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Dérapages : Eric Cantona, un homme en colère…

  • Écrit par : Serge Bressan

DérapagesPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Gros plan sur le visage. Cheveux ras, barbe grisonnante. Regard fixe, face caméra, l’homme dit : « J’ai jamais été un homme violent. J’ai jamais voulu tuer personne. Des coups de colère par ci, par là comme tout le monde mais à ce point-là… Quand j’ai compris que j’étais en colère, j’ai pris peur mais c’était trop tard. Je m’appelle Alain Delambre. J’étais ce qu’on appelle un senior. Sur le marché du travail, un senior c’est le dernier type qu’on embauche quand il y a du boulot et le premier qu’on vire quand il y a une charrette… »

Voix posée, chaude et profonde, l’homme ajoute que sa charrette à lui remontait à six ans, et plan suivant, on le découvre agent d’entretien dans le sous-sol d’un parking… Ainsi débute « Dérapages », la nouvelle série- événement proposée par Arte, réalisée par Ziad Doueiri et portée par un formidable Eric Cantona. Dès ces premières images, on perçoit une douce violence, une tranquille rébellion. En six épisodes, on va suivre un homme en colère dans une société du 21ème siècle qui prend, essore, écrase l’individu, à quelque poste et niveau qu’il soit…

« J’ai été vingt-cinq ans DRH. Après six ans de chômage, la condamnation à des jobs minables et à l’humiliation permanente », dit encore et aussi Alain Delambre, ce cadre usé à 57 ans par le chômage et qui part en guerre contre le système qui l’a trahi, détruit. Massif, musculeux, à bientôt 54 ans (le 24 mai prochain), Eric Cantona a été une évidence pour incarner le personnage. Récemment, il confiait ce qui l’avait séduit dans ce personnage : « C’est un rôle assez rare. Mon personnage passe par des émotions très fortes, très variées, dans des univers incroyablement différents. Ces étapes parlent à tout le monde : l’humiliation, la révolte. J’ai aimé aussi beaucoup l’humour, une ironie sur la vie, sur le système ». Donc, après six années de galère, une altercation avec un employeur qui met fin à l’équilibre précaire et le soutien de sa femme Nicole, il candidate dans un cabinet de recrutement. Il passe des tests pour un job, il est sélectionné pour un poste de DRH- le job, il connaît. « Ce poste est un miracle et j’allais retrouver la femme de ma vie », dit Delambre. Mais derrière le cabinet de recrutement, il y a Alexandre Dorfmann, le PDG d’Exxya, une multinationale en difficulté qui prépare un important plan de licenciement…
Dans une première vie, port altier, col relevé, Eric Cantona fut un footballeur unique. International français (45 sélections, 20 buts), mésestimé en France, il fut dans les années 1990 superstar en Angleterre- avec Manchester United et l’estime du manager Alex Ferguson, il eut droit à une chanson (« Ooh Aah Cantona ! ») et même des titres d’Eric the King et King Eric, et a été élu « joueur du siècle » par les supporters du club mancunien en 2001. Il fut aussi celui qui, touché par la grâce poétique, pouvait lancer des phrases aussi absconses que surréalistes- exemple : « Quand les mouettes suivent le chalutier, c'est qu'elles pensent qu'on va jeter des sardines à la mer ». Il fut également un membre important de l’Union internationale des footballeurs professionnels, avec un autre génie du ballon rond : l’Argentin Diego Armando Maradona. Lorsqu’il range les chaussures à crampons et entame sa deuxième vie, il continue à honorer et pratiquer l’art. Dessin, peinture et, en 1995, le cinéma qui le mène jusqu’au réalisateur britannique Ken Loach- ensemble, ils signent le magnifique « Looking for Eric » (2009). En ce printemps, il incarne le personnage principal de « Dérapages », la série du printemps d’Arte, adaptée de « Cadres noirs »- le roman paru en 2010 de Pierre Lemaitre (prix Goncourt 2013 pour « Au revoir là-haut ») qui signe le scénario avec Perrine Margaine. A la réalisation, Ziad Doueiri, ancien assistant de Quentin Tarantino et qui a mis en images 4 longs-métrages (dont « West Beyrouth »- 1998) et 3 séries télé (dont « Baron noir »- 2016)…
A la question de son choix par Doueiri pour ce rôle, Eric the King répond : « Ziad Doueiri ne me connaissait pas du tout avant de me rencontrer. Libanais, il a passé beaucoup de temps aux Etats-Unis. Il a travaillé là-bas et il ne connait pas du tout le football. C’est sur photo qu’il m’a choisi... » Pour ce thriller haletant à caractère social mêlant polar, feuilleton judiciaire et drame familial, pour ce personnage anti-héros ambigu et sympathique, Cantona confie également avoir là « un personnage rare »- et d’ajouter : « Avec le réalisateur pendant un mois et demi, nous avons consacré du temps à la préparation du rôle, de sorte qu’en arrivant sur le plateau nous étions en confiance et en accord sur la direction à prendre… » A l’écran, « Canto » (une trentaine de films ciné et télé à ce jour sur son CV) est parfait dans le costume de cet homme en colère, de cet homme qui va prendre le système à son propre jeu, à son propre piège. Confidence d’Eric Cantona : « Dans ce personnage, j’y ai mis beaucoup de moi. Même si je n’ai pas forcément vécu les mêmes choses que lui, que je ne me suis jamais retrouvé au chômage, il y a une part de moi qui est animée par la même révolte… » Encore et toujours, c’est Eric Cantona qui mène la révolte. Eric the King forever !

Dérapages
Arte, jeudi 23 avril 2020, épisodes 1 à 3 ; jeudi 30 avril 2020, épisodes 4 à 6.
Durée : 52 minutes, chacun des 6 épisodes
Réalisateur : Ziad Doueiri
Scénario : Pierre Lemaitre et Perrine Margaine
Avec Eric Cantona, Alex Lutz, Suzanne Clément, Alice de Lencquesaing, Gustave Kervern,…

Les épisodes déjà disponibles ici ! 


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