Menu

L’invention de nos vies : ...quand le passé nous rattrape, c’est le présent qui s’échappe!

  • Écrit par : Xavier Paquet

vie Par Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Jour de fête : on rit, on danse, on s’entrelace, on communie ensemble, les corps sont en mouvement, les visages détendus arborant des sourires de joie. Rien ne semble pouvoir troubler ce moment de célébration d’une réussite, celle de Sam, brillant avocat new-yorkais, marié à une femme issue des plus riches familles juives de la ville, médiatisé et prisé qui transforme tout ce qu’il entreprend en or.

Une vie de rêve, sa vie rêvée, l’imagination de Sam ne lui aurait jamais donné autant de bonheur que celui qu’il vit au quotidien. Pourtant d’imagination, il n’en manque pas car derrière les apparats se cache la fragilité d’un homme dont la réussite s’est bâtie sur un mensonge. Il n’est pas Sam, il n’est pas juif, son histoire personnelle n’est qu’un leurre : Samir de son vrai nom n’a fait que transposer la vie de Samuel, son ancien meilleur ami, pour la faire sienne. Jusqu’au jour où celui-ci, resté en France et marié à l’ancien amour de jeunesse de Samir, découvre la supercherie derrière son écran de télévision. Commence alors la lente descente aux enfers de Sam pour qui le piège dans lequel il s’est fait prisonnier se referme progressivement et qui doit tout faire pour cacher la vérité et éviter d’être acculé entre sa belle-famille, sa propre famille, sa situation professionnelle et le retour de ses anciens amis dans sa vie.

La pièce installe un rythme effréné et une mise en scène tout en énergie et en mouvements pour créer cette vie à cent à l’heure : les rebondissements s’enchaînent et le rythme ralentit au fur et à mesure que l’étau se resserre.On en revient presque à regretter une certaine « lenteur » et quelques longueurs sur la dernière partie de la pièce et le dénouement de l’intrigue tant l’ascenseur émotionnel vécu par Sam apportait de la vivacité à l’ensemble.

La mise en scène réussie, euphémisme quand on sait que c’est Johanna Boyé, habituée aux scénographies léchées qui est en à la tête, capitalise sur un décor mobile et déplacé par les comédiens pour passer avec fluidité d’un appartement à un aéroport, d’un cabinet d’avocats à un restaurant et toujours dans un écrin élégant et épuré. Ce décor qui vise l’essentiel permet de se concentrer sur cette descente aux enfers et sur l’ambiguïté du personnage principal, sur sa dualité entre mensonge et illusion et adopte pour cela des codes cinéma dans l’intensité et la tension qui s’en dégage.

Pour porter la dramaturgie et la puissance de ce texte, adapté du roman à succès mais qui en conserve quelques clichés un peu trop marqués, la troupe joue avec générosité et justesse. Tous interprètent plusieurs rôles pour faire vivre l’ensemble de ces péripéties, sauf Valentin de Carbonnières qui incarne avec force les différentes couches psychologiques de Sam. Tantôt séducteur, beau parleur et hédoniste prêt à tout pour réussir, tantôt inquiet, perdu dans le fil de son destin et dans sa propre identité, prisonnier de ses mensonges à lui-même. Certains personnages apportent par leur jeu une touche d’humour et de légèreté qui fait du bien dans ce compte à rebours haletant vers la vérité.

« L’invention de nos vies » c’est un conte de fées qui dérape, l’histoire d’un homme qui s’enfonce dans ses trahisons et qui est dans le déni de ce qu’il a construit mais surtout détruit autour de lui. Dans sa construction personnelle, il est venu à enfouir qui il est et sa fuite en avant pour se réaliser n’est qu’un château de cartes qui s’envolera au premier accroc. Dès que le vernis du mensonge commencera à s’écailler, ce sont toutes ses fêlures et l’image qu’il a de lui-même qui rejailliront.
Quand le passé nous rattrape, c’est le présent qui s’échappe.

L’invention de nos vies
Auteure : Karine Tuil
Avec Valentin de Carbonnières, Mathieu Alexandre, Yannis Baraban, Nassima Benchicou, Brigitte Guedj , Kevin Rouxel, Elisabeth Ventura
Metteure en scène : Johanna Boyé
@Fabienne Rappeneau

Dates et lieux des représentations: 
- Jusqu'au 23 novembre 2022 au Théâtre Rive Gauche ( 6 rue de la Gaîté, 75014 Paris)


À propos

Les Categories

Les bonus de Monsieur Loyal