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Victor Remizov : le silence de la taïga

  • Écrit par : Serge Bressan

VoliaPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr/ Il a été géomètre, journaliste, professeur de littérature. A 59 ans, Victor Remizov signe son premier et puissant roman : « Volia Volnaïa ». Un texte dans la plus pure tradition des grands auteurs russes. Très vite, on est prévenu : le voyage s’annonce long. Direction, la Sibérie extrême. Là-bas, tout là-bas au nord du Japon, au bord de la mer d’Okhotsk. Là-bas, c’est l’Est le plus reculé de l’espace russe, et le décor de « Volia Volnaïa » (ce qui, en VF, signifie « Liberté libre »)- le premier roman de Victor Remizov, né en 1958 à Saratov (à 860 kms au sud-est de Moscou, sur la rive droite de la Volga) est l'un de ces romans qui prouvent que les romanciers russes du moment ne craignent pas le poids de leurs grands ancêtres.
Avant de se lancer dans le monde de l’écriture, Remizov a étudié la géologie puis les langues à l’université d’Etat de Moscou. Ensuite, il a été géomètre expert dans la taïga, journaliste ou encore professeur de littérature russe. Sa biographie précise également qu’il écrit des articles pour la revue littéraire « Novy Mir » et qu’avant « Volia Volnaïa », il a publié un recueil de nouvelles en 2008. Enfin, son éditeur annonce que ce premier roman est en cours de traduction dans de nombreux pays à travers le monde…
Avant le départ pour le grand voyage, une confidence de Victor Remizov : « J’ai expérimenté tout ce que je décris dans le livre. J’ai chassé et pêché dans la taïga, j’ai fait du radeau seul sur les rivières, chassé des ours et des élans, bu de la vodka avec les locaux alors que nous parlions de la manière dont les choses fonctionnaient chez eux, leurs rapports à l’autorité ». Donc, direction la Sibérie de tous les mystères, de toutes les souffrances, de toutes les horreurs.

[bt_quote style="default" width="0"]La taïga était silencieuse. De petites paillettes voltigeaient dans l’air, tombant du ciel, de l’obscurité cosmique où tout allait certainement bien mieux que sur terre, puis se déposaient sur les rondins gris de l’isba.[/bt_quote]

« Volia Volnaïa », c’est le roman des grands espaces, de la solitude, de la nature, de l’immensité, de la démesure… C’est aussi un roman en format XXL avec, en ouverture, la liste des personnages- c’est obligé puisque pas moins de quarante et un personnages vont habiter les 400 pages du roman. Des personnages qui se nomment Milioutine, Goussev, Robiakov, Oncle Sacha, Lepiokhine et que l’on retrouve sur la presqu’île de Rybatchi, où la plupart des hommes sont chasseurs d’ours, d’élans et/ou de zibelines, pêcheurs et récolteurs des précieux œufs de poisson, où ça traficote gentiment avec la police locale qui taxe 20% des revenus de la chasse et de la pêche.
Cette presqu’île, ce sont, d’isba en isba, des terrains de jeu d’environ 80 000 hectares chacun. En ces années 2000, l’Est extrême de la Russie, c’est comme le Far West américain du 19ème siècle ; ce sont aussi, dans cet espace quasi vierge, des personnages « d’une taille au-dessus de la moyenne », « avec de grandes mains », « forts comme cinq hommes »… et puis, un jour, un incident et un coup de feu. Conséquence : un putsch dans la police locale, Tikhi (humain, forcément humain) est remplacé par Gnidiouk (infâme, forcément infâme), lequel a des appuis à Moscou, capitale qu’à Rybatchi on situe « sur le continent ». Un corps d’élite national interviendra, s’ensuivra une chasse à l’homme- un des personnages commente : « Ce n’étaient pas ces salauds de miliciens qui avaient inventé le monde, ils n’avaient pas le pouvoir sur ces rivières et ces montagnes », un autre dit : « C'est quoi, ce pays où les flics ont toujours raison ? »
Dans ce foisonnement, en maître d’écriture et en avisé metteur en scène, Victor Remizov donne la part belle à la taïga. Mieux : de cette terre d’immensité, il en fait un personnage à la présence obsédante avec ses mélèzes et ses pins nains, ses coqs de bruyère et ses loups. Dans cette taïga, la solitude devient « une drogue accrocheuse »- et dans les pages de « Volia Volnaïa », on en oublie les intrigues. Soudain, on réalise que Victor Remizov sait, mieux que quiconque, avec cette écriture emplie de souffle et de grandeur, décrire les moments qui ne servent à rien. « Volia Volnaïa », c’est le roman du dépaysement, du froid, de l’imaginaire russe ; c’est aussi, et surtout, une question- essentielle : se mettre du côté, volontairement ou non, du côté du pouvoir… ou choisir la liberté libre ?

Volia Volnaïa
Auteur : Victor Remizov
Editions : Belfond
Parution : 12 janvier 2017
Prix : 21 euros

 


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