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Soma : la danse drolatique et musclée de Raphaëlle Delaunay

  • Écrit par : Guillaume Chérel

SomaPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ L’apéro était offert par la Maison des métallos (du 11 au 15 juillet dernier) lors des représentions (complet chaque soir) de Soma. Invité à siroter tranquillement, assis bien confortablement, dans la lumière tamisée, soudain une douce voix a invité le public à respirer profondément. Puis la danseuse Raphaëlle Delaunay est apparue, cheveux coupés ultra courts, en justaucorps léopard, sur pantalon de survêt’ Adidas bleu, pour donner… un cours de yoga (?!). Bon, évidemment, d’un genre particulier. Soma se veut une réflexion sur le corps.

Quand une danseuse de haut niveau, habituée aux ballets classiques et contemporains, se pointe dans une salle comme pour s’entraîner au fitness, c’est qu’il y a anguille sous roche. Déjà, de cette entrée en matière insolite, l’ancienne interprète de Pina Bausch et d’Alain Platel, réussit le tour de force d’en faire un numéro humoristique singulier, d’une grande finesse, car sans « punch-lines Â» ni gesticulations mais avec des « private-jokes Â» que comprendront ceux et celles qui s’intéressent non seulement à la danse mais au développement personnel en général. Quoique… au fur et à mesure du cours, ou de l’échauffement, voire de la performance, Raphaëlle Delaunay se met à grincer, souffrir, pester, jurer de plus en plus violement car elle souffre, sourire crispé aux lèvres.
Soma est avant tout une interrogation sur cette pratique physique intensive qui forge un corps non seulement résistant et démonstratif, mais sculpté dans une certaine idée de la beauté. L’air de rien, la danseuse montre ce qu’elle arrive à faire (souplesse, vélocité) après plus de vingt ans de pratique quotidienne. Mais à quel prix ? En atteste sa cheville bandée et ses muscles presque masculins (sous une silhouette hyper féminine). Ses poses, façon concours de Monsieur Muscle sont à se tordre de rire. On est entre Tex Avery et Buster Keaton. On aura rarement vu – à part Â« Tutu Â» joué par des hommes encore une fois – une performance de danse aussi drôle, jouée par une femme, à notre connaissance.
Envisagée comme une recherche sur le malaise de l’individu qui se perd dans l’illusion de son image, la pièce interprétée par Raphaëlle Delaunay dévoile les fragilités de l’existence humaine dans un culte du corps qui frôle souvent le tragi-comique… Une réussite parce que ce spectacle s’adresse à tous les publics. Pas seulement à ceux qui connaissent les codes de la danse contemporaine.

Soma (55’) concept et danse de Raphaëlle Delaunay.
Son : Pierre Boscheron
Scénographie et lumière Sylvie Garot
La Maison des Métallos : 94, rue Jean-Pierre Timbaud – 75011 Paris
www.maisondesmetallos.org/biletterie - Résa : 01 47 00 25 20 / infos : 01 48 05 88 27

Bio express
Ayant suivi une formation classique au sein de la Royal School of Dancing de Londres et de l’Opéra de Paris, Raphaëlle Delaunay a travaillé par la suite comme danseuse auprès de chorégraphes contemporains majeurs tels que Pina Bausch et Alain Platel. Depuis le début des années 2000, elle développe son propre langage chorégraphique, nourri notamment par les danses afro-américaines et urbaines, et compte aujourd’hui une dizaine de pièces à son actif, parmi lesquelles Jeux d’intention (2003), Vestis (2007), Bitter Sugar (2009) etChez Joséphine (2013). Outre Pina Bausch, parmi ses collaborations, elle a travaillé avec Jiri Kylian, Pascal Rambert, Alain Buffard, Bernardo Montet, Boris Charmatz… pour les connaisseurs. Avec Hot Dogs (2007) elle a initié un travail sur les danses noires qui se prolongera avec Ginger Jive puis Bitter Sugaren 2009 ; Eikon (2011) et Chez Joséphine (commande de la Cité de la musique, 2014) s’inscrivent dans ce creuset des danses sociales, en prenant pour sujet les figures iconiques de Michael Jackson et Joséphine Baker. Debout ! (2012), solo qui marque le passage à un registre plus intime ; SOMA (2016) initie une réflexion sur le corps. Un aspect performatif de son travail est dévoilé dans les collaborations avec le musiciens Jeff Mills (The Gateways, 2014), les Nouveaux caractères (Chaconne, 2015) ou bien en duo avec l’écrivain Sylvain Prud’homme (It’s a match). Ses collaborations la mènent aussi du côté du théâtre et du texte avec Fréderic Fisbach (Mademoiselle Julie, 2014), Jean-Christophe Saiz (L’Histoire du Soldat), ou Guillaume Vincent. Le travail de création de Raphaëlle s’incarne aussi par le prisme de la transmission et du partage auprès de publics aussi divers que variés. Elle enseigne dans différentes institutions en France et à l’étranger.


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