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Cineastas : une cacophonie argentine qui ne fait pas l'unanimité

  • Écrit par : Guillaume Chérel

CineastasPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Ah ! Que nous aurions aimé… aimer Cineastas, dédié aux passionnés du 7e Art. A priori, tout y est : modernité de la mise en scène, fond, forme, originalité du décor, des éclairages, du son et de la lumière. Sans oublier l’énergie des acteurs et l’intelligence du texte. Le problème, c’est qu’ils parlent tous en même temps et qu’on sort de ces 1h40 de théâtre cinématographique, la tête farcie de bruit (pas de fureur), de mots… Voilà, c’est ça : trop de mots ! Qui rappelle le reproche fait à Mozart : « trop de notes Â». La faute au texte entrecoupé, sur deux niveaux, deux plateaux, placés l’un sur l’autre (l’une des originalités de la pièce), lesquels sont en plus commentés, en scène et au micro, par les acteurs, à tour de rôle, quand ils ne jouent pas. L’impression générale est d’avoir participé à un repas de famille, à Naples... ou à Buenos Aires. Où tout le monde parle sans s’écouter. Quand on ne s’engueule pas…
Mais reprenons l’idée de départ. Il s’agit d’un spectacle en espagnol (d’Argentine), sous-titré en français, lesquels sous-titres sont ingénieusement projetés entre les deux planches… Entre les deux plateaux, quasiment de tournages, pourrions-nous dire, puisque le cinéma est le sujet principal. Ou plutôt, de la difficulté de faire du cinéma : « Nous sommes tous faits de récits, nous sommes ce que nous racontons de nous-mêmes », nous dit Mariano Pensotti (42 ans), l’auteur qui a le vent en poupe, semble-t-il. En attestent les critiques du New York Times et de Libération qui ont aimé… Cineastas raconte, simultanément, et en accéléré, un an de la vie de quatre cinéastes argentins, et les quatre films qu’ils sont en train de tourner à Buenos Aires. Sur deux niveaux de décor, répétons-le - comme deux maisons de poupée -, où surgissent des épisodes de la vie de chacun d’eux, et leurs films en cours de tournage : en bas le quotidien de cinéastes, plus ou moins reconnus. En haut, les scènes de film qu’ils sont en train de réaliser. Entre leur imaginaire et la vie réelle des liens apparaissent dans l’atmosphère fiévreuse de la capitale argentine.
Des questions se posent : comment le travail de réalisation influencera-t-il la vie des réalisateurs ? Et, inversement, comment influenceront-ils leurs projets cinématographiques ? Cinq acteurs sont mis au défi de représenter et raconter toutes ces histoires, croisées, incarnant la multitude des personnages réels ou imaginaires. Le dispositif théâtral révèle que les situations du quotidien recouvrent aussi une dimension plus complexe, moins anodine : la vie privée (maladie, amours, amitiés…) interfère toujours sur le travail de l’artiste. On l’aura compris, Mariano Pensotti s’interroge sur la fiction qui est en nous. Mais pourquoi nous infliger la cacophonie de son cerveau (trop) habité ?

Cineastas est aussi une façon de raconter Buenos Aires, à travers le prisme de ce plateau de cinéma, creuset de toutes les tensions. C’est un peu l’Argentine, et ses excès, en bouteille… En laboratoire. En aquarium.
 Initialement réalisateur et scénariste, l’Argentin Mariano Pensotti fonde particulièrement son travail d’auteur et de metteur en scène sur la transposition des procédés narratifs du cinéma à la scène. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des artistes expérimentaux les plus intéressants et talentueux d’Amérique Latine. En atteste son adaptation du projet "Infinite Jest" (2012), de l’écrivain culte David Foster Wallace au HAU de Berlin, où il est une nouvelle fois question de la frontière entre réalité et fiction ; le tout, s’inscrivant dans l’espace public. Ses dernières pièces sont traversées par la question du double, au centre de "Cuando Vuelva a Casa Voy a Ser Otro", créée au Festival d’Avignon 2015. Vous l’aurez compris, le travail de Mariano Pensotti s’inscrit dans le théâtre expérimental. Dans cette veine, Cineastas peut être davantage considéré comme une « performance Â» artistique, plutôt qu’un spectacle classique, destiné à plaire au public. Certaines Å“uvres d’art ne sont pas faites pour donner du plaisir mais pour provoquer des sentiments, des réactions. Sur ce point, c’est réussi. A la sortie du superbe Nouveau Théâtre de Montreuil, qui jouxte le cinéma Méliès, certaines personnes (les plus âgées généralement) confiaient avoir détesté. D’autres (souvent plus jeunes) ont apprécié et beaucoup applaudi. A chacun de faire son opinion mais l’énergie et la passion sont là. On ne peut rester indifférent et c’est déjà beaucoup.

Cineastas, de Mariano Pensotti
Spectacle en espagnol sous-titré en Français (1 h 40).
Avec Horacio Acosta, Javier Lorenzo, Vanesa Maja, Juliana Muras et Marcelo Subiotto.

Dates des représentations:
- Jusqu’au 22 janvier 2016  au Nouveau Théâtre de Montreuil- Tel : 01 48 70 48 90 / www.nouveau-theatre-montreuil.com

- Du 27 au 30 janvier 2016 au Maillon - Théâtre de Strasbourg

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