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« Et c’est ainsi que nous vivrons » : l’Amérique en 2045, version Douglas Kennedy…

  • Écrit par : Serge Bressan

douglas kennedyPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com / Ce pourrait être la nuit américaine. Ou encore des citoyen.ne.s pris.e.s entre deux mondes totalitaires. Le romancier états-unien Douglas Kennedy, 68 ans et grand cinéphile, n’oublie jamais qu’il a été, dans une vie lointaine, journaliste- il en a gardé un sens aigu de l’observation et du détail, et aussi un grand intérêt pour la vie qui va et les grands mouvements sociétaux. Auteur à (grand) succès en Europe mais longtemps ignoré dans son pays natal, il se glisse régulièrement jusqu’à nous- ainsi, en ce printemps-été, il nous arrive avec son 26ème roman, une cinglante dystopie joliment titrée « Et c’est ainsi que nous vivrons »…

Grand voyageur qui passe son année entre les Etats-Unis, Londres, Berlin et Paris, il est un des meilleurs analystes du monde américain- ce qu’il avait prouvé avec « Les Hommes ont peur de la lumière », son précédent roman paru en 2022 et évoquant la marche arrière de nombreux Etats américains sur le sujet de l’avortement. Dans un récent entretien, Douglas Kennedy a confié qu’il existe, entre « Les Hommes ont peur… » et « Et c’est ainsi que nous vivrons », des passerelles. Tout en précisant : « Ce nouveau roman, j’ai tenu à placer son intrigue en 2045, soit cent ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’idée n’était pas d’écrire une science-fiction, mais un roman d’anticipation. Ainsi, lorsque je prends des notes dans mon calepin, je veille à ce qu’elles restent crédibles. Les faits devaient bouger uniquement dans mon esprit, certaines choses avançaient grâce à la technologie dans un monde totalitaire. Et je suis arrivé à la conclusion que, si nous ne sommes pas prudents, cela risque d’arriver. D’ailleurs, le titre est certes très violent pour cette raison mais c’est un avertissement… »
Alors, transporté.e.s en 2045 avec Douglas Kennedy, nous voilà dans un pays double : l’un qui s’étale sur les côtes Est et Ouest, l’autre dans le Middle West et le Sud. Rapidement, on dira que le premier est démocrate avec une liberté de mœurs totale et aussi une surveillance constante, le second républicain où les valeurs chrétiennes font loi avec divorce, avortement et changement de sexe interdits… Bref, une Amérique plus divisée que jamais après une nouvelle Guerre de Sécession. C’est les « Etats désunis » aussi broyés que des êtres « auparavant très proches, qui ont tout gâché (…) et observent maintenant la terre dévastée entre eux, habités d’un profond chagrin qu’aucun ne saurait exprimer », ça ressemble à « ce qu’il reste d’un couple après le divorce le plus amer et le plus violent qui soit ». Oui, deux blocs en « face to face », l’un craignant l’autre d’infiltration. Parano ? Pas vraiment… Au hasard des pages, on lit les mots de Kennedy, l’auteur de « Cul de sac » (1997 pour la VF), « La Poursuite du bonheur » (2001), « La Femme du Vème » (2007) ou encore « La Symphonie du hasard » (2018) : « A l’image des cellules biologiques qui nous composent, il est dans notre nature de nous diviser. L’histoire de l’humanité, individuelle et collective, n’est qu’une longue succession de schismes et de ruptures. Nous brisons nos familles, nos couples. Nous brisons nos nations. Et nous rejetons la faute les uns sur les autres. C’est un besoin inhérent à la condition humaine : celui de trouver un ennemi proche de nous afin de l’exclure en prétextant ne pas avoir le choix. Vivre, c’est diviser ».
Et voilà le décor du roman de Douglas Kennedy. Dans un des deux blocs, Samantha Stengel. Elle est agente des services secrets de la République unie, elle est reconnue et appréciée pour son sang-froid en toute occasion, on lui confie une mission : passer dans l’autre bloc pour anéantir une cible aussi dangereuse qu’imprévisible. Cette cible, elle le découvrira, c’est sa demi-sœur, elle aussi espionne mais dans le camp rigoriste… Alors, Samantha va devoir affronter avec les traitres de son camp et les attaques perfides de celui d’en face. En bon romancier touche-à-tout, Douglas Kennedy rappelle avec « Et c’est ainsi que nous vivrons » qu’il n’y a pas meilleure force (littéraire, mais pas que !) de frappe que le thriller…

Et c’est ainsi que nous vivrons
Auteur : Douglas Kennedy
Traduction : Chloé Royer
Editions : Belfond
Parution : 1er juin 2023
Prix : 22,90 €

Extrait

« (…) je me rappelle une autre vie. Un autre pays. Un autre monde.
A ma naissance, en 2002, il existait encore une fédération d’Etats véritablement unis. J’ai un vague souvenir de mes parents en train de danser dans notre salon le soir où Barack Obama a été élu président en 2008. Mon père m’a dit : « Quand tu seras grande, tu te souviendras de ce jour comme de celui où l’Amérique a fait peau neuve ».
Douze ans plus tard, quand j’ai commencé mes études supérieures, nous avions un gangster multimillionnaire à la Maison-Blanche, à la tête d’un pays divisé et plein de haine : « Deux Amériques qui se méprisent », pour citer mon père l’écrivain… »

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