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Jean-Philippe Daguerre
 : La compagnie le Grenier Babouchka revigore le Cid au Ranelagh

  • Écrit par : Guillaume Chérel

Le CidPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ « ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers 
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? » (… ) : ça nous rappelle tous quelque chose. Mais ce qui était généralement un pensum à lire au lycée est devenu un plaisir d’auditeur au théâtre Ranelagh ; qui fête ses 120 ans, soit dit en passant, et qui fut fréquenté par Debussy, entr'autres. Dans cette salle étonnante, car toute en longueur et boisée, se joue également un Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, remarquable, jusqu’au 17 avril 2017.

A lieu exceptionnel, auteur extraordinaire. Le Cid de Pierre Corneille, revisité en tragi-comédie, c’est un peu notre « Roméo et Juliette » de Shakespeare à la française. Revenons donc à nos tourtereaux. Petit rappel de l’histoire : Chimène et Rodrigue s'aiment d'un amour fou. Tels Roméo et Juliette, leur destinée est contrariée par leurs familles respectives. Nous sommes en plein cœur d’une histoire de chair et de sang : passion, vengeance, trahison portent nos émotions à leur paroxysme dans cette pièce épique. Nous sommes en Castille (Espagne) où « l’honneur est un devoir, l’amour est un plaisir». Nos deux jeunes héros vont nous prouver, à grands coups de cris, de larmes, de sacrifices et de courage que l’amour est le remède à tous nos maux.
Tout en respectant le texte de Corneille à la ligne, évidemment, les comédiens du Grenier de Babouchka ont une diction remarquable, les géniaux alexandrins sont déclamés avec une grande justesse. Chaque personnage possède une lame légère et des idéaux profonds. Sans compter qu’il y a de la bagarre… des duels à l’épée réglés par le maître d’armes Christophe Mie, ancien membre de l’équipe de France de sabre. Sans oublier les beaux costumes (rouges vifs) d’époque. L’occasion est trop belle de de réviser nos classiques. Nous avons failli oublier les musiciens talentueux, sous la direction de Petr Ruzicka… Bref, du rythme, du souffle, du cœur et du sens.
Malgré le drame (cornélien, forcément…) le comique fait son intrusion avec le roi, sapé comme un bouffon, postillonnant (gare aux premiers rangs) ses ordres sans faiblir et avec sagesse. Il y a le suspense et des coups… de théâtre. Ce Cid-là, pourtant créée en 1637, a encore de beaux jours devant lui. Et on aimerait voir la tête de Corneille, qui écrivit la pièce à peine trente ans, qui le rendit célèbre jusqu’à aujourd’hui.
L’histoire du jeune Rodrigue déchiré entre son sens du devoir filial et son amour pour Chimène n’a pas pris une ride. Rodrigue ne tuera pas son père mais il le désavouera, d’une certaine manière, puisqu’il ne renonce pas à son amour pour Chimène. Cette dernière étonnamment n’a pas de complexe d’œdipe. Elle n’a d’yeux que pour Rodrigue et défend l’image de son père par devoir mais aussi parce qu’il lui importe de ne pas paraître faible aux yeux de Rodrigue. Les deux amoureux se regardent dans les yeux. Ils sont miroir l’un pour l’autre.
La mise en scène de Jean-Philippe Daguerre est à la fois fidèle au texte classique et à la modernité de notre temps. Tous les protagonistes sont excellents de justesse car à fond. Ils jouent au premier degré la fougue de la jeunesse et la rigueur des devoirs parentaux et/ou gouvernementaux. Il y a les principes et il y a la vie… la passion. Le cœur et ses raisons. Nous sommes à la fois dans un roman de cape et d’épée et dans un tableau du musée du Prado, à Madrid. Ça nettoie les oreilles et lave les yeux. Que demander de plus ? Un spectacle qui donne envie d’aimer de retourner au théâtre. Art vivant devenu acte de résistance non seulement artistique mais moral. Si si…

Le Cid de Pierre CORNEILLE
Mise en scène de Jean-Philippe DAGUERRE


Distribution des Comédiens : Stéphane Dauch, Johann Dionnet ou Edouard Rouland, Manon Gilbert, Kamel Isker ou Thibault Pinson, Maïlis Jeunesse ou Mona Thanaël, Didier Lafaye ou Alex Bonstein, Charlotte Matzneff ou Flore Vannier-Moreau, Christophe Mie, Sophie Raynaud, Yves Roux



Assistant à la mise en scène : Nicolas Leguyader

Combats : Christophe Mie
Costumes : Virginie Houdinière

Décors : Frank Viscardi

Musique : Petr Ruzicka

Musiciens : Petr Ruzicka, Antonio Matias

Photographies : Geoffrey Callènes

- Du 14 Septembre 2016 au 15 Janvier 2017 au THEATRE DU RANELAGH  (5, rue des Vignes 75016 PARIS ) – du mercredi au samedi à 20h45 – les trois premiers samedis à 16h30 : 17 et 24 septembre + 1er octobre puis à partir du 8 octobre samedi à 15h dimanche à 17h – Relâches : 7 octobre / 2, 24 et 25 décembre / 1er janvier - Tel : 01 42 88 64 44 / www.theatre-ranelagh.com

- Du 7 au 30 juillet 2017 au Théâtre du Roi René - 15h10 - Festival Avignon Off

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