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Les producteurs : la plume joueuse et jubilatoire d'Antoine Bello

  • Écrit par : Catherine Verne

Les producteursPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Le lecteur retrouve dans ce dernier tome de la trilogie son héros, Sliv, remontant les manches pour sortir le Centre de Falisification d'une ornière: une sacoche renfermant des dossiers secrets a été oubliée par un agent sur la banquette arrière d'un taxi... La boulette qui va mettre en branle-bas tous les étages du siège, des secrétaires aux boss de toutes sections. Incroyable? Et pourtant, ce sont des choses qui arrivent: vous papotez, vous rêvassez, bercé par le roulis du taxi ou la jolie nuque du chauffeur et hop vous voilà en deux deux trottinant sur un trottoir le coeur léger et... la main vide: oups! mais où ai-je donc laissé ma mallette top secret que tous les malfrats de la terre, CIA comprise, se ligueraient bien pour me la chourrer en mode mission GI Joe et qu'on ne me croira pas si je raconte que j'ai tout simplement compromis toute une organisation par un instant, que dis-je, une micro-seconde, de distraction en sortant d'un taxi?

 

Soit, la version ci-dessus quant aux circonstances de l'inconcevable perte n'est pas accréditée par l'écrivain - qui aurait narré la chose avec plus de panache, tan s'en faut- ni par le Centre en ébullition - lequel a mieux à faire que lire la grandeparade, encore qu'il serait bien inspiré d'y puiser quelque scénario croustillant,  tant les romans y étant présentés fourmillent d'idées génialissimes pour qui traque de nouvelles trouvailles. Car c'est bien le boulot de Sliv et de ses camarades, dont l'irrésistible Lena qu'on a plaisir à retrouver entre autres fidèles de l'aventure: mettre au point et diffuser des infos et autres rumeurs susceptibles d'améliorer le sort de la planète dans une perspective humaniste. Par où Antoine Bello prend le contre-pied en somme de l'injonction orwellienne: "dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire." On ne peut que relever l'audacieux parti pris que ce positionnement du Centre en faveur de la falsification pour sauver le monde. Cette fois c'est la réalité sur Obama et son accession au pouvoir ou le réchauffement climatique qui sont dans le colimateur du romancier, mais aussi la découverte providentielle d'une nouvelle communauté Maya. Comme d'habitude, sous sa plume joueuse et jubilatoire, le vrai et l'imaginaire se télescopent, créant un exquis mélange. Troublant aussi, car le lecteur est une fois de plus invité au doute, à la perplexité, balloté dans ses certitudes à la limite de l'hypothèse complotiste. Mais qui ne raffole pas de ce va-et-vient vertigineux quand il est littéraire ? Antoine Bello renoue avec la pensée prodigieuse des enfants et des rêveurs éveillés, stimulant chez son lectorat le ressort du conte et du romanesque pur pour jouer avec lui : inventer et partager une histoire crédible, n'est-ce pas ce qu'il y a depuis toujours en littérature de plus merveilleux? Quand, en plus, l'ambition qui sous-tend cette démarche requiert un courage héroïque aux personnages et sert un idéal de paix sur Terre, que demander de plus? Un quatrième tome, bien sûr, Antoine Bello, s'il-vous-plaît! En attendant, le présent ouvrage contient un "véritable" morceau d'anthologie: le passage édifiant où un producteur révèle toutes les ficelles hollywoodiennes en matière d'hypnose publique dont s'inspirer pour réussir une bonne imposture. Incroyable? Pas sûr.

Les producteurs
Auteur: Antoine Bello
Editeur: Folio
Parution: 25 août 2016
Prix: 7,70 euros

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