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Autoportrait de Paris avec chat : Dany Laferrière se promène en dessins…

  • Écrit par : Serge Bressan

DanyPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / D’abord, il y a une confidence : « Je n'arrive pas à décrire ce livre Â». Ensuite, un avis paru dans la presse parisienne, évoquant un « OLNI Â»- un « objet littéraire non identifié Â». Et enfin, un constat : « J'avais besoin de repos. J'avais besoin de me détendre. J'étais très tendu, ces dernières années. J'allais dire depuis le tremblement de terre de Port-au-Prince en 2010. Ensuite, il y a eu l'Académie française et tout ce chambardement que j'ai vécu Â». Alors, on a entre les mains un livre de 320 pages signé Dany Laferrière. Un livre joliment titré : « Autoportrait de Paris avec chat Â». Un livre dessiné et manuscrit. Et ça change tout !

Donc, écrivain tout-terrain qui passe avec élégance toujours de « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer Â» (1985) à « Journal d’un écrivain en pyjama Â» (2013) en passant par « Je suis un écrivain japonais Â» (2008) ou encore « L’Enigme du retour Â» (prix Médicis 2009), Dany Laferrière a fait, à 63 ans, un livre à la main. Il a écrit-là, ça n’a rien d’étonnant, mais il a aussi dessiné même s’il confie que « le dessin ne permet pas plus d’exprimer une émotion que les mots. Toute forme d’art est autonome et absolue. Le goût du risque me met dans un état second. Échouer à faire ce qu’on ne sait pas faire n’est pas trop dramatique. De plus, dessiner me détend l’esprit Â». Et d’ajouter, lui qui vit l’essentiel de l’année à Paris, dans un studio du 10ème arrondissement près de la gare de l’Est : « J’écrivais sur un autre livre. J’avais l’impression de tourner en rond. Je piétinais. Pourtant le livre était bien avancé, mais ce n’était pas celui-là que j’avais envie d’écrire. Il me fallait quelque chose de totalement neuf, quelque chose que je n’avais jamais écrit, ni lu Â». Et aussi l’envie de tenter un exercice pour lequel il n’avait aucune prédisposition. Par exemple, le dessin !

A sa grande surprise, quand Dany Laferrière l’Académicien français (depuis 2013) présente son projet, ses éditeurs parisien et canadien acceptent en à peine dix secondes. « J’avais l’impression d’être un champion olympique du 100 mètres, glisse l’écrivain. C’est mon livre le plus rapidement accepté. Ils n’ont pas pensé à la dépense ! Â» Grand format avec un chat qui parle et les grands noms de la capitale française version littéraire, « Autoportrait de Paris avec chat Â» est le livre d’un écrivain fatigué. Très vite, on passe sur le dessin approximatif, quasi naïf- ce qui n’est pas sans charme. Et on scrute les mots de Dany Laferrière. Là, même dans les ratures, on sent un écrivain, un homme qui, plus que jamais, s’ouvre. Oui, malin, Laferrière se sert du dessin au crayon noir et feutres de couleur comme d’un masque. Ça lui permet de dire et d’écrire des mots, de sentiments qu’il a au plus profond de lui même si le narrateur (en fait, lui l’Académicien français) apparait avec des cheveux blonds…
Et avec l’ami Dany, on déambule dans Paris. Son studio près de la gare de l’Est, là où règne une « infernale agitation, souterraine Â». Les cafés, les rues… Surgissent alors des figures du Paris littéraires- François Villon, Albert Camus, Boris Vian, Ernest Hemingway ou encore l’ami Alain Mabanckou… et puis aussi Coco Chanel, le peintre trop tôt disparu Jean-Michel Basquiat. En dessins et accompagné par le chat qui parle « une demi-douzaine de langues dont le swahili », qui s’assoit devant un litre de rouge, qui balade ses trois paires de moustache, ses maigres pattes et son nÅ“ud papillon, l’auteur joue l’irrévérence. C’est joyeusement pétillant.
Au hasard des pages, on tombe sur un dessin- le narrateur s’entretient avec son éditeur et lui avoue : « Je m’amuse comme ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps Â» ; un peu plus loin, seul devant son bureau, il ajoute : « Il y a quelque chose que je n’ai jamais trouvé dans l’écriture et que le dessin m’offre comme une fleur : le présent Â». Et quand on arrive au dernier chapitre, c’est le feu d’artifice avec la question- définitive : « Comment faire ce qu’on ne sait pas faire Â». La réponse : suivre l’exemple de Dany Laferrière, l’écrivain qui fait lire avec des dessins !

 

Autoportrait de Paris avec chat
Auteur : Dany Laferrière
Editions : Grasset
Parution : 28 mars 2018
Prix : 23 €


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