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Le Procès du cochon : la fable grotesque d’une truie à la barre

  • Écrit par : Valérie Morice

cochonPar Valérie Morice - Lagrandeparade.com/ Est-ce le mouvement #Metoo et #balancetonporc, largement diffusé en octobre 2017 sur les réseaux sociaux, qui ont inspiré l’auteur Oscar Coop-Phane pour l’écriture du « Procès du cochon » ? Difficile de le savoir sans poser la question au principal intéressé et la comparaison s’arrêtera là au risque de faire un hors sujet.

Quoiqu’il en soit, comme spécifié dans la 4ème de couverture, « chacun reconnaitra (dans ce récit), le porc qu’il voudra ».
Il était commun au moyen-âge et ce jusqu’au 18ème siècle, de condamner à la pendaison ou au bûcher, des truies, vaches ou cochons initiant dès lors un processus d’humanisation de l’animal, tombé en désuétude lorsque le procès de ces animaux se fit de plus en plus rare. La pauvre bête, jugée innocente jusqu’à ce que le délit reproché soit démontré puis prouvé, se voyait mise en détention et jugée dans des conditions similaires à celle de l’Homme, au sein d’un tribunal, avec toute l’armada qui l’accompagne : juge, bourreau, avocat, jurés, public et médecin légiste.
Dans un temps et un village reculés, volontairement non précisés par l’auteur, un cochon errant, égaré et affamé, profite de l’absence d’une jeune mère pour jeter son dévolu sur son nourrisson âgé de 3 mois laissé sans surveillance dans son couffin au milieu du jardin. Mu par son instinct de survie, il lui dévore la joue et l’épaule, le laissant se vider de son sang au milieu des cris de la mère dévastée par la douleur de la perte de sa chair. Rapidement repéré par des enfants du village, qui seront appelés à la barre comme témoins principaux lors du procès, et rattrapé par les villageois en colère mais dépourvus de tout acte violent, il sera arrêté et jeté en prison parmi les violeurs et les voleurs en attendant son jugement. Il sera désormais pour tous, « le croqueur de joue ».
Dans ce récit, relativement court qui se lit donc d’une traite, l’auteur narre toute la complexité et la cruauté du jugement de ce criminel atypique, mettant en exergue le questionnement suivant : être coupable induit-il de facto être responsable (dixit son avocat Hector Barbin), surtout quand l’absence de langage réduit à néant toute possibilité de défense de l’accusé?
Comment juger un animal plongé dans un mutisme total, incapable de se défendre par la parole, si ce n’est par l’expression de quelques grognements et à qui on demande de manière absurde de reculer pour signifier un « non » ou d’avancer pour un « oui »? 
Certaines scènes décrites prêtent à sourire, puisqu’être jugé au même titre qu’un homme implique être présentable devant la Cour ; c’est donc un cochon affublé d’une veste et d’une chemise qui va faire son entrée sur la grande scène le jour de la sentence.
Oscar Coop-Phan nous prend comme témoin au milieu de ce « théâtre de l’absurde » (la scène du jugement porte en elle l’originalité d’être rédigée comme une pièce) et nous entraîne avec lui jusqu’au supplice de la pauvre bête que l’on prendra aisément en pitié.
Les défenseurs de la cause animale n’ont qu’à bien s’accrocher, même si paradoxalement le jugement animalier reflétait à l’époque une considération exemplaire des hommes envers nos amis les bêtes.
Oscar Coop-Phan a été récompensé du Prix de Flore en 2012 pour son premier roman « Zénith-Hôtel ». Il signe ici son cinquième roman.

Le procès du cochon
Auteur : Oscar Coop-Phan
Edition : Grasset
Date de parution : 09/01/2019
128 pages
Prix : 12,00€


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