connu les clubs libertins, fétiches, BD SM, etc... J'ai navigué dans pas mal de milieux marginaux.

Quelles ont été vos influences littéraires ?

Je rêvais d'écrire depuis longtemps. J'ai pris des notes pendant six ans et mis en forme ce livre en trois mois. Le déclic, ça a été une « micro-pointe » : le LSD le plus pur sur cette terre. Je me le suis tapé dans un verre d'eau, et j'ai décollé. Après ça, plus rien n'a été pareil... j'ai laissé tomber l'armée et vous avez lu suite... Outre San Antonio, que je piquais à mon père, qui aimait Jacques Audiard, j'ai beaucoup lu Henry Miller, vers 14-15 ans, puis Hubert Selby : Last exit to Brooklyn... Il était déjà question de drogue (Benzdrine). Le jour de mes 16 ans, on m'a offert Les 120 jours de Sodome, du marquis de Sade. J'ai quand même passé le bac L : j'ai dévoré Voltaire, Kant, Toqueville, Spinoza... Et à la vingtaine, j'ai découvert la Beat Generation : Kerouac, le déclic, pour écrire, et William Burroughs. Plus hermétique... Je n'ai plus lu depuis 7 ans. J'ai peut-être perdu des neurones... Je ne voulais pas être influencée. Que ce soit du sans filtre. C'est du non réflexif, de l'automatique, de l'écriture spontanée. Avec pour énergie : la rage. Je recommence à peine à relire : Acid-Test, de Tom Wolfe. Avec Neal Cassady au volant du camion... Le Marco de mon livre est pour moi un Cassady des temps modernes. Une comète lancée dans l'univers.

Sauf que Marco est un trafiquant de drogue...

Oui, disons plutôt un joli petit délinq', hyper doué sexuellement... L'acide le rend visionnaire. Avec l'acide, tu ne peux pas tricher : tu es face à toi-même. Il t'amplifie, ça peut faire peur. L'acide, c'est comme un énorme joint. A ce propos, je ne fais pas l'apologie de la drogue. Mon livre est une fiction : je n'ai jamais dealé ! Je connais les « paradis artificiel », il faut que ce soit une expérience introspective. Je ne suis pas Luna. Moi je suis plus carrée, j'ai vraiment été gendarme. Puis, j'ai eu envie d'aller voir ailleurs. Dans le livre, c'est le prétendu jour de la « fin du monde », lorsque Luna rencontre Marco et qu'elle prend du LSD, qui déclenche tout. Luna ne veut plus de cette vie, consistant à traquer des mecs qui libèrent des lapins ! Elle décide de vivre en accord avec elle-même.

Marco est pourtant un ultra-violent, limite fascisant...

Oui, c'est un ancien tifosi du Torino, le concurrent de la Juve à Turin. Il a une croix celtique tatouée dans la gencive. Mais c'est un grand cœur... envers les animaux. Il a malgré tout une conscience. Il sauve des chiens errants et vend de la drogue de qualité à des gens demandeurs, pétés de thunes, de préférence. Et puis Luna est amoureuse.

Votre livre est très bien documenté sur le milieu des raves, de la techno, de la nuit et des substances illégales...

Oui, j'ai pas mal bourlingué, expérimenté... J'ai inventé quelques noms de boîtes de nuit. Ma mère a lu mon livre, purgé des passages hot hardcore, et elle s'est mise à pleurer en disant : « ma fille, c'est trop provoc, tu vas aller en prison ! ». Je l'ai rassurée... Mes parents ont aimé. 

Quels sont vos projets ?
Je vis dans l'instant présent, je suis taoïste : ne rien vouloir, ne rien désirer. Mais bon, là je suis en promo. Et je viens de terminer un autre livre. Pour le moment, je découvre un autre monde. J'étais au départ dans l'anti-terrorisme écologie radicale. J'étais formé au départ pour travailler sur les radicaux religieux. Et j'ai découvert ces militants de la cause animale... du coup, j'étais en désaccord avec moi-même. Je sais bien que les critiques vont s'intéresser à la partie drogue et sexe, parce que c'est vendeur. Mais j'espère que les lecteurs verront la part vision du monde. Mon personnage est apolitique mais elle est contre la manière dont on traite les animaux dans l'industrie de masse. Luna veut continuer à servir les gens... en protégeant les bêtes. Elle se lance dans la Naturopathie. Ça coûte une blinde : il a bien fallu financer les études... Personnellement, j'ai été végan de nombreuses années, j'achète le moins de choses possible vendus de manière industrielle. Je consomme bio pour préserver la dignité des animaux : je pourrais chasser, mais à la manière des Indiens : en respectant l'animal et la nature. Soit dit en passant : le tir couché, au Fusil Famas, c'est juste un orgasme !  C'est un gros kiff les armes...  

Un dernier mot ?
Je précise que c'est un roman inspiré de ma vie passée. Tout n'est pas vrai. Le trafic de drogue, c'est faux : je n'ai jamais rien fait d'illégal... Pour moi, Marco et Louna, c'est un couple qui crée une TAZ (Temporary Autonomie Zone) : une zone d'autonomie temporaire. Ils partent du principe que la société telle qu'elle est ne leur convient pas. Ils décident d'exploiter les failles du système pour créer leur propre univers. Mon credo est : nous pouvons tous créer notre TAZ. Pour moi, Babylone Express, c'est ma TAZ. Ma manière de continuer à vivre en marge. L'écriture de ce livre a été une thérapie... cathartique.  

Propos recueillis par Guillaume Chérel - Son site ici  


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